Lu sur
Fakir :
"Nous espérons que votre été s'est déroulé à merveille, et qu'ainsi, la rentrée ne s'annonce que meilleure...
Fakir a terminé de se griller les côtes sur les galets de Cayeux/Mer, et revient en pleine forme pour fêter ses six ans à la mi-octobre, avec un numéro spécial. En réajustant son pagne après la douche, il se faisait une petite réflexion sur le tourisme, pas mécontent de rentrer, finalement...
On se souvient de Claude Villers et de son émission sur France Inter, Je vous écris du plus lointain de mes rêves, où nos oreilles se baladaient au loin, écoutant paisible les histoires de pêcheurs des îles polynésiennes, ou les roulis d'un train au fin fond des Etats-Unis. Lui a pris sa retraite et une époque s'est achevée. A la même heure et sur le même créneau, le dimanche toujours, place désormais à Au détour du monde : « Les romans sont parfois à l'origine d'envie de voyager : le succès du Da Vinci Code a boosté l'Eurostar, + 15% de voyageurs en 2004, une année record. Les Britanniques ont pris le train pour Paris, visiter le Louvre ou l'Eglise St Sulpice, des lieux de l'action du livre » (20/02/05). Modernisation du service public oblige, l'ailleurs est désormais traité comme un marché.
Parmi les destinations « en hausse », la « magie du désert » (pour un « trekking »), le « voyage de noces aux Seychelles », la « nuit polaire du cercle arctique ». Ou encore, les bords de la mer Rouge, pour ses nouvelles formules de plongée sous-marine : « Les avantages, c'est que c'est à 4 heures d'avion, donc on part le matin, et l'après-midi, on est déjà dans l'eau, avec 20° de plus. Ourgada, c'est vrai que c'est une usine de plongée, y a environ 150 clubs, c'était l'idéal pour moi, pour me remettre à l'eau. 2,5 millions de touristes par an, des hôtels à tire-larigot tout le long de la côte. Alors moi, j'étais dans un hôtel avec 850 chambres, je crois, et on vous met un bracelet bleu, vous savez un peu comme les bébés dans les maternités, et après vous ne vous occupez plus de rien, on vous prend vraiment totalement en charge, et Ourgada, je crois que c'est le Las Vegas égyptien. » Bref, du Disneyland plus classieux...
Mais le touriste, consommateur blasé, réclame davantage. L'exotisme de l'Afrique, de l'Inde, de l'Amérique centrale, ne lui suffit plus. Il lui faut de « nouveaux produits à la mode » : le « shark-feeding », par exemple, la nage en compagnie des requins (20/02/05). Car la radio s'adresse aux « jeunes générations qui rêvent de défis extrêmes et de voyages sportifs » (06/02/05), éprises de « télémark, raquettes, snowboard, freeride, snowkite, des idées pour skier autrement » :
« Vous déchirez la poudre, c'est ce que j'ai lu dans les magazines...
- Ouais, je déchire la poudre, tracer des lignes, tirer des droites, après y a un lexique et un jargon très snowboardesque, on va dire, mais le but du jeu c'est de fuir la population et se retrouver dans un milieu le plus naturel possible...
- Vous montez comment ? En hélico ?
- Y a plusieurs moyens de remonter, alors pour les plus chanceux comme moi qui peuvent être sponsorisés par quelques marques, et qui leur paient de magnifiques voyages, on a l'hélicoptère, parfait engin pour pouvoir accéder aux plus belles pentes » (13/02/05).
Sur ces plus belles pentes « du Népal et du Tibet », « de la Nouvelle Zélande, ou du Chili », le jeune aventurier, version Radio France, s'efforcera de « fuir la population ». Là où le reporter d'hier jouait les ethnologues en herbe, s'amusait des rencontres avec nos voisins lointains, découvrait leurs moeurs, etc.
C'est une mutation que les médias accompagnent, encouragent : fini l'auditeur voyageur immobile, place au touriste consommateur de loisirs. Consommateur du monde.
Aline Dekervel