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L'En Dehors


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Comment nous tuons nos enfants
Avez-vous entendu parler du methylphénidate ? Si non, ça ne saurait tarder. Molécule agissant sur le système nerveux centrai, dérivé amphétaminique classé au tableau des stupéfiants, elle est utilisée dans le traitement de l'hyperactivité de l'enfant. Son doux nom commercial: Ritaline, pour la plus connue, ou encore Concerta. Apparue aux États-Unis il y a presque dix ans, elle y a connu un succès digne de la coke ou du crack: les gosses en sucent là-bas comme si c'était des Smarties. Bien sûr, le phénomène, porté par la force de frappe des industries pharmaceutiques, s'est transporté dans les contrées de la vieille Europe, dont la France: 170000 boîtes vendues au cours de l'année 2004, trois fois plus qu'en 2000. Les petits agités se seraient-ils multipliés?





C'EST UNE HISTOIRE qui commence bien: on isole une molécule et, grâce à cette molécule, on atténue un temps la souffrance des enfants atteints deTDAH (troubles déficitaires de l'at­tention, avec ou sans hyperactivité). Les TDAH, c'est pas drôle. Les enfants concernés, petits speedés de 6 ans et plus, incapables de se concentrer ni de mener à bien la moindre activité, souffrent terriblement. La Ritaline les soulage, et soulage leur entourage, lequel est soumis à rude épreuve. Un soulagement pas­sager, le temps que dure l'effet de ce qui n'est qu'un médicament.

Comme ça ne peut suffire, on oriente certains de ces enfants vers des psychothé­rapies, certains pédopsychiatres estimant même que leurs jeunes patients ne font, par leurs comportements, que réagir à l'environ­nement familial, social, éducatif.

Le neuropédiatre Louis Vallée affirme pour sa part que seulement 10 % des enfants dits hyperactifs relèvent d'un traitement de type Ritaline. 10 % d'un groupe constitué au maximum de 9000 enfants... Pourtant, ces derniers temps, les ventes n'en ont pas moins continué de s'envoler, jusqu'à être multipliées par trois en l'espace de quatre ans. C'est que la demande a augmenté. Et si la demande a augmenté, c'est que la télé en a parlé.

Ces dernières années, nombre de talk-shows ont en effet traité le sujet des TDAH, en privilégiant l'angle strictement médical.

Rebaptisées par les médias « pilules de l'obéissance », la Ritaline et ses petites sœurs ont donc bénéficié d'un furieux coup de pro­jecteur, une véritable aubaine pour leurs fabricants, qui n'eurent même pas besoin d'en faire la promotion. Les garde-fous mis en place (la première prescription ne peut être le fait que d'un pédopsychiatre, quant aux médecins traitants ils ne peuvent prolon­ger le traitement au-delà d'un an) se sont révélés inefficaces. A la demande des parents, des spécialistes n'hésitèrent pas à jouer de l'ordonnancier, prescrivant de la Ritaline dans le cas d'enfants non concernés par l'hy­peractivité, et se montrant seulement un peu trop turbulents. Aujourd'hui, il existe des sites Internet où les parents qui "cherchent" de la Ritaline s'échangent les adresses des médecins les moins regardants, bref de leurs meilleurs « fournisseurs »... Pression des parents, donc, eux-mêmes soumis à la pres­sion de l'institution scolaire: en regardant de plus près l'intitulé des prescriptions, on a constaté qu'elles étaient de plus en plus sou­vent liées au cadre scolaire.

En terme de rythme: l'enfant n'avalera sa pilule que les jours où il va à l'école, le traite­ment étant suspendu pendant les vacances, voire durant le week-end! En terme, surtout, de comportement, tant la peur de l'échec est grande, chez les parents en général, chez ceux d'enfants « trop vivants », en particulier.

Quelles que soient les (mauvaises) raisons qui les poussent à une telle aberration, la conclusion pourtant s'impose: dans ce pays, des parents sont prêts à droguer leurs enfants dans le but d'éviter qu'ils aient des problèmes à l'école...

Puisqu'ils sont concernés de près, on aurait bien voulu savoir ce que pensent les enseignants de ce phénomène inquiétant. Il semblerait, malheureusement, que les ensei­gnants n'en pensent rien: syndicats, péda­gogues, académies, médecine scolaire, etc., c'est, sur ce sujet, le grand silence.

On en est donc réduit à de pures supposi­tions, au premier rang desquelles celle qui incline à penser qu'ils sont d'abord soucieux du bien-être de leurs jeunes élèves (rappelons que nous parlons ici d'enfants âgés de 6 à 10 ans). On imagine également qu'ils doivent être peu nombreux à rêver de faire classe devant un troupeau de courges shootées. On fait le pari, cependant, que certains se sentent soulagés d'être débarrassés des petits agités et autres « perturbateurs », et rendent grâce aux pilules d'évacuer la difficulté qu'est pour eux la parole de l'élève.

Ainsi se perpétue, au croisement de trois tensions — tension du parent affolé, tension de l'enseignant exigeant, tension de l'enfant qui s'efforce de correspondre au modèle d'élève imposé - le mythe, justement, de l'élève modèle. Le cancre vient ici s'asseoir aux côtés de l'enfant sage. L'un a pris de la Ritaline, l'autre pas.

Silence, donc, du côté des profs. Certains médecins par contre commencent à s'élever contre ce que le professeur Golse, de l'hôpital Necker, appelle le « rabotage des comporte­ments ».

Ceux-là dénoncent l'inquiétante médica­lisation des troubles psychiques, et l'approche réductionniste, centrée sur les symptômes. Mais nombreux sont les spécialistes qui refu­sent de pousser la réflexion au-delà de l'idée de confort.

Selon Eric Kononfal, neuropédiatre à l'hô­pital Debré, « la Ritaline permet aux enfants de mieux écouter la maîtresse »...

Toutefois, s'ils ne sont qu'une poignée à dénoncer sur prescriptions et abus en tout genre, on ne peut que saluer leur courage quand on sait l'orner ta qui règne dans le milieu médical, surtout, leur être gré d'élever le débat au niveau où il doit se mener, celui d'un choix de société. Que penser ces adultes, parents ou profs, qui enfants sages, alors même que la l'exact contraire de l'enfance, son opposé ?

Que penser de ces gens qui, parce qu'ils en ont peur, semblent fermement calmer la jeunesse, quitte à lui fournir pour cela, d'énormes quantités de drogues que les questions soulevées par l'usage détourné du méthylphénidate dépassent de beaucoup la sphère de l'éducation s'inscrivent au cœur d'une réflexion plus large volonté de contrôle des individus, volonté de contrôle que ne cherchent même plus à nier les tenants de l'ultra-sécuritarisme.

Dans ce cadre, l'enfant sage, qui grandi, passera directement de la rtialine au Lexomyl, à moins que ses goûts personnels ne le portent vers la picole. Toxicomane à vie il n'en deviendra pas moins une manière de citoyen modèle , c'est-à-dire atone, sourd, parfaitement indifférent. Un individu qui comme un vêtement bien repassé, ne fera apparaître aucun pli, si ce n'est ceux voulus, normés .Un être être soumis aux règles mortifères de la risquophobie, abdiquant l'essentiel de d'homme au profit d'une pseudo sécurité . Cette métamorphose, ce mouvement nous pousse à lâcher la rue, l'agora pour l''ombre d'un château fort et ses remparts soi disant sûrs, est très largement entamé .Nous acceptons d'être sans cesse vidéosurveillés .Il en va de notre « sécurité ».

Nous acceptons la mise en berne des libertés individuelles par le biais d'un état d'urgence que rien ne justifiait, mais promulgué au nom de cette même sécurité. Nous acceptons . enfin, ces sortes d'auto-couvre-feu que sont les . psychotropes ou antianxiolytiques, et refusons de voir à quel point fonctionne à merveille le couple médicament-caméra: au premier , le contrôle des esprits, au second le contrôle des corps.

Nous défilons pour la défense de publics, la défense des acquis se défense du pouvoir d'achat, la défense de la laïcité, etc., mais nous sommes désormais parfaitement incapables de la moindre révolte Pire: quand elle gronde sous les remparts comme ce fut le cas récemment, nous ne sommes plus en mesure de la soutenir, mais encore certains font le choix de la condamner, par pure commodité.

Certes, nous lisons encore des livre nous ne nous rendons même plus compte que les personnages pathétiques se gavant de « soma » dans le Meilleur des mondes nous ressemblent en tout point. Dépossédés de toute force, nous critiquons à perte le nouvel ordre social, bâti sur le cadavre de nos anciennes volontés.

Ereintés, épuisés, nous n'avons même plus le courage de laisser nos enfants exister en tant que tels. Nous les voulons, comme nous morts. La pilule de l'obéissance nous aidera à les tuer.


Fred
Fred milite au groupe libertaire Louise-Michel

Le Monde libertaire Hors-série #29 du 22 décembre 2005 au 12 janvier 2006
Ecrit par didier2, à 16:10 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

  Anonyme
26-12-05
à 21:22

hyperactivité

Mon courrier fait suite au rapport de l'INSERM en date de septembre 2005.
Je trouve aberrant de vouloir médicaliser des enfants à partir de 36 mois sous prétexte qu'ils seraient un peu "agités".
A l'époque du trou de la sécu qui ne cesse de se creuser, sommes-nous obligés de sacrifier nos futures générations pour satisfaire les appétits  financiers de quelques médecins psychiatres, des laboratoires et des lobbies pharmaceutiques ?
Personnellement je pense qu'il est du devoir de tout citoyen responsable de s'élever contre de telles pratiques qui, une fois de plus privilégient l'intérêt de quelques personnes au détriment du groupe tout en obérant dangereusement l'avenir de notre société soit-disant progressiste.
Que sera notre société quand nous aurons "lissé" toutes les personnes qui présentent un tant soit peu de personnalité, de caractère ?
 
je ne pense pas que l'on pourra trouver dans la taille du cerveau ou toute autre particularité physique une prédestination à l'hyperactivité; plutôt dans le fait de prendre trop de sucres raffinés, d'avaler des tonnes de pesticides, de respirer de l'air pollué, de vivre à 100 à l'heure etc. Depuis des années les neuropsy cherchent une explication de la maladie mentale dans le cerveau, des tas de théories sont élaborées, et les malades n'en sont pas plus guéris pour autant. tout au plus sont-ils plus calmes et font-ils moins de vagues.
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