L'En Dehors

Le mirage de la majorité ou l’imposture permanente

A chaque fois que la rue le conteste le pouvoir ne manque pas de rappeler qu’il est l’émanation d’une majorité sortie des urnes, tandis que ses soutiens dans l’électorat et la presse gémissent qui au fascisme du pavé, qui au populisme des manifs, tous ensemble réunis afin de défendre une démocratie officielle et responsable que menacerait l’agitation de factieux ne représentant qu’eux-mêmes.

La réalité est autrement plus complexe et, si elle échappe sans doute au bourrin chiraquien de base, élus et élites n’ont pas l’excuse de l’ignorer.

Nonobstant l’évidence que l’actuelle majorité parlementaire n’est plus que virtuelle pour cause de scrutins qui lui sont systématiquement défavorables depuis au moins deux ans, elle ne rassemble de toute façon pas davantage que moins d’un quart des suffrages des citoyens en âge de voter, ce qui fait bien peu de bulletins tout de même pour prétendre incarner la volonté du peuple.

Comptons bien : une moyenne de 30% d’abstentionnistes d’un côté, de l’autre encore 30% au bas mot des 70% de votants pour soutenir l’extrême droite, l’extrême gauche, les souverainistes des deux bords et divers groupuscules folklo-fantaisistes qui ne seront ensuite nulle part représentés.

Bilan ? 40% de 70% du gâteau électoral à se partager entre umpistes et péessiens.
Si on considère que l’opposition socialiste engrange au moins 45% des suffrages, la « majorité » de droite ne représente qu’un peu plus de la moitié des 40% qu’elle dispute à son adversaire, soit, à la louche, 22 ou 23% des voix des nationaux majeurs.

Et voilà comment à peine plus d’un Français sur cinq (ou plutôt ses représentants) impose sa volonté politico-économique à près des 4/5 de ses compatriotes.

Un courant pas très clair

Les grandes gueules du PS et la presse copine –Le Monde, Libé, l’Obs- ont décidé de se « payer » Villepin et, puisque « l‘affaire d’Etat » du Clémenceau a fait long feu, pour ce faire montent en crème Chantilly une de ces combinazione qu’on déniche d’habitude chez nos amis italiens bien qu’elles ne soient pas si rares de ce côté-ci des Alpes, ainsi qu’en témoignent les multiples procès où financiers corrupteurs et élus corrompus se côtoient sur le banc des accusés.

A qui s’étonnera de notre perplexité rapport à l’accès de vertu des ténors socialistes, on rappellera au passage les écoutes mitterrandiennes dont le moins qu’on puisse dire est que celles et ceux qui en firent les frais ne menaçaient pas vraiment la sécurité de l’Etat (mais, comme dirait Fabius à propos du fiasco meurtrier du Rainbow Warrior, ce n’est pas le même chose, n’est-ce pas ?).

Evidemment, on ne se plaindra pas ici que le frimeur monsieur Galouzeau, mal remis de son foireux CPE, soit derechef dans l’ennui, au contraire.
Néanmoins se posent quelques questions quant à la dimension prise par ce probable réglement de comptes au sommet du pouvoir finalement très ordinaire : pourquoi courir le risque d’habiller par ricochet Nicolas Sarkosy de blancheur candide afin de dégommer un Villepin sans doute moins « dangereux » à terme parce que beaucoup moins futé que son concurrent ? pourquoi maintenant, si on veut bien se souvenir qu’il y a deux ans, au lendemain des élections régionales, l’Etat chiraquien était déjà à terre et qu’à gauche on ne fit rien pour l’empêcher de se relever ?

S’agit-il de contraindre Chirac à nommer Sarkosy chef du gouvernement afin que d’ici un an se dégonfle la baudruche ? de provoquer des élections anticipées alors que Ségolène se balade en tête de sondage, ce qui ne sera plus nécessairement le cas dans douze mois, vous qui savez comme les gens sont versatiles et les vedettes artificielles vite oubliées ?

Autrement dit, que sait la gauche « de gouvernement »  et les journalistes qui lui sont proches que nous ne savons pas ?

Mathias Delfe