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Cheminots, il faut savoir commencer une grève !
Aujourd’hui 25 octobre, les derniers foyers de grève à la SNCF et à la RATP sont éteints – après la journée historique du 18 octobre. Paradoxalement, malgré la mobilisation et les enjeux de cette grève, il n’y a pas de certitude, c’est le moins que l’on puisse dire, qu’un réel mouvement d’ampleur soit à nouveau au rendez-vous courant novembre, tant l’ “ inertie ” est grande du côté des confédérations syndicales et tant, surtout, une majorité de grévistes doute de sa capacité à faire plier le gouvernement MEDEF.

L’attaque contre les régimes spéciaux, et celui des cheminots en particulier, a débuté en fait pendant la présidentielle, avec l’externalisation de la Caisse de prévoyance et de retraite (CPR) (voir CA n° 171). Le prétexte : répondre à de nouvelles normes anglo-saxonnes en matière de comptabilité ; il fallait, disait-on, provisionner dans les comptes de la SNCF toutes les dépenses prévisibles, y compris les pensions versées aux retraités jusqu’à leur mort. De 8 à 114 milliards d’euros ( !) devaient ainsi être provisionnés, sauf si on faisait sortir la CPR du giron de la SNCF.
Sud-rail, l’UNSA puis FO ont combattu cette externalisation, tandis que les autres, avec en tête la CGT, premier syndicat à la SNCF, accompagnaient cette première attaque d’envergure contre le régime de retraite des cheminots. Et la CGT, tout en dénonçant les fauteurs de troubles, annonçait fièrement : “ Le régime spécial n’est ni remis en cause ni même fragilisé dans le cadre d’éventuelles discussions en 2008. (…) l’ensemble des droits (âge de la retraite, calcul de la pension, prestations maladie…) est garanti ” (Fédé CGT-cheminots, 11 avril 2007). On pourrait en rire si ce n’était dramatique, et un signal fort pour patrons et gouvernement que la curée pouvait commencer. Au lendemain de l’élection de Sarkozy était signé le premier décret de sortie de la CPR, et celle-ci n’appartient plus à la SNCF depuis le 1er juillet.

La seconde attaque d’envergure a été celle contre le droit de grève dans les transports terrestres (SNCF, RATP et compagnies ayant des missions de service public), avec le vote d’une loi-cadre en plein mois d’août. Elle sera rendue effective le 1er janvier 2008 à la SNCF, après des discussions entre les autorités organisatrices et celle-ci (la SNCF étant un simple prestataire de services auprès des régions pour les TER et Transilien). Sans entrer dans les détails, cette loi dite du “ service minimum ” compliquera la mise en œuvre d’une grève pour les cheminots. Et bien qu’il y ait d’autres grands sujets de préoccupation à la SNCF (milliers de suppressions d’emplois au fret, salaires peu revalorisés, réorganisations multiples, problèmes de sécurité dus à l’insuffisance d’investissements, et surtout quasi-accident avec des nouveaux entrants privés), c’est l’annonce de Sarkozy concernant les régimes spéciaux, après sa rencontre avec les responsables des confédérations les 21 et 22 septembre, qui va mettre le feu aux poudres le 18 octobre.
La SNCF avait préparé sa comm depuis des semaines : “ plan de communication ”, diaporama, dossier dans le journal d’entreprise, mails multiples, 350 cadres désignés dans les établissements pour diffuser la bonne parole depuis la ligne hiérarchique jusqu’aux agents… Mais, en dépit de tous ses moyens, la direction a fait un flop jusque auprès de ces cadres, puisque près de 50 % d’entre eux étaient en grève le 18 octobre. Il faut dire que la première attaque contre la CPR avait incité certaines fédérations syndicales, notamment Sud-rail, à rassembler toute une documentation pour informer les cheminots sur les menaces pesant sur leur régime de retraite – et une véritable bataille a eu lieu à ce sujet par mails ainsi que par de nombreuses tournées syndicales, heures d’information syndicale et, bien sûr, distributions de tracts à la fois aux cheminots et aux usagers. Sur le droit de grève d’abord, puis sur les régimes spéciaux – en expliquant que c’était le dernier verrou à faire sauter avant l’attaque contre l’ensemble des régimes, et plus globalement le signal de l’offensive du gouvernement et du patronat pour casser tous les droits obtenus par les salarié-e-s depuis des décennies.

L’attitude des syndicats dans cette affaire

Si Sud-rail, suivi depuis quelques semaines par FO, a fait un énorme boulot d’information, on ne peut en dire autant des autres – et notamment de la CGT : il a fallu attendre la dernière minute pour la voir distribuer des tracts en catimini, et quels tracts ! Il ne faut pas faire d’agitation, disaient-ils aux militants, nous ne sommes plus en 1995 (et alors ?) ; on doit attendre l’interpro, ne pas apparaître corpo… Et, paraît-il pour gagner les autres professions, on devait rejouer à des grèves de 24 heures afin d’attendre les autres.
Le 18 octobre a été historique par son taux de grévistes, puisque selon la direction nous étions 75,6 % en grève (la plus forte journée en 1995, soit le 23 novembre, le taux était de 67 %). Mais comment est-on passé d’un tel succès le 18 octobre à 15 % sur la région de Paris sud-est dès le 19 ? La trahison (prévisible) des conducteurs de la FGAAC sur des aménagements de la contre-réforme pour les mécaniciens et la volonté de la Fédération CGT de stopper la grève en plein vol ont été payantes (seuls 10 % des secteurs CGT n’ont pas suivi la fédération et étaient pour reconduire la grève).
La CGT reproche à la FGAAC ses négociations en coulisse, mais elle a la même stratégie qu’elle,après la mobilisation du 18 octobre : accepter la remise en cause du régime de retraite pour obtenir quelques aménagements sur la forme ; et présenter ces aménagements comme de grandes victoires, ou des concessions importantes obtenues grâce à la lutte impulsée par la CGT-cheminots contre les manœuvres de division des jusqu’au-boutistes tel Sud-rail. Pour illustration : “ Nous appelons l’ensemble des cheminots à rester vigilants face à certain battage médiatique qui diffuse des contrevérités autour de reconductions massives de la grève à la SNCF. Cette communication a pour objectifs l’isolement des cheminots, l’éclatement de la lutte interprofessionnelle qui se construit, et donc l’opposition entre salariés du privé et du public, en véhiculant l’image d’une lutte corporatiste ” (extrait du communiqué du secteur fédéral des cheminots CGT dans la région de Strasbourg). Autrement dit, ceux qui proposent de battre le fer quand il est chaud et sont pour que les secteurs très mobilisés entraînent les autres sont des alliés objectifs de Sarkozy – alors qu’une longue grève de cheminots modifierait le climat social du pays. Pour ne pas vouscouper du secteur privé, gens du public, comportez-vous comme lui : ne faites pas grève. En somme, harmonisons par le bas : Tous ensemble, tous ensemble, ne faisons pas grève ! Si la lutte interprofessionnelle menée par la CGT se construit avec la même ardeur que celle de la fédération CGT-cheminots – quasiment aucune tournée et aucun tract dans les secteurs CGT sous contrôle –, ce chantier de construction risque de durer pas mal de décennies… Pour autant, ces manœuvres de certains appareils syndicaux pour empêcher la reconduction de la grève ne suffisent pas à expliquer que le mouvement soit retombé aussi fortement du jour au lendemain. D’autres éléments ont joué :
- Une majorité de cheminots, parmi laquelle près de la moitié des cadres SNCF, tenait à exprimer son mécontentement par une journée, “ mais seulement une journée ”.
- Compte tenu de la situation sociale et politique en France, seule une minorité d’entre eux pense que l’on peut gagner par une grève longue. La plupart ne sont pas dupes au point de croire qu’un arrêt de 24 heures, même renouvelé dans un mois, permettra de vaincre le gouvernement. Mais ce qui est perçu comme une absence de perspectives pousse à ne pas envisager de poursuivre la grève, la division syndicale renforçant cette position Consciemment ou non, une part importante des cheminots qui ont fait grève le 18 espèrent obtenir des aménagements de la “ réforme ” pour adoucir ses conséquences en matière de rémunération de la future pension. Dans ce schéma, ce sont les fédérations d’accord (même si elles ne le disent pas encore ouvertement) pour accompagner la “ réforme ” sur des aménagements de taux et de durée de décote, les années où s’appliqueront les 40 annuités pour le taux plein, etc., qui vont avoir le vent en poupe.

MAIS AU FAIT, QU’A “ OBTENU ” LA FGAAC ?

Pas grand-chose. Le syndicat des pièces jaunes a accepté le passage à 40 annuités de cotisation pour le taux plein, puis 41 en 2008, 42 en 2012, 45 en ?? ; le système de décote pour tous les cheminots (un système de double peine qui vous enlève encore du fric) ; la fin des bonifications traction pour les embauchés après 2009. Pour les agents de conduite seulement (10 % des cheminots), la retraite passerait de 50 à 55 ans (grande victoire…), avec l’instauration d’un système de retraite complémentaire par capitalisation. Par exemple, un agent de conduite commençant son service à la conduite à 23 ans pourra partir à 50 ans, mais attention il subira une décote de 5 années (55-50) qui s’ajouteront aux 13 années manquantes pour sa retraite à taux plein ( 40 ans – 27 ans de cotisation = 13). Une retraite de misère… S’il part à 55 ans, ce même agent de conduite ne se verra pas appliquer la décote de 5 ans : son calcul de retraite se fera en tenant compte des 8 années manquantes.(40 – 32). Le système de complémentaire par capitalisation pourra atténuer en partie l’effet de la diminution de la pension de ces 8 années manquantes.

Que va-t-il se passer maintenant ?

Lundi 22, une interfédérale cheminots s’est tenue à PARIS. La CGT a invité in extremis Sud-rail (elle n’a donc pas été exclue, comme à l’interfédérale précédente du 10 octobre, avec FO). Mais depuis le 24 octobre se déroulent avec le ministre du Travail des bilatérales auxquelles Sud-rail n’est pas invité car ce syndicat est peu fréquentable, selon Bertrand).
A l’issue de ces bilatérales, qui ne doivent pas discuter d’un fond non négociable, les fédérations de cheminots se retrouvent le 31 octobre et, “ si d’aventure le gouvernement refusait de revoir sa copie, il porterait la responsabilité d’un conflit plus long ”, nous dit le communiqué commun. (Mais Sarkozy va-t-il avoir peur ?)
D’autre part, l’ensemble des organisations syndicales des entreprises disposant d’un régime spécial devraient se rencontrer pour décider des futures mobilisations.
Enfin, les syndicats de fonctionnaires ont décidé d’une journée de grève et manifestation le 20 novembre sur d’autres thèmes que les retraites (effectifs, salaires…).
La pire des éventualités, c’est la défaite, sans véritable combat : les seuls combats que l’on est sûr de perdre sont ceux que l’on refuse de mener.
Une nouvelle journée d’action sera donc envisagée, cette grève sera peut-être reconductible, mais comme les chances que cela parte seront quasi nulles, même la CGT pourra y appeler. Ensuite, après une ou deux journées de grève avec des taux de grévistes de l’ordre de 30 à 40 % démarreront des “ négociations ” sur des miettes.
Seconde quinzaine de novembre , l’ordre règne à la SNCF comme partout ailleurs, les fêtes approchent et il n’y a plus qu’à attendre les municipales , et l’avalanche des projets du MEDEF mis en musique par son valet Sarkozy. La rupture en termes de rapidité et de brutalité des mesures du patronat va être effective dès 2008, même si depuis deux décennies au moins elles se mettent en place petit à petit. Si d’autres luttes ne viennent pas bouleverser ce scénario, comme par exemple une grosse mobilisation dans les universités, l’avenir sera très très sombre...
A MOINS QUE L’ON ARRETE DE SUBIR ET que, CONSCIENTS DE NOTRE FORCE PAR LA GREVE, ON NE BOULEVERSE TOUS LES JEUX POLITICIENS ET SYNDICAUX !

Christian, OCL-Paris

Courant Alternatif N° 174 Novendre 2007
Ce texte et d'autres sont disponibles sur le site de l'OCL  "oclibertaire.free.fr"
Courant alternatif est disponible en kiosque ou directement à
OCL - c/o Egregore - B.P. 1213 - 51058 Reims Cedex
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Prix : 2,30 euros






Ecrit par jean23, à 20:33 dans la rubrique "Actualité".



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