Préambule [1]
L’extrême visibilité de l’islam aujourd’hui nourrit l’idée – fausse –
que toute personne qui, de quelque façon, par sa famille, son pays, son
nom ou sa culture, aurait lien avec lui, serait intrinsèquement
croyante ou religieuse. Cette visibilité, essentiellement construite
autour des idéologies extrémistes, rejaillit indûment sur toute une
partie du monde, en dépit des réalités historiques, politiques et
sociales qui vont à l’encontre de cette vision.
Tout cela participe d’une double ignorance : celle de l’histoire des
oppositions, des hérésies, d’une pensée libre et critique dans les pays
musulmans, et celle des réalités sociales et politiques de ces mêmes
pays. Car depuis son apparition, de très nombreux courants, personnages
ou penseurs, mystiques ou rationalistes, ont critiqué l’islam comme
religion de pouvoir, tels Averroès, les mu’tazilites, les qarmates, Ibn
Arabi, Abu Nuwas, Omar Khayyam, Bayazid Bostami, et bien d’autres. Mais,
plus récemment, s’y sont ajoutées différentes formes d’athéisme dans
les pays dits musulmans – philosophies modernistes, séculières,
baasistes, marxistes, et même anarchistes – et, sur un autre plan, un
islam dit de marché à dimension très peu spirituelle.