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ici : L'histoire de la Coupe du Monde de football est jalonnée d'évènements, de faits significatifs et symptomatiques de la réalité politique footballistique, de son fondement, duel qui oscille entre capitalisme libéral et fascisme.
Le temps des dictatures
En 1934, la Coupe du Monde a lieu en Italie. Deux stades portent des noms significatifs : celui de Rome se nomme Stade du Parti fasciste et celui de Turin se nomme plus simplement Mussolini. Le Président de la Fédération italienne de football déclare alors que "le but ultime de la manifestation sera de montrer à l'univers ce qu'est l'idéal fasciste du sport". L'affiche qui annonce le championnat représente un athlète le bras tendu. Lors des matches de l'équipe nationale italienne, de nombreuses Chemises noires encadrent le public et la foule scande alternativement Duce et Italia.
Pour cette Italie là, pour ce régime politique, l'organisation de cette compétition va se révéler être une parfaite réussite propagandiste. Car, non seulement de nombreux participants vont se croire obligés de rendre hommage à l'Italie fasciste et à son chef (Argentins, Autrichiens, Brésiliens, Espagnols, Français, Hollandais et Suisses), mais, de plus, la victoire de l'équipe italienne devient le tremplin idéal pour la célébration du génie national. Ainsi, il est écrit dans le Corriere della Sera du 9 juin 1934 : "On sera envahi par la divine passion qu'on porte inévitablement à tout ce qui est nôtre, à tout ce qui porte la marque de notre race, aux couleurs de notre drapeau". Cette Coupe du Monde a effectivement servi de moyen de reconnaissance officielle et d'acceptation/banalisation du régime fasciste. Légitimé par cette organisation internationale, Mussolini devient acceptable.
En 1938, la Coupe du Monde a lieu en France, malgré le bruit des bottes. En Espagne, le général Franco est en passe d'imposer son totalitarisme. En Autriche, l'Anschluss est décrété. La compétition sert encore de vitrine au fascisme : preuve en est l'acceptation faite à l'équipe nationale allemande de participer à l'épreuve alors qu'elle comprend en son sein des joueurs autrichiens. Les Juifs sont eux, exclus de l'équipe. L'annexion de l'Autriche est officiellement entérinée tout comme est acceptée la politique antisémite des dirigeants allemands. De son côté, l'équipe italienne est venue gagner sa deuxième Coupe du Monde. Les mots de Mussolini ne laissent d'ailleurs planer aucun doute : Vaincre ou mourir, écrit il aux joueurs. Jules Rimet, alors président de la FIFA et créateur de la Coupe du Monde qui porte alors son nom, voit, pour sa part, avec bonheur les foules françaises acclamer les symboles du fascisme italien : drapeau, couleurs et représentants qui, lors de tous les matches, lèvent le bras pour le salut fasciste.
En 1942, la Coupe du Monde aurait pu être organisée par trois pays : l'Allemagne, l'Argentine et le Brésil. En 1938, Jules Rimet conseille de ne pas prendre de décision, attendant que le temps fasse son œuvre. Une fois de plus, les instances dirigeantes du football international refusent de mettre hors jeu l'Allemagne nazie. La compétition n'aura finalement pas lieu.
1978 est l'année de l'Argentine. La junte militaire du général Videla est alors au pouvoir. Des centaines de millions de dollars sont dépensés pour une opération de prestige, alors que le pouvoir d'achat des travailleurs baisse de 65 % lors des deux précédentes années. Les matches vont se dérouler dans un pays concentrationnaire où des milliers de personnes sont emprisonnées. Plus encore disparaissent : 15.000 en avril 1978, selon Amnesty International. Dans le même temps, on estime entre 8.000 et 10.000 le nombre de personnes assassinées par les forces de l'ordre. Les tortures, physiques et morales, se multiplient, mais l'Argentine va néanmoins recevoir la légitimation de son régime par ce que l'on nomme habituellement la communauté internationale. Pourtant, le Comité pour le boycott de l'organisation par l'Argentine de la Coupe du Monde de football (COBA) ne manque pas d'informer l'ensemble des responsables et des populations concernés par cet état de fait. Et, même si le mouvement de boycott obtient un certain succès, le football, institution autoritaire dont les amitiés fascistes ne sont plus à démontrer, ne se laisse pas fléchir. La Coupe du Monde a lieu avec la victoire de l'Argentine comme point d'orgue de la propagande, refermant le couvercle sur la marmite aux horreurs du fascisme argentin.
Instrumentalisation politique
Au delà de ces exemples, la Coupe du Monde a toujours été le théâtre de manifestations politiques. Non pas qu'elle les ait subies. Elle les créait et en était la principale cause.
En 1930, l'Uruguay célèbre le centenaire de son indépendance. Les fêtes commémoratives se mélangent aux matches. Le stade construit pour la finale se nomme Stade du Centenaire. Le pays organisateur gagne le tournoi et le lendemain de la finale est décrété fête nationale.
Le Brésil organise la Coupe du Monde en 1950. Les pays de l'Est n'y participent pas. Ils n'ont pas encore rejoint le mouvement sportif mondial. Pour l'occasion, le plus grand stade du monde a été construit : le Maracana. Il renferme 250.000 places. La finale oppose l'Uruguay au Brésil. Le premier gagne le match, ce qui provoque des mouvements de foule. Les blessés et les crises d'épilepsie ne se comptent plus. L'hôtel de l'équipe uruguayenne est pris d'assaut par les Brésiliens qui souhaitent écharper les vainqueurs.
En 1958, lors des éliminatoires, les Indonésiens refusent d'aller jouer à Tel Aviv.
La Coupe du Monde 1962 est organisée au Chili, dans un pays alors dirigé par une oligarchie stable dont le point fort n'est pas la démocratie. Le pays est surexploité et connaît des problèmes de pauvreté et d'identité. Le football mondial reste fidèle à sa ligne philosophique : "l'ordre politique", partout et pour tous !
En 1966, lors de l'épreuve qui se tient en Angleterre, les pays d'Afrique, d'Asie et d'Océanie n'obtiennent à eux tous qu'un seul représentant. Ils n'attirent pas les spectateurs. Le football se veut égalitaire mais pas forcément juste.
Le Mexique organise la Coupe du Monde 1970. En 1968, à Mexico, plusieurs centaines d'étudiants sont assassinés sur la place des Trois Cultures. Quelques jours plus tard, durant les Jeux Olympiques, deux athlètes américains lèvent le poing ganté du Black Power (pour cette manifestation courageuse, ils seront déchus de leur titre : l'olympisme ne plaisante pas avec les manifestations des opprimés). Cette Coupe du Monde sert de rédemption pour le pays. Celle ci connaît des problèmes d'analphabétisme. L'india-nité n'est toujours pas acceptée et ces populations vivent dans des conditions inacceptables. Lors des phases éliminatoires, la FIFA, toujours "apolitique", exige la réunification des deux Corées. Le sélectionneur anglais, de son côté, déclare au moment d'affronter l'Allemagne : "Pourquoi l'Allemagne nous battrait à Léon puisqu'elle ne l'a pas fait sur le terrain en 69 ans ni en trois guerres que se sont livrées nos deux pays". L'affrontement entre le Mexique et la Belgique se terminera par 6 morts et 500 blessés. La victoire du Brésil entraînera la mort de 74 personnes et l'hospitalisation de plus de 2.100 autres, rien qu'à Rio de Janeiro.
En 1974, la Coupe a lieu en Allemagne, alors de l'Ouest. En 1972, les Jeux Olympiques de Munich ont été le théâtre de l'action d'un commando palestinien de l'organisation Septembre Noir : bilan, douze morts. Désormais, la compétition devra être policée à l'extrême. Policiers armés jusqu'aux dents, chiens, barbelés, fouilles
systématisées : c'est l'univers carcéral en action.
En 1986, le Mexique organise à nouveau la Coupe du Monde. Le 19 septembre 1985, un tremblement de terre fait plus de 20.000 morts. Le chômage sévit partout dans le pays, la pauvreté également. Politiquement et économiquement, les problèmes ne sont pas réglés. La contestation est permanente, mais la FIFA confie tout de même l'organisation au Mexique, plutôt qu'à la Colombie qui connaît une certaine instabilité politique, ce qui ne plaît jamais aux dirigeants de cette fédération internationale. La défaite du Brésil contre la France entraîne, à Rio de Janeiro, la mort de sept personnes et plus de 2.000 hospitalisations.
En 1990, en Italie, le Costa Rica, qui arrive pour la première fois au niveau des huitièmes de finale de l'épreuve, décrète que le 20 juin sera jour de fête nationale. La victoire est hissée au niveau d'un événement historique.
Enfin, la Coupe du Monde de 1994 aux États Unis, reste l'épreuve de la mondialisation de la compétition, de la réglementation, et le support de la pensée unique capitaliste et libérale dont Coca Cola reste l'un des grands prêtres. Le footballeur colombien Andres Escobar est victime de l'importance des enjeux politiques et économiques du football puisqu'il sera abattu, suite au but marqué contre son camp face aux États-Unis.
Le football a donc toujours été l'un des meilleurs supports idéologiques, soit du fascisme, soit du libéralisme, selon le vent dominant du capitalisme.
Ce texte est extrait de l'excellente Lettre d'information éditée par le Réseau Vivre au Présent
BP 9223 à 34043 Montpellier