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L'En Dehors


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Bref itinéraire politique de Régis Schleicher de l'année 1972 à 1979

Lu sur : Action Directe « Septembre 1972, j'intègre un lycée parisien après deux années passées en internat dans un établissement de la grande banlieue parisienne. J'y ai rencontré mes premiers militants politiques, des maos virés des bahuts parisiens et qui avaient chu ici.

Premiers militants, premières manifestations militantes: le soir à l'internat, ils nous parlent de leurs interventions dans les bidonvilles de Nanterre, de la guerre de libération menée par les combattants du Nord Vietnam, de l'exploitation patronale...

Pour la mort d'Overney (1), le lycée sera en grève, ce sera la première de son histoire et accessoirement de la mienne.

C'est aussi l'apparition des militantes féministes et du nouveau rapport qu'elles déterminent dans les relations lycéennes/administration et lycéennes/lycéens, l'affirmation de leur autonomie, de leur spécificité, les premiers débats sur la contraception, l'avortement et le droit à disposer de son corps, le non assujettissement à la pensée et à la morale patriarcales. Tout cela bien sûr me passe un peu au-dessus de la tête, je fais mon apprentissage.

L'année scolaire 1972-73, sera celle des grands mouvements lycéens contre le militarisme. Contre la guerre du Vietnam bien sûr, mais aussi contre la loi Debré remettant en cause le principe du sursis à l'incorporation, contre l'extension du Camp militaire au Larzac. "L'armée, ça tue, ça pollue et ça rend con", pour reprendre un mot d'ordre de l'époque, est une certitude bien ancrée dans la jeunesse d'alors.

Je ne loupe pas une Assemblée Générale, ni une manif. Je rencontre d'autres militants à ces occasions, peu à peu je me forge une conscience. Je sais déjà que je ne serai jamais trotskiste, je ne goûte guère la culture politicarde en vigueur à la Ligue, qui fleure trop la magouille ; instinctivement, je me sens plus proche des libertaires, même si c'est encore très flou dans ma tête. Contemporainement, je découvre, toute proportion gardée, la réalité fasciste à travers les agressions dont nos lycées font régulièrement l'objet par des nazillons casqués et armés. L'on s'organise en comités de défense dans la perspective de se défendre contre les nervis. Les faschos d'Ordre Nouveau projettent le 21 juin 73 d'organiser un grand meeting à la Mutualité, sur le thème (déjà !) de l'immigration sauvage. La Ligue, les anars, ce qui reste des maos décident de s'y opposer. Mais ils ne parviendront jamais jusqu'à la Mutu, les flics ont bouclé le quartier, ce qui déclenchera une succession d'affrontements assez violents... et après la découverte à son local, impasse Guéménée, de quelques armes vieillottes déposées dans les heures précédant une descente de police par un provocateur infiltré, dissolution par le Conseil des ministres de la Ligue Communiste Révolutionnaire .

Rentrée 73, au contact d'un pote militant lycéen à l'ORA (2) je parfais ma culture, Stirner, Bakounine, Voline, la guerre d'Espagne, comme autant de livres de chevet.

Rentrée 73, deuxième irruption du fascisme, beaucoup plus sérieuse celle-ci, le coup d'état au Chili. Une importante manifestation se tient à Montparnasse. FORA est chargée du SO de queue de la manif, auquel nous prenons part. C'est à cette occasion que j'arrive rue des Vignoles, dans le vingtième où je découvre un peu plus tard un troisième visage du fascisme, à travers les vieux espagnols de la CNT et d'un comité de soutien aux militants de l'ex-MIL, (3) qu'ils animent aux côtés des copains de l'ORA. Parmi ceux de l'ex-MIL Puig Antich, dont j'apprends alors le nom et l'existence, les circonstances de son arrestation, qu'il a été blessé grièvement. Tout le Landerneau gauchiste se découvre une parenté. idéologique a posteriori avec le MIL. Les révolutionnaires deviennent fréquentables et honorables lorsqu'ils ne sont plus, voilà là une constante que je trouverai, récurrente, au long de mon parcours.

Parallèlement à cela, l'on commence à entendre parler du GARI (4) dans les médias. L'activité du comité de la me des Vignoles, tracts, bombages, affiches et propagande, est celle "dérisoire" de tous les comités formés dans l'urgence d'une situation dramatique et dont on sait que l'issue peut être inexorable.

Pourtant nous y croyons.

J'ai, nous avons l'impression cependant que l'enjeu est à notre portée, que Puig sera sauvée par la mobilisation internationale. Moi parce que j'ai seize ans et envie d'y croire. Les "vieux", parce qu'il ont une conscience et une analyse bien plus sériées, qu'ils savent l'ampleur de la culture antifasciste qui règne à cette époque.

Mars 74, à Barcelone Puig est garrotté, c'est la radio qui nous l'apprend et fait naître une rage à la hauteur de notre désespoir. C'est mon premier mort tangible, le premier avec qui je puis me découvrir une identité, pas un anonyme chilien et très loin de l'iconographie guévariste. Le second sera un inconnu qui s'immolera par le feu devant le consulat d’Espagne à Pau, pour un motif que j'ignore encore aujourd'hui (ma mémoire n'a gardé trace que de la scène), l'année suivante au cours d'une manifestation lycéenne.

Manif à Saint Lazare appelée consécutivement à la mort de Puig, les flics sont au rendez-vous et les trotskistes aussi, qui veulent nous empêcher de les affronter. Il y aura quelques échauffourées sporadiques et quelques agences bancaires du quartier Stalingrad feront les frais de notre colère.

Une constante à l'époque nous étions de toutes les manifs, y compris les plus violentes. Une autre constante était que les manifs mobilisaient souvent des dizaines, voir comme pour la loi Debré des centaines de milliers de personnes. Qu'il y avait aussi dans ces années-là, une véritable culture et conscience politique.

Dans la même période, les GARI défraient la chronique. Quelques actions me restent gravées en mémoire contre la caravane du tour de France, des pylônes électriques ou une voie ferrée qui desservent l’Espagne, l'enlèvement du banquier Suarez. .

Eté 74, grand rassemblement sur le plateau du Larzac. C'est l'été des prisons qui brûlent. Le local de la rue des Vignoles sert de point de passage à des copains du CAP (5), c'est avec certains d'entre eux que s'organise le voyage au Larzac. Le voyage par lui-même sera plus mémorable pour moi que le rassemblement, dont la seule chose qu'il me souvienne, est cette foule débonnaire déambulant au milieu de la caillasse.

Et les prisons brûlent toujours.

L'année d'après, la mort de Franco sera l'occasion d'une liesse, avant que ne se délitent 75 et 76, années de creux, de reflux et de la mort de Mao.

Les grèves de la faim, le procès et la condamnation des camarades de la RAF (6) se font dans l'indifférence quasi générale, en dehors d'un comité de soutien. II y aura aussi le siège et l'agonie de la « colline du thym » à Beyrouth, sinistre règlement de compte au sein de la résistance palestinienne et des factions arabes. Là, le désintérêt sera certes moins général, mais cela en est fini des embrasements. Les « spontex » se sont reconvertis dans le journalisme et la nouvelle philosophie, il faudra attendre le printemps autonome de 77, l'assassinat des camarades de la RAF, Mogadiscio et l'extradition de Croissant pour que le mouvement se recompose.

Entre-temps, les NAPAP (7) auront exécuté Tramoni le 23 mars 1977, le lampiste assassin d'Overney, et nous nous serons piètrement réjouis de cette exécution. Puig lui ne sera jamais « vengé », entré à son corps défendant dans la grande galerie des « martyrs de la Révolution », morts d'avoir voulu changé l'Ordre des choses.

C'est vers cette époque et plus tard qu'avec d'autres notre engagement sera plus actif et basculera dans la lutte armée. En 1977, dans la mouvance de l'autonomie organisée à laquelle j'appartiens, l'on évoque de plus en plus l'éventualité de la pratique politique armée. La RAF, les BR (8), le mouvement italien constituent autant de références. Il y a la rencontre avec les militants des NAPAP et d'ex GARI pour la libération desquels nous nous étions mobilisés, le début de la rupture consciente et affirmée avec la loi, les premières pratiques en dissidence avec la légalité bourgeoise : « ré-appropriations » collectives dans les grandes surfaces, occupations de lieux de vie, autodéfense des militants et protection des manifestations, sabotages, opérations de financement...

La question de l'organisation armée tourne essentiellement autour de la « résistance » à l'offensive capitaliste : les restructurations industrielles, le colonialisme, le nucléaire... Si AD apparaît médiatiquement qu'en 1979, courant 78 dans un pavillon de la banlieue nord le choix du sigle se fera (sur une proposition de Jean-Marc) en référence emblématique à la tradition anarcho-syndicalisme de la fin du siècle dernier. Nous sommes loin de nous poser la question de la lutte armée comme stratégie révolutionnaire, un débat qui ne viendra que plus tard. »

.

Régis Schleicher, lettre au CRAS de Toulouse

.

(1) Pierre Overncy, militant maoiste, tué le 25 Février 1972 par un vigile à Billancourt aux portes des usines Renault.

(2) Organisation révolutionnaire anarchiste de tendance communiste libertaire (1967/73)

(3) Mouvement ibérique de libération dont des membres seront arrêtés en Espagne

en septembre 1973 (1971/73).

(4) Groupes d'action révolutionnaire internationalistes (1974)

(5) Comité d'action des prisonniers (1972/1980)

(6) Fraction armée rouge (Allemagne 1971/1998))

(7) Noyaux armés pour l'autonomie populaire (1976/1978) 

(8) Brigade rouge (Italie 1970...)

Ecrit par Mirobir, à 14:41 dans la rubrique "Le privé est politique".



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