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indymediaparis : Après plus de trois semaines d'impasse, de batailles et d'accusations, le Mouvement au Socialisme (MAS) a réussi à approuver le règlement de l'Assemblée Constituante hier à l'aube. Au milieu d'un climat crispé, après une rixe qui a laissé le chef du banc du MAS, l'ex-dirigeant paysan et ex-sénateur Roman Loayza, gravement blessé, tous les partis de droite se sont retiré du Théatre Gran Mariscal.
La bagarre à coups de coudes et "chicotazos" entre les constituants a même provoqué l'intervention de la police et des appels au micro pour que "les bancs contrôlent leurs constituants".
L'axe du conflit -qui a empêché l'adoption d'un règlement au consensus- se résume en deux points. Le premier se rapporte au type de majorité : le MAS veut que l'approbation des articles de la nouvelle constitution se fasse à la majorité absolue et que soit reservée la majorité au deux tiers pour le texte final, qui devra être soumis à référendum populaire. La droite essaie d'imposer les deux tiers pour toutes les décisions pour freiner les masistes qui disposent de plus de la moitié des sièges (142 sur 255). La deuxième divergence concerne le caractère de la convention : le MAS promeut une Assemblée Constituante "originaire et plénipotentiaire" (avec les pleins pouvoirs) et l'opposition veut une Assemblée "dérivée" c'est-à-dire soumise à l'ordre institutionnel en vigueur. Mais dans les derniers jours, les batailles se sont introduites dans les propres rangs du MAS, divisé entre la majorité paysanne (à peu près 60 pour cent du bloc) et un petit groupe d'intellectuels de classe moyenne. Les médias parlent d'une "aile radicale", avec Loayza à la tête, et une autre "conciliatrice", qui répondrait à Raul Prada Alcoreza, un philosophe inspiré par l'italien Toni Negri, choisi par la zone sud de La Paz. Ce qui sûr, c'est que les relations entre indigènes et "classe moyenne" sont tendues, érodées par des méfiances non toujours verbalisées.
Jeudi, le MAS a serré les rangs pour la séance plénière. C'était le début d'une séance longue et chargée de nervosité. Le débat a duré des heures et, quand la présidente Silvia Lazarte a commencé à lire le projet de réglement pour les votes, les constituants de Podemos, de l'ex président Jorge "Tuto" Quiroga, ont commencé à crier "dictature !", tandis qu'ils tapaient leurs pupitres avec des bouteilles d'eau et que quelques uns sifflaient. Peu après, un groupe est monté à la tribune pour insulter Lazarte, et une attitude identique a eu lieu de la part des masistes pour défendre la dirigeante indigène. C'est à ce moment qu'est arrivé le fait tragique qui a laissé Roman Loayza au bord de la mort, quand le chef du banc socialiste a reculé et est tombé de presque trois mètres dans la fosse pour l'orchestre du théâtre, nuque contre sol. Le médecin qui l'a recu à l'hôpital a informé que Loayza souffre d'un traumatisme cranien et d'une contusion hémoragique avec lésions encéphales. Dans l'après-midi d'hier il a été emmené à Santa Cruz de la Sierra -toujours inconscient- et le pronostic était réservé à la fin de cette édition.
Après quelques moments de confusion, Lazarte a fait appel à la fibre intime des constituants : "N'ayez pas peur, les paysans sommes habitués à lever les cadavres de nos frères pour arriver jusqu'ici et avons le mandat d'avancer dans cette Assemblée Constituante".
La Paz, Pablo Stefanoni, Pagina/12 (Argentine), 02 septembre 2006. Traduction : Fab, santelmo@no-log.org