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L'En Dehors


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Autogestion et action directe : À Orléans Ministère de la Crise du logement
Mois de décembre, le camp des Enfants de Don Quichotte prend racine quai du canal Saint-Martin à Paris. Plusieurs camps voient le jour dans d'autres villes de France, dont Orléans: la deuxième ville qui part en lutte. Nous disons bien lutte, car la réalité orléanaise est loin de celle de Paris: dès le départ, des militants alternatifs et radicaux ont pris part à la mise en place du camp (dont ceux et celles de la CNT-Loiret). Dès les premiers jours, le fonctionnement a été autogestionnaire et des assemblées générales quotidiennes se tenaient.

Très vite, l'orientation politique des Enfants de Don Quichotte Paris nous a déplu et nous a mis dans des situations très inconfortables. Centralisme, fétichisme de la personne, charité misérabiliste, voilà ce que l'on a vécu au plus près. En sachant que parmi les Enfants de Don Quichotte d'Orléans se trouvaient des fondateurs et militants actifs de cette organisation, nous avons. vite décidé de « lâcher » les EDQ. Nous avons laissé le camp se gérer « sans nous », tout en continuant à le soutenir et à essayer d'obtenir des solutions aux sans-logis. Ce départ a été plus « médiatique » que réel. Du coup, les Enfants de Don Quichotte n'ont plus été responsables ni gestionnaires officiels. Nous avons essayé de mettre en place une délégation, composé de l'association Droit au logement (Dal Orléans), la Confédération nationale du logement (CNL 45) et d'un représentant du camp. Aucune réponse favorable de la préfecture. Une rencontre avec la mairie d'Orléans et son maire UMP Serge Grouard, sarkozyste, n'a évidemment rien donné: pas de solution, déballage de toutes les actions, forcément sans effet, de la commune.

Bref, la situation nous semblait bloquée... Il fallait donc aller plus loin. Entre temps, le DAL Paris, suivant la même stratégie, prenait ses distances avec le camp du canal Saint-Martin et partait sur une occupation, rue de la Banque: le ministère de la Crise du logement. En concertation avec le Dal Paris, nous décidions d'essayer de faire la même chose. Rencontres et discussions entre militants, entre sans-logis... La lutte prendra forme sur le camp même: le ministère de la Crise d'Orléans se crée début janvier, soit deux semaines après le début du camp d'Orléans. Au tout début, peu de résidants, puisque peu de familles ou de couples suivis par le Dal souhaitaient prendre les risques entraînés par une autoréquisition, et une partie des sans-logis du camp étaient retournés dans des squats. Mais très vite, nos contacts avec les sans-logis et les mal-logés, grâce au travail entamé en amont (et à la forme de l'action), se concrétisent par le logement de 11 personnes, puis 13 et enfin 17 à ce jour (dont 4 personnes du camp d'Orléans et une famille suivie par la CNL et le Dal).

Pourquoi l'autoréquisition?

L'autoréquisition est une action illégale. Nous touchons directement à la propriété privée, à un bien ne nous appartenant pas. Mais bien qu'illégale, cette action s'appuie sur les failles de la loi. Au bout de quarante-huit heures d'occupation, avec évidemment les preuves à l'appui', aucune expulsion « sauvage » ne peut avoir heu. Le propriétaire, et lui seul, doit poursuivre les occupants au tribunal. Avec, au choix, différentes formes de procédures juridiques: ordonnance sur requête, référé, référé d'heure à heure...

Beaucoup de personnes et de journalistes nous ont posé la question du nom de l'action, pourquoi autoréquisition, et surtout pourquoi « auto ». Il faut savoir que le préfet, représentant de l'État dans les départements, « sur proposition du service municipal du logement et après avis du maire [...] peut procéder, par voie de réquisition, pour une durée maximale d'un an renouvelable, à la prise de possession partielle ou totale des locaux à usage d'habitation vacants, inoccupés ou insuffisamment occupés » . C'est la fameuse ordonnance de 1945, émise par le Conseil national de la résistance, reprise dans le Code de la construction et de l'habitat (art. L641-1). Cette ordonnance n'est jamais appliquée, ou très rarement. Nous partons du constat que, comme cette loi n'est pas utilisée, nous l'utilisons nous-mêmes, avec les premiers acteurs concernés: les mal-logés et les sans-logis. Nous avons donc recherché (en parallèle au suivi du camp) des bâtiments vides, d'une part capable de recevoir une vingtaine de personnes (avec si possible eau et électricité, dans des conditions de sécurité correctes) et, d'autre part, avec une vacance assez longue, pour une « visibilité » juridique et « diplomatique » (savoir combien de temps le bâtiment risque de rester vide, quelle est la réalité immobilière du site, qui sont les propriétaires...). Le bâtiment du ministère d'Orléans, vide depuis un an, avec la présence de squats entre temps, correspondait à tous ces critères.

L'organisation

Il est important de garder à l'esprit deux choses dans ce type d'action: l'acte politique et l'accompagnement individuel. Si la déconnexion s'opère, la situation peut déraper, et les rapports entre sans-logis se dégrader. Bien avant l'occupation, il a été primordial de se fixer, non des règles, mais le cadre de l'action:

-les militants devaient ouvrir le heu et s'y investir totalement au début (un militant y a dormi deux semaines consécutives), pour pouvoir accueillir les nouveaux, les installer, protéger le lieu des médias et, surtout, garder la légitimité de l'action, au même titre que les habitants. Car après, les habitants ne nous auraient considéré que comme des soutiens, et non comme des acteurs à part entière de la lutte. Rappelons quand même que la responsabilité civile et pénale des responsables de l'action est engagée (l'action existe dans un cadre social juridique auquel nous ne pouvons nous soustraire),

- les assemblées générales devaient se tenir très souvent au début, avec la présence des militants les plus actifs et les habitants. Par la suite, nous avons fixé une AG par semaine, à heure plus ou moins fixe (suivant les contraintes extérieures ou de vie quotidienne), pour créer un repère pour tous et toutes.

Les AG sont les lieux de décisions, là où nous essayons d'échanger et de décider au maximum de tout ce qui concerne la gestion du lieu et de l'action. Au tout début, ce sont les militants qui se sont exprimés et ont débattu le plus. Mais très vite, les habitants se sont saisis de cet outil et aujourd'hui ils interviennent bien plus. En cela, le lieu joue son rôle: faire des actions ensemble et vivre autrement (chaque habitant a son logement privé, avec verrou - un F4 pour la famille avec 4 enfants mais les parties communes existent toujours: salle de bains, cuisine, couloir, salle de réunion, etc.). La plupart des habitants, non militants, sans habitude des luttes, ont pu ainsi voir en pratique ce qu'est une gestion collective, autonome et autogestionnaire. De l'action naît la conscience de sa condition. Mais inversement, la condition des exploités donne naissance aux outils de la lutte et de la manière dont elle est menée.

Il serait mensonger de dire qu'au ministère d'Orléans tout va très bien dans le meilleur des mondes. On retrouve les mêmes problèmes que dans toute lutte et tout lieu autogestionnaire, et de manière accentuée, étant donné la forme plutôt particulière de l'action. Par exemple: le manque d'investissement des habitants. Ils laissent donc à d'autres le soin de gérer les relations avec les organisations extérieures ou en périphérie de la lutte, ils laissent aussi les militants les plus actifs décider à leur place, et enfin ils laissent les militants appliquer ce que les AG ont décidé, sans répartition des tâches. La fatigue, le traintrain du quotidien, peuvent aussi diminuer le passage des personnes « étrangères », qui créent un lien avec le monde extérieur, qui créent également la vie nécessaire à la dynamique du lieu. Difficile de trouver des réponses à ces problèmes. Néanmoins, deux choses peuvent être réalisées: d'abord prendre les habitants comme des militants (d'ailleurs, qui est militant, qui ne l'est pas? Faut-il avoir sa carte ou son adhésion quelque part pour être militant?), ne pas les prendre pour des saints, des « pauvres misérables », mais bel et bien comme des acteurs, avec qui l'on peut rentrer en conflit, en désaccord et même leur reprocher, comme à un militant classique, leurs actes. Ensuite, pour le passage extérieur, il est impératif de mettre en place des activités, d'asseoir l'action avec des luttes identiques (logement, expulsions...), et de rester en contact avec les organisations bien moins investies dans les murs. N'oublions pas la réalité du monde des sans-logis: alcool, drogues, etc. Sans porter de morale, on ne peut que constater les dégâts que cela entraîne dans leurs rapports avec les autres.

L'accompagnement individuel est aussi très complexe à gérer, pourtant simple en apparence. Il est vital pour les militants de ne pas s'assimiler à des travailleurs sociaux, même si nous aidons les habitants dans leurs démarches. Entre le jeune isolé (sous traitement médicamenteux), le couple de Polonais sans travail (avec la femme enceinte), les jeunes filles déscolarisées (virées de chez leurs parents), etc., il est obligatoire de les aider dans leurs démarches: les arcanes de la bureaucratie française étant difficiles même pour les travailleurs sociaux, avec qui nous entretenons des relations plutôt bonnes, puisqu'en logeant les personnes dont ils s'occupent, nous leur permettons d'intervenir de façon efficace. Mais il est complexe de jongler entre les « relations militantes » et les relations parfois très amicales. L'affectif cache les véritables sources des conflits et entrave l'action et la réactivité nécessaires à la lutte. Une réponse assez simple consiste à ne pas faire de parrainage, comme RESF peut le faire avec les sanspapiers. Les dossiers devraient être suivis par plusieurs militants, avec un partage des dossiers, une commission restreinte qui fait le point régulièrement sur les solutions qui s'offrent aux habitants. Il ne faut pas qu'une seule personne s'occupe d'un dossier, sinon elle ne « connecte » pas toutes les problématiques et les conflits d'intérêt (de tous types) qui peuvent exister. On est loin d'une telle gestion au ministère d'Orléans, peu de personnes s'occupent des dossiers (une douzaine) et l'investissement humain et psychologique est éprouvant: entre la gestion des conflits, des problèmes privés (parfois graves) des personnes (qui nous en parlent, et nous demandent donc nos avis), les contacts avec les structures sociales, les responsables politiques, les autorités publiques..., il est difficile de ne pas se perdre.

Une expérience riche à étendre

Il y aurait bien d'autres choses à raconter, d'analyses à faire sur la vie collective et les relations qui peuvent se créer dans un tel lieu. Une action comme celle-là, qui n'est pas syndicale à proprement parler (bien qu'une connaissance juridique des différents codes, de la jurisprudence, mais aussi du droit du travail, aide énormément), est très enrichissante, tant humainement que politiquement. Rien n'est parfait, tout est améliorable. Ainsi, le Ministère n'est pas un heu comme un autre, il a ses défauts, mais n'est finalement pas loin de ce que peut être l'autogestion urbaine, en ville, dans des quartiers, des bâtiments collectifs. Ce heu, finalement, se rapproche au plus près, tout comme les squats dits « politiques » , d'une Zone d'autonomie temporaire. À nous d'en promouvoir la forme, pour pousser les murs... et créer des espaces de ruptures avec le fonctionnement que le capitalisme nous impose.


El Nino


El Nino milite au groupe Gaston Couté de la Fédération anarchiste et à la CNT Loiret


Pour les infos sur l'actualité du Ministère de la crise du logement Orléanais: http://ministereorleans.blogspot.com/


I. Pour plus d'informations, voir l'ouvrage du DAL, Faire face à une expulsion de logement, éditions La Découverte.

Le Monde libertaire #1474 du 19 au 25 avril 2007

Ecrit par libertad, à 23:13 dans la rubrique "Projets alternatifs".



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