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L'En Dehors


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Attac nombril du monde
--> Quand les « intellectuels » guident, les altermondialistes moutonnent et le capitalisme demeure !
LE MONDE Libertaire a déjà à plusieurs reprises dénoncé dans ses colonnes le confusionnisme des forums sociaux européens dits « anti-mondialisation » et leur capacité à faire dire tout et son contraire à un mouvement social qui se cherche entre volonté d'autonomie (développement des coordinations et des syndicats alternatifs) et incapacité à mobiliser
et à se projeter au-delà de la seule résistance au libéralisme.
Notre propos n'est pas de faire ici des amalgames ou de mettre tous les altermondialistes dans le même panier réformiste. Il en est des sincères, réellement investis sur le terrain.
Et puis il y a les autres, les décideurs, ceux qui profitent du laboratoire d'idées que constituent les forums sociaux pour développer une idéologie sociale-démocrate, d'une nouvelle laïcité « tolérante » envers les religions, s'accommodant très bien d'un simple aménagement du capitalisme et d'une nouvelle donne politique qui les porterait alors au pouvoir.

Anticapitalisme ou altermondialisme?

L'emploi récurrent dans toutes les publications d'Anaclet des forums sociaux du terme « néolibéralisme », repris également par les organisations d'extrême gauche et les syndicats, évite toute remise en cause globale du système capitaliste.
Les dirigeants de ces mouvements évitent ainsi de poser les questions de la propriété des biens de production et des services, de leur gestion et du rôle joué par les pouvoirs dans l'accroissement dés inégalités sociales, les guerres, la dégradation de la planète, et tous les fléaux que nous connaissons actuellement. Ils entretiennent également l'idée d'un changement possible par les urnes, reléguant aux oubliettes de l'histoire l'idée même de révolution sociale.

Confusion du rapport aux religions

Au dernier forum de Londres, les trotskistes anglais, qui ont plaidé pour une alliance avec le mouvement islamique contre l'impérialisme américain, ont ainsi relayé l'idée que l'on peut construire le mouvement international avec tout le monde, même des religieux qui n'hésitent pas à justifier l'oppression des femmes, à présenter le port du voile comme le droit de choisir (hidjab), au mépris de toutes les féministes, des athées et des laïques investies dans le mouvement. L'empoignade qui s'ensuivit avec Bernard Cassen président d'honneur d'Attac, ne suffit pas à clarifier les positions..
La culpabilité néo-coloniale de toute une frange d'organisations d'extrême gauche n'est pas nouvelle. Déjà au nom de l'anti-impérialisme, elles avaient défendu la « révolution » iranienne de Khomeyni en 1979.
Elles ont défendu un ayatollah qui a bénéficié de la révolte légitime du peuple contre le chah uniquement dans le but d'instaurer une république islamique et a donné des idées à des pays comme l'Afghanistan. Rappelons-nous que c'était l'apparition des premières femmes voilées de noir et que le développement des mouvements islamistes s'est inscrit à partir de l'Iran.
Les organisateurs du précédent forum en France n'ont-ils pas, au nom de la même tolérance, invité Tariq Ramadan et défilé avec les pro-voile contre la loi interdisant le port du voile à l'école? Dans les quartiers, leur tolérance envers les religieux de tous bords, associations chrétiennes ou musulmanes a fait reculer le rempart anti-communautariste que constituaient les associations laïques.

Une mainmise volontaire

Par contre, il y a une volonté qui elle, n'est pas confuse du tout, c'est l'utilisation présupposée de l'incapacité du mouvement altermondialiste à s'organiser sur ses bases militantes et la volonté de garder la mainmise sur ce mouvement, à en définir les cadres et la distribution des rôles dévolus à chacun. Aux militant.e.s le rôle d'exécutants et aux « intellectuels » (scientifiques, sociologues, philosophes, professeurs, etc.) le rôle de décideurs (et futurs dirigeants?). Toute l'idéologie se résume dans cette proposition de Bernard Cassen (1):
« Qu'une dizaine de personnalités, de sages, disposant d'une stature morale et militante mondialement reconnue; se réunissent dans un lieu tranquille et, à partir de tout ce que les forums ont produit, rédigent ensemble un consensus, sous forme de déclaration au monde. »
Une forme de programme, en quelque sorte, il faut croire que les acteurs du mouvement social sont incapables de développer euxmêmes des perspectives. Juste après, il s'émeut: « Il faut s'attendre à ce que cette méthode soit jugée élitiste par certains. [Une paille! NDR] Mais comment faire autrement? »

Comment faire autrement?

En autogérant les luttes, cher ami! En partant de ce que l'on a, de ce que l'on veut, de ce que l'on sait faire!
Qu'on ne nous dise pas que le programme de quelques-uns, réunis dans un lieu tranquille, va convenir de la même. façon aux ouvriers chinois en butte au nouveau développement capitaliste, aux paysans du Chiapas qui défendent leurs terres, aux salariés européens qui tentent de résister pour maintenir leurs droits sociaux et leur emploi et aux femmes africaines qui se battent contre l'excision et les crimes d'honneur!
Nous construisons nos luttes là où nous sommes, ce qui nous manque bien souvent, c'est un réel rapport de force, la volonté de dépasser les appareils partidaires et syndicaux réformistes et l'espoir, la conscience de ce que nous sommes et de ce que nous pouvons.
Comment est-ce que nous ferions pour gérer nous-mêmes nos affaires? De quoi avons-nous besoin? Que faut-il supprimer? À force de nous endormir et de nous dire qu'il y en a d'autres plus instruits, cette clique intellectuelle qui pense à notre place, on ne sait plus imaginer! On se recrée ses propres chaînes ! Le mouvement altermondialiste aura tout intérêt à virer ces beaux diseurs, à refuser que cette élite auto-proclamée trace l'avenir à sa place et à radicaliser et clarifier une lutte pour le moins confuse, nécessairement anticapitaliste, anti-étatique et antireligieuse!

Virginie Benito
1."Donner un débouché politique aux forums" dans Manière de voir, le Monde diplomatique juin, juillet 2004

Le Monde libertaire #1375 du 11 au 17 novembre 2004
Ecrit par libertad, à 23:17 dans la rubrique "Culture".

Commentaires :

  Anonyme
25-11-04
à 11:39

Excellent article. Je souhaiterai avoir la référence exacte de la déclaration de CASSEN notée (1) dans le texte et la totalité de celle-ci. Merci.
Répondre à ce commentaire

  Anonyme
25-11-04
à 11:40


D'accord avec ce texte.

Quelques éléments à ajouter:

Attac est né en France, d'un journal français subentionné par l'Etat français. Les forums sociaux sont grassement subventionnés par l'Etat français.
A ma connaissance, parmi les politicards, seuls les ministres français s'y déplacent.

Attac est né autour de l'idée de taxation internationale. Quelques années plus tard,Chirac défend sur la scène internationale le principe des taxes internationales. Le terrain a été préparé...

A Porto Alegre, le forum social dénonce le projet de Zone de libre-échange des amériques,il ne dénonce pas le projet de zone de libre-échange avec l'Union européenne.

En Inde,le thème dominant est la dénonciation de l'impérialisme américain. La critique de l'impérialisme se réduit à la critique de la politique américaine.L'Inde est un vaste marché que convoite tous les capitalistes du monde.

Il ne faut pas oublier que se joue sur la scène internationale une lutte d'influence à laquelle participe, de toute évidence, Attac et les forums sociaux. Leur action doit être replacée dans le contexte des rapports de force internationaux.

Répondre à ce commentaire

  ibubolo
25-11-04
à 17:53

Re:

LA GAUCHE ABOIE ET LE CAPITAL PASSE

La mortelle randonnée du capitalisme suit son cours… A gauche, comme à droite, en haut, comme en bas, tout est fait pour (à la manière du curling) faciliter, prolonger, accélérer la course de la faucheuse aux mains d’or.

Que les gauchistes-cœur-d’artichaut, s’offusquent, que les saints-parlementaies de la gauche poubelle se vexent, la bourse, la police ou l’armée mondiale du national-capitalisme n’en a rien à faire, au contraire…

C’est précisément les grincements de la machine qui nous informent de son bon fonctionnement…Au cours de cet été, les élites de l’altermondialisme ont à diverses reprises attaqué la « gauche radicale ». Les Cassen et autres Nikonoff (ATTAC France…) veulent mettre au joug un mouvement social anti-capitaliste et le transformer en une force d’appoint au service d’une nouvelle recomposition « à gauche » du social-libéralisme (renouveau keynesien).

On sait à quoi jouent les chefFEs citoyennistes. Ils se veulent groupes de pression et conseillers du prince, ils aspirent à peser sur la gauche institutionnelle (social-libérale ou néo-réformiste, crypto-réactionnaire), afin de lui bricoler une issue néo-étatiste dans la perspective d’une réforme générale du système capitaliste (la taxe Tobin est un prémisse exemplaire de ce phénomène…).

Les [élites] altermondialistes haïssent l’auto-organisation, l’action directe de base, l’autonomie de la résistance populaire. Elles veulent enfermer le mouvement social dans l’action politique institutionnelle (déléguer et voter) et dans « l’éducation » suivant le schéma bien connu où eux-mêmes sont les éternels éducateurs et les autres les éternels éduqués.

En somme, les chefFEs du citoyennisme veulent nous imposer la division entre dirigeants et exécutants qui est à la base même du fonctionnement de la société capitaliste et de la gauche bureaucratique, autoritaire et étatique.

Le problème n’est pas d’opposer, de manière abstraite ou stérile, une exigence révolutionnaire, ultra-radicale, et désincarnée à la résistance et à la lutte pour les améliorations immédiates…

Il s’agit, en même temps, que les luttes deviennent porteuses d’une dimension d’autogestion chaque jour plus puissante, d’une qualité d’autoémancipation sans cesse plus déterminante, d’une démarche d’autonomie, d’une nouvelle manière de penser et agir politiquement.

Ceci implique déjà de sortir du système, de penser la concrète transformation de la société qui brisera le capitalisme et le pouvoir séparé de l’état sur la communauté humaine.

Il est, par les temps qui courent, beaucoup question de forums sociaux. De Londres à Paris, les [élites] altermondialistes font tout pour rendre leur discours hégémonique et leur direction incontestée…

NOUS VOULONS AUTRE CHOSE… …AUTRE CHOSE QUE L’ENFERMEMENT DANS CE SYSTEME, MEME AGREMENTE DE REFORMES…

LES TEMPS SONT VENUS DE PARLER A VOIX HAUTE D’AUTONOMIE, DE REVOLUTION !!

(automne 2003)

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  ibubolo
30-11-04
à 16:48

Re: Re:

texte cosigné par OSL-Genève et Atanar Fa(74)
Répondre à ce commentaire

  ibubolo
30-11-04
à 17:25

petit rajout perso

Les réformistes, plutôt que [ de tenter] de déraciner l'arbre capitaliste, s'affairent à l'arranger en lui taillant quelques branches...

CertainEs, même, des plus naiFveS, s'étonnent de voir son tronc s'épaissir...

Les jardiniErEs du capital... 

Répondre à ce commentaire

  Cyunreal
04-12-04
à 02:24

Révolutopisme

J'ai lu dans les textes précédents de nombreuses analyses pertinentes, des arguments plus que solides et des finalités on ne peut plus louables. En revanche dès qu'on entre dans le concret, on sombre dans les mêmes travers que Marx, à savoir l'évacuation totale du concept de pouvoir lorsqu'il s'agit de mettre en place un système alternatif ou d'envisager la puissance du système capitaliste.

Quand je parle du concept du pouvoir je ne parle pas de celui des capitalistes sur les travailleurs, mais de celui que chaque être humain et que chaque organisation (y compris autogérée) va vouloir acquérir et développer ne serais que pour éviter de disparaître.

Le type de système (à base de groupe autogérés et faisant abstraction de tout Etat) que vous mettez en avant me paraît par conséquent totalement utopique. Croire en l'autogestion et en l'abstraction de l'Etat, c'est nier le fait qu'au sein de toute organisation, des individus vont vouloir prendre le pouvoir pour exister plus que les autres et favoriser leur propre survie ou celle de leurs idées. De même toute organisation va avoir tendance à quérir du pouvoir afin de garantir sa pérennité et accroître son influence.

Sans les gardes fous posés par les règles sociales et étatiques on arrive donc irrémédiablement à une foire d'empoigne qui débauche au mieux à une dictature et au pire à une anarchie (ah oui c'est peut-être le but, quoi que je ne pense pas, à lire vos textes, que l'anarchie soit tant un but qu'un moyen pour arriver à un monde plus humaniste) qui ne parviendrait qu'à détruire tous les acquis lentement accumulés par l’humanité.

Or donc, le capitalisme reste la plus puissante machine à accumuler jamais inventé. Que son moteur soit également le plus polluant je le concède volontiers. Mais nier que de tout temps, la loi de ceux qui voulaient accumuler n'ait été la plus forte, c'est nier toute l'histoire de l'humanité.

Par conséquent vous pourrez lancer toutes les révolutions de l'univers et disserter sur les méfaits du capitalisme jusqu’à la fin des temps, mais tant que vous n'accepterez pas que c'est parce qu'il répond mieux que les autres systèmes à l'impératif de fournir le pouvoir qui permet d'asseoir sa volonté, vous tournerez inexorablement en rond.

Donc, oui la meilleure chose à faire est d'adapter le capitalisme, le pervertir pour en faire une machine moins inégalitaire, lui apprendre à accumuler non pas que la matière, mais aussi la connaissance et enfin éduquer le mieux possible le peuple pour le détacher de l'attirance naturelle pour le pouvoir et l'accumulation. Alors seulement la société et les individus pourront choisir leur direction et échapper à leur instinctive aliénation.
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