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Après le capitalisme : le capitalisme ?
--> Réflexions anarchistes sur le livre de Michael Albert « Après le capitalisme, éléments d’une économie participaliste ». Editions Agone, 2003.

Bien que des anarchistes de salon aient réservé un accueil enthousiaste à l’ouvrage de Michael Albert, intellectuel présenté comme un militant libertaire par les éditions Agone, nous ne pouvons laisser partir à vau-l’eau l’Utopie anarchiste telle que décrite par Joseph Déjacques « ce rêve non encore réalisé mais non pas irréalisable »[1]. Le livre de M. Albert, au titre certes alléchant, laisse présumer une volonté d’en finir avec le capitalisme. Nonobstant, ce que nous y avons trouvé, son modèle d’économie participaliste, pose question. Voici donc nos remarques et nos critiques au prisme de notre propre conception de l’anarchisme.

Le principal intérêt du livre réside dans la mise en exergue de questions qui nous sont habituellement posées ou que nous nous posons lors de nos actions et de nos rencontres. Les mots usités par M. Albert tels qu’« équité, dignité, autogestion» ou la définition qu’il donne d’une société après un changement ne sont pas sans nous interpeller. Pour autant, Albert ne nous apprend rien de nouveau quant aux fonctionnements d’une société libertaire. A l’inverse, en ne s’attaquant plus à l’Etat mais aux crimes de l’Etat, il participe à l’élaboration du confusionnisme qui règne dans le milieu libertaire depuis que les principes en sont galvaudés par quelques « dissidents petits-bourgeois revenus de tout sauf d’eux-mêmes »[2], et contribue, de fait, à saper l’idée de révolution sociale.

Prenons un exemple. Lorsque l’auteur pose, à propos de l’autogestion, le problème des capacités de chacun à décider, à participer en assemblée aux débats et décisions, il ne suggère qu’une modification des tâches dans les métiers et ne questionne aucunement les rapports de domination, cette particularité toute capitaliste qui hiérarchise les hommes et favorise la prise de pouvoir. Il reste enfermé dans une vision économique et ne remet pas en cause les principes même du capitalisme : l’accumulation du capital, tant économique que symbolique, par une minorité dominante et exploitante contre les intérêts d’une majorité asservie. Dit autrement, Albert propose un système économique où l’exploitation de l’homme et de la nature perdure.

Le point de vue développé par M. Albert est finalement progressiste. Il ne pense pas le changement en terme de rupture radicale et d’émancipation et n’est pour cette raison aucunement révolutionnaire. Son pragmatisme le fait demeurer dans un système de revendications immédiates, qu’il croit plus acceptables, notamment par cette gauche devenue citoyenne depuis 1998. Ce qui l’amène à présenter des solutions économiques qui maintiennent une relation de pouvoir et donc de domination (salariat, rétribution, hiérarchie…).

Ainsi pense-t-il le système économique futur : « le dénominateur commun de l’économie participaliste, c’est l’acceptation du principe de la rémunération en fonction de l’effort et du sacrifice ». Autant dire qu’on n’est pas très loin de la rémunération sous forme « de prime au mérite » !

En tant que communistes anarchistes, nous savons qu’une société libertaire ne peut s’organiser que par la définition des besoins de chacun et chacune et non pas par la participation à la production, surtout au nom de l’équité et de l’autogestion. Ce sont les besoins des individus, déterminés par eux mêmes, qui doivent définir la production et le mode de vie. Et nous osons encore croire que des individus libres dans leur choix de vie, élimineront la majeure partie de la production -fabrication d’objets superflus- que nous impose le système actuel.

Albert, en maintenant le principe du salariat qui est, rappelons-le, la mesure de l’être humain à l’aune de la place qu’il occupe dans le système de production, tente de maquiller sa proposition en évoquant une rémunération basée sur la nature du travail effectué (selon sa pénibilité) et non pas sur le temps passé. D’évidence, il pense rompre ainsi avec les collectivistes qui proposent une rétribution basée sur le temps de travail accompli. Il va même jusqu'à préconiser un revenu moyen pour les enfants et les personnes handicapées qui, bien entendu, ne peuvent participer à la production. Les considère-t-il comme inutiles ?

L’emploi des mots « sacrifice » et « effort » n’est pas anodin. Contrairement aux anarchistes qui, confiant dans la sociabilité des hommes, affirment que c’est par la liberté et par l’exemple que les individus participent à la vie de la société, Albert réintroduit la notion de récompense, moyen efficace dans la logique capitaliste mais ô combien contraignant et dégradant pour amener au travail les individus. Quelle société espérer si elle offre pour fondement le sacrifice et comme satisfaction sociale, l’effort ? Subsiste, dans ce cas, un rapport de domination et il y a fort à parier que les nouveaux maîtres seront ceux qui jugeront du niveau de sacrifice nécessaire.

En accord avec Albert lorsqu’il base le système du travail sur une répartition des tâches avec une éducation qui permette le choix d’une activité et favorise l’autonomie de l’individu ainsi que sa participation aux décisions, nous ne partageons plus le point de vue de l’auteur lorsqu’il réintroduit l’idée de hiérarchie en considérant que les supérieurs hiérarchiques se doivent de mettre « la main à la pâte » en laissant aux travailleurs un peu de formation et de temps libre (sic). Le rappel timide de la possibilité de créer des conseils ouvriers ne suffit pas à balayer la confusion.

Et bien que Albert constate à juste titre que les 4/5 des travailleurs ont des revenus modestes et que le fruit de leur travail est accaparé par le 1/5 restant, il revendique, par ailleurs, « le plein emploi » et « un salaire minimum » pour les travailleurs les moins bien nantis. Le propos fait sourire mais révèle surtout l’incohérence d’une réflexion qui tente d’adapter des idées révolutionnaires à une stratégie réformiste. Nous sommes là dans des revendications que ne désavoueraient ni la CFDT, ni FO ou les militants du PS.

Anarchistes, nous sommes convaincus de la nécessité de détruire toute forme d’Etat et d’en empêcher ensuite la recréation. Chaque Etat représente une forme de pouvoir, non seulement politique mais aussi social et économique. Son rôle est de maintenir, grâce à une violence affublée d’oripeaux, la « paix sociale » et l’assujettissement des peuples. L’Etat, afin d’exister, doit s’étendre et pour cela organise la guerre contre les autres Etats (Allemagne contre France, Europe contre EU…). Tout en maintenant l’illusion démocratique, l’Etat conforte l’exploitation économique, propose et vote les lois, crée et utilise les forces de l’ordre. M. Albert ne le remet pas radicalement en cause. Il ne fait que préconiser une organisation politique plus « conforme à [ses] vœux ». L’auteur n’envisage pas d’organisation fédéraliste de la société qui permet l’union solidaire des communes sociales issues elles mêmes des libres groupements des personnes. Avec le fédéralisme, ni l’Etat, ni ses représentants et ses bureaucrates ne sont utiles. Des formes d’organisations sociales sont créées par les individus qui les composent.

Dans la dernière partie du livre, nous est offert un véritable programme d’« économie participaliste » sans que l’auteur ait, au bout du compte, défini clairement en quoi celle-ci consiste. Ce programme résume à lui seul l’ensemble des propos réformistes rencontrés tout au long du livre, nous ne résistons pas au plaisir d’en citer quelques exemples :

- réduction de 25% du temps de travail,

- rémunération équitable, impôt sur les bénéfices…,

- démocratisation de l’accès aux connaissances nécessaires, régulation sociale des prix…,

- abolition de la Banque Mondiale, du FMI et de l’OMC afin de les remplacer par des agences subordonnées aux décisions des populations locales et ayant pour objectifs de réguler le commerce et les échanges internationaux à l’avantage des participants les plus défavorisés,

- Formation des chômeurs…

Ni Attac, ni les socialistes « radicaux », ni même une certaine droite catholique ne renieraient ce programme en rien libertaire ou révolutionnaire.

Parlant d’économie, de travail et de productivité tout au long de son livre, Albert pense en capitaliste et se garde bien de traiter de la possibilité que nous aurions de rompre radicalement avec l’exploitation, notamment en éliminant nombre de métiers et de tâches devenus non-nécessaires par la définition commune de nos besoins. L’habillage d’une réflexion réformiste par des mots plus radicaux (autogestion, répartition égalité, éthique, liberté…) ne garantit pas à leur auteur une adhésion plus importante à un changement de société. Il ne garantit que le renforcement de l’oppression et la confusion idéologique. Penser en terme de productivité, d’activité productive revient à penser avec le capitalisme. Penser en terme de liberté, de libre association, revient à se placer en dehors et en rupture.

 

Nous savons ce que nous ne voulons plus vivre et par conséquent ce que nous souhaitons vivre. Nous savons aussi ce que nous voulons détruire et construire. Ce qui signifie que nous ne nous contenterons pas d’une vie un peu moins dure, un peu moins violente. Nous voulons une vie libre, une vie qui tend toujours plus vers l’anarchisme et le communisme.

 

 

 Olivier et Valérie



[1] Ngo Van, Utopie Antique et guerre des paysans en Chine, Le chat qui pêche, 2004.

[2] Louis Janover, Voyage en feinte dissidence, Paris Méditérannée, col. Les pieds dans le plat, 1999.

Ecrit par patrick83, à 19:10 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

  Anonyme
22-04-06
à 13:13

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  Anonyme
17-07-06
à 18:03

Le problême dans son livre, c'est qu'il ne remet pas en cause, à court terme (et à long terme ?) l'usage du gouvernement (voire même, il propose diverses méthodes de décisions, dont la dictature, pour des cas extrémes), que ses propositions sont, ce qu'on appelle communément, la social-démocatie (marxiste) en cours de rénovation. Parce que, à quoi sert son programme ? Selon moi, que ce soit volontaire ou pas, à être récupéré par la social-démocratie marxiste.

Que agone le définisse de libertaire est certainement dû au fait que baillargeon ait nommé son livre "Une proposition libertaire : l’économie participative". Quand on voit la bibliographie de M. Albert, son intéret semble porté vers les marxistes et les socialistes, et en rien les anarchistes (ou alors...).

Sinon, c'est un livre intéressant (tel que vous l'énoncez), mais qui manque d'anarchisme (bien que sa proposition de participalisme me fait penser aux propositions économiques collectivistes de bakounine ; propositions qui furent critiquées plus tard par les anarchistes préférant une économie communiste).

Mais pour rester réaliste, je pense néanmoins que ces propositions peuvent avoir un impact réél intéressant, mais que cela peut être, comme toutes les autres périodes de l'histoire où les anarchistes étaient présents (coopératives, syndicats, communes libres, collectivitées, communautés, etc), récupéré (dans ce cas par les sociaux démocrates marxistes) si les anarchistes ne tendent pas à défendre leur autonomie. Mais le participalisme a, en lui, le germe des ruptures...

Oui, bon finalement, le probléme reste toujours le même, tant qu'il n'y a pas de forces autonomes à la base, les propositions resteront lettres mortes.
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