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lu sur cnt-ait.info : " Le 22 novembre 2006, la Biblioteca Social Reconstruir de Mexico organisait une soirée en hommage à Ricardo Flores MAGON, le révolutionnaire mexicain précurseur de la révolution de 1910 dont on célébrait le 84ème anniversaire de la mort, assassiné dans les geôles américaines. Après une lecture d’œuvres de théâtres de Magon, un jeune compagnon du groupe OIR, très impliqué dans les barricades d’Oaxaca et un compagnon indien de la communauté magoniste de San Fernando nous ont parlé des derniers évènements insurrectionnels dans l’Etat d’Oaxaca. Le public d’une petite centaine de personnes, était représentatif du mouvement anarchiste mexicain actuel : jeune, voire très jeune, essentiellement de la scène anarchopunk.
Un mouvement jeune, en cours de reconstruction
Pour Tobby, un des animateurs de la Biblioteca Reconstruir, c’est à la fois la force et la faiblesse du mouvement mexicain. Il n’y a jamais vraiment eu de mouvement anarchiste organisé au Mexique, si on excepte la période du Parti Libéral Mexicain des frères Magon au début du 20 siècle. Pourtant, l’influence anarchiste -et particulièrement anarchosyndicaliste- a toujours été sensible. Les drapeaux des syndicats ne sont ils pas rouges et noirs ? Mais le mouvement ouvrier a plutôt été sous l’influence des sectes marxistes de toutes natures. Aujourd’hui, il existe au Mexique -et singulièrement à Mexico- une multitude de petits groupes qui se réclament de l’anarchisme, même si la plupart des gens qui participent aux manifestations ou évènements le font à titre individuel. Il s’agit la plupart du temps de jeunes lycéens ou étudiants, qui voient dans l’idée anarchiste une possibilité d’exprimer leur soif de liberté et de justice, dans un pays où règnent la corruption et l’injustice généralisée. Toutefois, avec ses 41 ans, Tobby est un vétéran dans un mouvement où les trentenaires se comptent sur les doigts de deux mains... Bref, tout est à construire.
C’est précisément à cette tâche que se consacrent les compagnons de groupes tels que Hormiga Libertaria. Ces jeunes compagnons sont étudiants l’après midi, et le matin PUIS le soir ils sont pompistes ou vendeurs de journaux sur le périphérique (les embouteillages à Mexico font qu’ils ne courent aucun risque d’être écrasés...) ou autres petits boulots de misère, sans réel statut. Ils vivent dans le quartier populaire d’Itzapalapa. Tous les dimanches, sur la place à la sortie du métro, ils organisent une bibliothèque ambulante : avec quelques planches de bois dissimulées en haut d’un mur où il faut grimper en passant par un arbre, ils montent une petite étagère. Dessus, on trouve de vieux livres éculés, donnés par quelques compagnons espagnols, vétérans de la révolution de 1936 échoués au Mexique, et aussi les propres productions des compagnons : des textes classiques ou récents sur l’anarchisme, imprimés sur du matériel de fortune et dont la couverture est faite de carton de boîte à chaussure de récupération... Bref, du système D, du DIY (do it yourself) avec des moyens de fortune, bien loin de nos salons du livre anarchiste occidentaux et de la profusion de moyens qui masquent mal le manque d’engagement et de cohérence d’un mouvement « riche » qui s’achète une image de rebelle. Au Mexique, si tu es anarchiste, c’est d’abord avec tes tripes !
Une situation sociale explosive (Guadalajara, Atenco, Oaxaca)
Car les compagnons ne sont pas les derniers à prendre part aux luttes qui secouent le Mexique, et pas seulement dans l’Etat d’Oaxaca. Et ils en payent systématiquement le prix fort [1]. Pas seulement du fait de la police fédérale ou des polices locales, aux mains de petits potentats que sont les gouverneurs et les alcades. Mais aussi parce que les groupes de « gauche », les syndicats institutionnels, etc... n’hésitent pas parfois à donner un coup de main aux forces de l’ordre pour attaquer les cortèges anarchistes, comme à Guadalajara cet été. Les campagnes de calomnie contre les anarchistes dans les journaux ne sont pas le seul fait des conservateurs, car même des journaux pourtant considérés comme progressistes - tels La Jornada - peuvent publier des articles attaquant les anarchistes comme étant des êtres violents manipulés par la police. Bref, être anarchiste c’est avant tout être en rupture avec tout un système institutionnel.
Oaxaca : l’autonomie populaire en action
Mais là où cette rupture est la plus sensible, c’est clairement dans l’Etat d’Oaxaca. Cette région, de forte tradition indienne, a maintenu depuis toujours ses formes d’organisations communautaires. Ici, dans chaque village (ou pueblo), la réalité du pouvoir est exercée non pas par le maire élu ou l’Etat fédéral, mais par une assemblée qui regroupe l’ensemble des habitants et où les décisions sont prises collectivement. Une véritable structure parallèle avec ses propres systèmes de gestion des affaires de la communauté, de régulation des conflits, sa propre police... Et un système duquel tous les partis politiques sont bannis (y compris ceux de gauche), car tous savent que les partis promettent beaucoup mais ne donnent jamais, détournant toujours l’argent destiné à la communauté pour leur propre enrichissement personnel.
Depuis plusieurs années, certains pueblos sont même en sécession contre « los poderes ». ils rejettent la chaîne de corruption massive qui commence avec leur maire et sa police municipale, soutenu par le gouverneur Ulises Ruiz et sa police Estatal, et la complicité de l’Etat Central et sa police federal, mais aussi les juges, l’armée, etc... Comme l’indiquait le compagnon de la communauté de San Fernando, dans les pueblos, on a alors redécouvert que le nom de Magon n’était pas seulement celui d’une place de Oaxaca, mais surtout celui d’un lutteur révolutionnaire infatigable, qui avait su transcrire en mots les principes d’autonomie populaire qui font le ciment de la société oaxacanèque. Alors eux, les petits paysans, planteurs de café expropriés violement de leurs terres par los poderes au profit de grandes compagnies mexicaines ou internationales, se sont revendiqués de la figure locale de ce héros populaire.
Mais les maires chassés par les asembleas ont transformé leurs polices municipales en groupes armés, payés avec l’argent fourni par le gouverneur et l’Etat central qui -sans uniforme, en civil- font le coup de feu contre les habitants des pueblos en rébellion. Le soulèvement cet été des maestros -les professeurs des écoles- a donc été rejoint par ce mouvement populaire, principalement à base paysanne. Puis le mouvement s’est élargi à tout l’Etat, qui en entier s’est soulevé dans un mouvement unanime. (Nous reviendrons plus tard sur l’insurrection d’Oaxaca).
Comment pouvons nous aider ?
Les compagnons anarchistes mexicains développent une intense activité de propagande, dans des conditions économiques très difficiles et avec des moyens extrêmement réduits. Un de leur outil majeur de diffusion de nos idées est la réalisation de bibliothèques, pour certaines ambulantes, de façon à ce que les idées libertaires puissent être accessibles au plus grand nombre. Toutefois ces compagnons disposent de moyens très limités. Le nombre et la diversité des ouvrages est parfois réduit et ils n’ont pas les moyens de s’offrir tous les livres qui sont publiés continuellement en Europe. Alors que l’intérêt au Mexique pour l’anarchisme reconnaît une nouvelle vigueur aujourd’hui, il existe un moyen simple pour nous de leur apporter un soutien concret : organiser des collectes de livres et de brochures en langue espagnole sur l’anarchisme, l’anarcho-syndicalisme, et tout ce qui à trait à l’idéal libertaire. Le syndicat de la CNT AIT de Paris a établi depuis plus d’un an des liens avec différentes bibliothèques anarchistes à Mexico (Biblioteca Social Reconstuir, bibliothèque ambulante Hormiga libertaria / Herramienta libertaria). De plus, de nouveaux liens ont été établis avec la nouvelle bibliothèque Praxis Guerrero de Guadalajara et avec le projet de bibliothèque en Basse Californie. Nous pouvons aider ces compagnons dans leur effort. Merci de faire parvenir vos dons d’ouvrages au syndicat de Paris qui se chargera ensuite de les acheminer au Mexique.
A TOULOUSE : collecte de livres en Espagnol samedi 17 mars à 15 heures au local 7 rue saint rémésy
[1] De nombreux compagnons ont été arrêtés lors des derniers mouvements sociaux, à Atenco, à Guadalajara et bien sûr à Oaxaca, et sont toujours maintenus en détention, souvent en dehors de toute légalité et en total arbitraire.