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Lu sur Gendertrouble : "Mon intuition me dicte que le spectre des relations sociales est tout en continuité, et que tout découpage de ce spectre - par exemple via le langage - est forcément issu d’une construction sociale. Mais la société capitaliste et son bras armé, la morale bourgeoise normalisatrice, voudraient me voir ranger arbitrairement mes relations dans des tiroirs étiquetés "amitié", "amour", etc.
L’état de couple est un de ces tiroirs ; il implique l’exclusivité amoureuse et l’exclusivité sexuelle. Il commence à une certaine date et se termine à une autre. Élevé au statut norme sociale, il est considéré comme une condition nécessaire à mon épanouissement.
Je ne me retrouve pas dans cette norme.
L’exclusivité amoureuse et sexuelle obligatoire m’oppresse. Je veux pouvoir aimer différentes personnes, à divers degrés de proximité affective et/ou sexuelle, construire différentes relations dans le temps ou fugitivement, simultanément ou non. L’énoncé que je viens de faire est une posture politique. Un refus de l’enfermement, de la possessivité impliqués par le couple.
Je souhaite donc vivre des relations moins enfermantes que le couple.
Et c’est difficile. Car apparaît rapidement, dans cette démarche, un décalage entre posture politique et ressenti. Je m’explique : en tant qu’être social, en tant qu’homme, mes fonctionnements internes sont construits socialement ; il ne me suffit pas d’adopter une posture politique qui me semble rationnelle et épanouissante pour révolutionner, du jour au lendemain, mes ressentis et mon rapport à l’altérité.
Je ne veux pas me mentir à moi-même. Je ne peux donc pas décréter que je ne ressentirai plus, que je n’exprimerai plus ni possessivité, ni dépendance affective, ni toutes les autre émotion ou attitude que je refuse d’un point de vue théorique.
De ce fait, je ne puis me résoudre à laisser la dictature du non-dit réguler, par défaut, mes rapports amoureux. Adopter en la matière une posture spontanéiste reviendrait en effet à supposer que mon ressenti s’adaptera, de lui même, à mes idées. Ce serait laisser libre cours au processus de refoulement de celles, parmi mes émotions, qui entreraient en opposition avec mes opinions. Qui plus est, partir de cette supposition ne peut que créer et/ou renforcer le décalage entre mes attentes et celles de mes "partenaires" ; sous un libéralisme amoureux et/ou sexuel affiché peuvent en effet se camoufler dépendances affectives et jalousie, d’autant plus douloureuses et difficiles à combattre qu’elles sont refoulées et non assumées.
Ces considérations m’amènent donc à rechercher, à construire des relations formalisées, au sein desquelles il pourrait être aisé, à moi et à mes "partenaires", d’exprimer, d’extérioriser attentes et envies, frustrations et déceptions. Dans une relation construite dans cette optique, il est primordial de prendre le temps, de ne pas se satisfaire d’une façade officielle reluisante et politiquement correcte, de prendre du recul et de réviser son point de vue à mesure que la situation évolue.
Ainsi, peut-être, est-il possible d’inventer du commun en construisant l’autonomie. L’articulation entre l’individuE et le collectif est un combat permanent. Y compris quand le collectif ne rassemble que deux personnes.