Alain Bihr : L’ISLAMISME : DEUX OU TROIS CHOSES QUE JE CROIS SAVOIR A SON SUJET
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A Contre Courant : "Depuis une vingtaine d’années, très exactement depuis la fameuse « révolution iranienne » (le renversement du shah) et l’instauration de la République islamique en Iran, le spectre de l’islamisme hante le ciel occidental.
Discret pendant la décennie 1980, alors que le spectre du soi-disant « communisme soviétique » semblait encore faire peur aux dirigeants occidentaux et alors que les moudjahidins afghans tenaient en échec les forces de l’« empire du mal », il n’a cessé de prendre de l’ampleur dans l’imaginaire occidental, à la faveur du développement de mouvements islamistes radicaux dans différents Etats arabes (notamment l’Egypte, où toute la moyenne vallée du Nil a dû à être fermée au tourisme ; et évidemment l’Algérie où sévit la guerre civile depuis maintenant dix ans) ; mais aussi aux confins du monde islamique (par exemple à la faveur de la guerre civile en Bosnie-Herzégovine) et même dans les pays occidentaux (attentats en France, en Allemagne et aux Etats-Unis revendiqués par des groupes islamistes). Depuis le 11 septembre dernier, la psychose anti-islamiste est à son comble ; à tel point qu’il ne fait pas bon être musulman dans certaines métropoles occidentales.
L’islamisme, cas particulier d’un phénomène plus général
Car, comme toujours dans ces cas-là, la plus grande confusion règne autour des termes eux-mêmes que l’on emploie. Commençons donc par tenter de les tirer au clair.
L’islamisme se laisse définir a priori comme la version radicale de l’islam, qui se caractérise par le projet de soumettre l'existence humaine dans toutes ses dimensions, individuelles aussi bien que collectives, à la loi coranique, la fameuse sharia. En ce sens, il s’agit d’un phénomène similaire à ce que sont l’intégrisme catholique ou le fondamentalisme protestant ; ce qui explique qu’on pourra (mais improprement) utiliser à son propos aussi ces deux termes d’intégrisme ou de fondamentalisme. Dans tous ces cas, on a affaire à des mouvements visant à asseoir l'autorité du pouvoir politique et plus largement la légitimité de l'ordre social sur la référence à une transcendance divine et à un texte réputé sacré. Mouvements qui conjuguent fétichisme du dogme et des rites et intolérance dans leurs rapports aux autres confessions et communautés religieuses ; le tout culminant dans ce qu’on nomme habituellement le fanatisme.
Ce n’est sans doute pas un hasard si le monothéisme, sous ces différentes variantes, a pu donner naissance à de pareils mouvements. La foi en un Dieu unique, créateur et législateur de l'univers, comme en la révélation de sa parole déposée en un livre unique, peut plus particulièrement donner naissance au projet de soumettre à un même ordre transcendant la totalité des aspects de l'existence humaine[1].
Ce qui n'a pas empêché les trois grandes religions monothéistes d'instituer, au cours de leur histoire respective, les rapports les plus divers entre religion et pouvoir politique. Le judaïsme a survécu pendant près de deux millénaires sans aucune organisation politique propre ; et aujourd’hui même, en dépit de l’existence de l’Etat d’Israël, Etat qui se définit lui-même comme Etat juif et qui polarise largement le judaïsme de la diaspora, celle-ci continue à vivre pour l’essentiel dans un rapport de séparation entre le religieux et le politique. Le christianisme, pour sa part, sépare en principe pouvoir religieux et pouvoir politique, ordre temporel et ordre spirituel, selon la fameuse parole du Christ : "Rendons à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu". Historiquement cependant, les Eglises chrétiennes (catholiques, orthodoxes et, dans une moindre mesure, protestantes) n’en ont pas moins cherché à faire main basse sur le pouvoir politique. La laïcisation de celui-ci n’a été obtenue qu’au terme d’une lutte séculaire, qui n’est d’ailleurs pas achevée. Des trois religions monothéistes, seul l'islam s'est toujours voulu à la foi dogme religieux et législation sociale et politique, en fondant la seconde sur le premier.
Pourtant aujourd'hui, les flambées intégristes n'épargnent aucune des aires politico-culturelles des trois grandes religions monothéistes. Sans doute est-ce bien le monde musulman qui en offre les versions les plus radicales : partout l’islamisme y est devenu une donnée incontournable de la vie politique. Mais les intégrismes ou fondamentalismes chrétien et juif n'ont rien à lui envier.
En ce qui concerne le premier, il suffit d'évoquer pêle-mêle, du côté catholique, le schisme de Monseigneur Lefebvre, les manifestations périodiques de "Laissez les vivre" et autres partisans de « l’ordre moral » contre l’IVG, celles contre des œuvres jugées impies (comme La dernière tentation du Christ ou Baise moi) , les pressions de l'Eglise en matière de politique contraceptive ou de prévention du sida ; etc. Et de rappeler, du côté protestant, le prosélytisme constant des sectes fondamentalistes, notamment aux USA.
Quant à l'intégrisme juif, il n'a cessé de se développer au cours de ces dernières années en Israël, où les partis religieux se sont considérablement renforcés, dans un contexte de confrontation exacerbé avec les Palestiniens dans les territoires occupés, devenant une force incontournable pour la constitution de n’importe quelle majorité parlementaire, capable donc de prendre tout gouvernement israélien en otage. Cela a même coûté la vie au Premier ministre Rabin, coupable aux yeux des partisans d’Eretz Israël (du Grand Israël, d’un Israël ramené à ses frontières bibliques, allant à l’est au moins jusqu’au Jourdain) de chercher un compromis territorial avec les Palestiniens.
Signalons enfin le contexte idéologique général dans lequel se sont produites ces flambées intégristes, contexte marqué par une montée générale des courants néo-obscurantistes dans le cours des dernières décennies, dont les symptômes les plus visibles sont pêle-mêle le succès ahurissant non seulement d'anciennes croyances archaïques telles que l'astrologie et la voyance, mais encore de toutes sortes de sectes politico-mystiques ; les attaques portées contre la rationalité scientifique ; le déchaînement de la spéculation sur des marchés financiers débridés ; sans compter bien évidemment la remontée des idéologies et des formations politiques d'extrême droite.
La crise de légitimité de la modernité occidentale
C'est d’abord dans ce contexte général qu'il faut tenter de comprendre les actuels phénomènes d’intégrisme ou de fondamentalisme religieux auxquels on assiste un peu partout dans le monde. Aussi mon hypothèse directrice sera la suivante : au-delà de causes secondaires (telle par exemple la volonté des différentes confessions et Eglises de regagner une partie du terrain perdu, du moins en Occident, au profit des Etats laïques), les flambées d’intégrisme ou de fondamentalisme religieux sont un symptôme de la crise générale de légitimité que connaît aujourd’hui la modernité occidentale, c’est-à-dire le type de société et de civilisation développé par l’Occident sur la base du capitalisme et universalisé par ce dernier en même temps que le capitalisme lui-même.
Les valeurs à partir desquelles la modernité occidentale entendait proposer à chacun de donner sens à son existence souffrent aujourd’hui toutes d’un défaut de crédit, elles font l’objet d’une décroyance généralisée plus ou moins aiguë. Si bien que les sociétés qui sont soumis au mode capitaliste de production sont aussi des sociétés devenues tendanciellement incapables de proposer à leurs membres un ensemble d’idées, de normes, de valeurs, qui leur permettraient tout à la fois de comprendre le monde dans lequel ils vivent, de communiquer avec autrui sur la base d’une série de références communes et de se construire une identité personnelle un tant soit peu stable et assurée. Aucune des valeurs phares de la modernité occidentale qui ne soit aujourd’hui en crise :
- Crise du culte du progrès économique (de la croissance des forces productives, de l’accumulation de richesses et de moyens de produire des richesses) dont il est devenu évident qu’il génère massivement chômage et précarité au Nord, exclusion et misère de masse au Sud, aggravation des inégalités sociales et crises écologiques partout.
- Crise du culte de l'Etat de droit et de l'Etat social (l’Etat providence) qui ne parviennent plus à garantir les conditions d'un ordre civil pacifié et d'un consensus minimal entre membres d'une société qui se délite de plus en plus sous la pression d'inégalités accrues.
- Crise du culte de la nation dans un contexte de mondialisation (de transnationalisation des marchés et de la production, mais aussi des communications et de la culture) qui ne préserve l'intégrité matérielle et symbolique d'aucune nationalité.
- Crise du culte de la rationalité instrumentale (technico-scientifique et administrative), incapable de comprendre et encore moins de maîtriser la complexité croissante d'un tel univers ; et qui accumule les menaces sur l’avenir de l’humanité sous la forme de l’industrie nucléaire, de la dénaturation des aliments, des manipulations génétiques, etc.
- Crise enfin de la croyance dans le sens de l'Histoire, de l'idée de l'automaticité du progrès matériel et moral de l'humanité, dont l'avenir même immédiat est gravement menacé par ses propres oeuvres. Crise par conséquent de la politique, de l’action collective, dont le discrédit est à la mesure des échecs de ses tentatives antérieures pour s’assurer la maîtrise de cet avenir.
La seule valeur qui échappe apparemment à ce naufrage général de la modernité occidentale est l’individualisme, le culte de l’individualité privée, érigée en centre autonome de pensée et d’action. D'où un repli généralisé sur cette individualité comme ultime valeur refuge ; et crise consécutive de cette individualité elle-même, dans la mesure où le processus de repli, de privatisation, en appauvrit la densité sociale, l’étendue et l’intensité de ses relations aux autres et au monde en général, qui seules l’assurent de sa propre existence et de sa propre valeur[2].
Les conséquences psychopolitiques de cette crise du sens qui sévit au sein du capitalisme contemporain sont diverses. En simplifiant, on peut dire que, le plus généralement, elle fait naître une personnalité à la fois fluide et amorphe, instable et faiblement intégrée, en quête d'une identité qui perpétuellement lui échappe. Le minimum d’équilibre (de stabilité) nécessaire, elle la trouve en pratiquant une sorte de nomadisme identitaire qui la conduit à multiplier les identités d'appartenance et de référence, de manière simultanée ou successive, à la manière du cycliste qui ne doit de rester débout qu’à son perpétuel mouvement.
Mais pareil exercice de funambulisme n’est pas à la portée de tout le monde ; et il ne peut pas se mener éternellement ni dans toutes les circonstances. La crise du sens active et réactive aussi toute une série d’affects négatifs, qui sont susceptibles de faire basculer ce type d’individualité dans une tout autre mode de structuration. A commencer par l'angoisse. Car on ne saurait trop souligner le caractère anxiogène de l'absence d'un cadre de références permettant de construire une image cohérente du monde ; de même que le caractère anxiogène du déficit d'identité propre. Angoisse qui, en entrant en résonance avec l'angoisse d'abandon infantile, ne peut, à son tour, que réactiver la culpabilité inconsciente de l'individu. Avec le renforcement du "conditionnement à l'autorité", de la disposition à la "soumission volontaire", découlant précisément de toute majoration du sentiment de culpabilité. Sans oublier enfin l'agressivité réactionnelle résultant à la fois de l'angoisse et de la culpabilité, mais les renforçant en retour, générant ainsi un sentiment diffus d'exaspération prêt à se décharger sur la première victime venue, engendrant une disposition propice à la recherche de "boucs émissaires".
Ce cocktail explosif de sentiments et ressentiments favorisent la formation d’une tout autre personnalité, déjà décrite par Wilhelm Reich ainsi que les membres de l'Ecole de Francfort (notamment Erich Fromm) dans le cadre de leurs travaux sur la mentalité fasciste, à savoir une personnalité autoritaire, dont les principaux traits sont : le conformisme, l'acceptation non critique voire la survalorisation de l'autorité et de la hiérarchie, l'intolérance à l'égard des opposants ou des marginaux, une pensée stéréotypée, un penchant à la superstition, un refus de l'introspection, une vision méprisante de l'humanité en général. Au nomadisme identitaire de la personnalité fluide et amorphe précédente se substitue ici l'attachement fétichiste, c'est-à-dire rigide, dogmatique, à la limite fanatique, à une identité (d'appartenance et de référence) étroite, conçue comme exclusive de toute autre identité. L'enjeu de cette conversion réactive des affects nés de la crise du sens est précisément de conquérir et d'acquérir une identité réputée stable et solide, en échappant du même coup à l'angoisse et à la culpabilité que son défaut fait naître, en les fixant projectivement sur de mauvais objets à écarter ou à détruire.
On reconnaît aisément dans la formation de cette personnalité autoritaire l'une des conditions majeures du développement actuel des mouvements à base de revendication identitaire, dont les mouvements intégristes et fondamentalistes sur le plan religieux et les mouvements d’extrême droite sur le plan politique, les sectes enfin (sur les deux plans) fournissent les exemples les plus clairs. Pour sa part, la personnalité fluide et amorphe, qui lui fait face, n'offre qu'une faible ligne de résistance à ces mêmes mouvements, ne serait-ce que du fait de son désinvestissement du politique. Bien plus, la frustration narcissique par laquelle se solde in fine sa quête identitaire, prédispose cette individualité molle à se durcir autoritairement, lorsque les conditions de cette quête deviennent encore plus problématiques (par exemple à l'occasion d'une crise économique ou politique).
Le cas particulier de l’islamisme
Reste à expliquer pourquoi c’est plus particulièrement dans l’aire de civilisation islamique que cette crise de légitimité de la modernité occidentale a donné naissance à des mouvements politico-religieux de type intégriste ou fondamentaliste. Pour répondre à cette question, il faut se livrer à un petit détour historique.
Sur la base de la « révolution industrielle », c’est-à-dire du développement du capitalisme industriel, les puissances (Etats-nations) d’Europe occidentale, essentiellement le Royaume Uni et la France, se lançaient, au cours du 19e siècle dans une seconde vague d’expansion commerciale et coloniale, qui allaient leur permettre de dominer les quatre cinquièmes de la planète[3]. Cette entreprise impérialiste, qui visait à périphériser l’ensemble du restant du monde en le subordonnant aux exigences des économies européennes, allait susciter, dans le monde musulman (dans l’Empire ottoman dominant alors encore plus ou moins l’ensemble du monde arabe à l’exception de l’Egypte, en Egypte même, en Perse) tout dans les différents autres foyers de civilisation extra-européens (en Russie, en Chine, au Japon), deux types de réaction pour tenter de lui échapper.
La première est celle qui consistait à imiter les Européens, à adopter et importer les structures économiques et politiques qui avaient assuré leur succès sur la voie de la modernisation capitaliste : développement industriel supposant l'abolition des structures féodales et la formation d’une bourgeoisie nationale (d’une classe d’entrepreneurs privés), construction d'un Etat laïque et d’une société civile rompant avec les traditions théocratiques, édification d’Etats-nations sur les débris des anciennes formules impériales, développement d’une mentalité rationaliste sur la base d’un enseignement démocratisé, etc. Dans cette voie, l’Etat était censé joué un rôle de premier plan, notamment par une politique protectionniste permettant au capital national de croître et de se développer à l’abri de barrières douanières mais aussi grâce au développement de toute l’infrastructure de voies de communication (routes, canaux, chemins de fer) nécessaires au développement de l’industriel. La seconde réaction consistait, au contraire, à tourner le dos à l’Occident et à parier sur la régénérescence des sociétés musulmanes par le retour à leurs traditions religieuses propres, l’éloignement à l’égard de cette tradition dans sa pureté originelle étant dans cette perspective censée expliqué l’affaiblissement de l’islam face aux menées impérialistes occidentales. C’est de cette réaction que naîtront ultérieurement les mouvements islamistes. Evidemment, entre ces deux voies et méthodes, il y a eu place pour des formules de compromis, alliant à la fois réviviscence des traditions islamiques et adoptions de certains éléments de la culture occidentale.
Dans un premier temps, ce sont les partisans de l’imitation du modèle occidental qui s’imposèrent. Dès la première moitié du 19e siècle, Mehmet Ali ouvrit la voie en tentant d’engager l’Egypte sur la voie d’une modernisation capitaliste, avant qu’elle ne tombe, avec le creusement du canal de Suez, sous la dépendance financière anglo-française. C’est dans cette même voie que, après la Première guerre mondiale et sur les ruines l’empire ottoman, s’est lancé la jeune République turque fondée par Mustapha Kemal. Et c'est ce modèle qui a été ultérieurement imité par le régime pahlavi en Iran, par le régime nassérien en Egypte, par les régimes bassistes en Syrie et en Irak, par Bourguiba en Tunisie, le FLN en Algérie, etc. Le pari commun à tous ces régimes était de battre l'Occident sur son propre terrain en réalisant une révolution capitaliste par "le haut", une révolution bourgeoise sans bourgeoisie, sous l’égide de l’Etat. A l’instar de ce que l’empereur Meiji avait réalisé au Japon dans le dernier tiers du 19e siècle ; de ce que tentèrent et en partie réussirent les bolcheviks en Russie et les maoïstes en Chine[4].
Or, cette tentative de modernisation à l'occidentale des sociétés musulmanes a échoué, pour des raisons qu'il serait trop long d'évoquer ici, mais dont la principale reste évidemment les rapports d’exploitation et de domination que les puissances occidentales sont parvenues à imposer à ces sociétés. Elle a au mieux abouti à l'indépendance politique et à un début d'industrialisation, sans pour autant abolir la dépendance économique de ces formations et de leurs élites à l'égard de l'impérialisme occidental. En un mot, elle n'a pas permis à ces sociétés d'échapper à la semi-périphérisation, synonyme de phénomènes massifs de prolétarisation et d'aliénation culturelle, notamment au sein des populations rurales, rendant d'autant plus insupportables les inégalités sociales les plus flagrantes, la corruption et l'incompétence des dirigeants, etc., sur lesquels elle a débouché.
D'où le discrédit, notamment au sein des classes populaires, du modèle occidental et des forces politiques qui s'en font les défenseurs et les vecteurs. D'où aussi le repli sur les traditions et le regain de légitimité du discours fondamentaliste et intégriste, seule alternative crédible à un modèle ayant manifestement fait banqueroute ; d'autant plus que les mouvements intégristes ont toujours privilégié leur implantation dans les milieux populaires plutôt que dans les milieux dirigeants. Au mirage moderniste est venu se substituer le prophétisme islamique. Le succès de la "révolution islamique" en Iran n'aura fait que précipiter les choses en fournissant un modèle crédible à tous les intégristes au sein du monde musulman.
Quant à la montée de l’islamiste dans les populations musulmanes immigrées dans les pays occidentaux, elle se relie plus directement encore à la crise de légitimité de la modernité occidentale et plus précisément à celle de l'Etat, par l'intermédiaire de l'échec relatif de leur intégration. Echec que traduit le fait que ces populations se retrouvent marginalisées dans de véritables ghettos, supportant toutes les formes d'exclusion (du travail, de l'école, de la formation professionnelle, de la prise en charge administrative, etc.) qui frappent aujourd'hui les "laissés-pour-compte" de la contre-réforme néo-libérale, auxquelles s’ajoute la xénophobie et le racisme dont ils sont couramment victimes. Leur situation est alors comme l'illustration vivante de toutes les crises précédemment détaillées, et d'abord de celle de l'Etat démocratique qui les abandonnent à leur sort, en démentant lui-même ses propres idéaux. Ne leur reste plus alors pour affirmer leur dignité, pour se forger une conscience collective qui leur permet de résister et de se défendre qu'à se replier sur la revendication agressive de leur identité musulmane.
Alain Bihr