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Actualité de Gustav Landauer
--> Résumé d'un article paru dans la revue autrichienne "Grundrisse"
La question de l’Etat
« Une table on peut la renverser, et une vitre on peut la briser ; mais quels beaux parleurs, quels adorateurs de formules, tous ceux qui considèrent l’Etat comme une chose ou un fétiche que l’on pourrait détruire par la force, en le brisant ! » (G. Landauer, Beginnen, 1977 [1924], Westbevern, Büchse der Pandora, p. 53). Pour Landauer, en effet, on ne saurait détruire l’Etat par la force car l’Etat est « un rapport, c’est une relation entre les hommes, c’est une manière d’être des hommes entre eux » (Ibid.). La théorie de l’Etat (moderne) de Landauer n’oppose pas la société à l’Etat – que l’on pourrait détruire comme on détruirait un édifice – mais décrit une société étatisée dans laquelle le comportement de tous les individus a pris une forme étatique, c’est-à-dire autoritaire. Ainsi, pour Landauer, la différence entre l’Etat royal et l’Etat moderne repose sur le degré de pénétration de l’autoritarisme dans la société : « Le monarque absolu pouvait dire : l’Etat, c’est moi ; et nous – qui nous sommes emprisonnés nous-mêmes dans l’Etat absolu – nous devons reconnaître la vérité : l’Etat, c’est nous » (Ibid.)

 

La servitude volontaire

Les hommes sont l’Etat ; ils le reproduisent par leur comportement autoritaire. Ils participent volontairement à la perpétuation du caractère étatique, autoritaire de la société (Landauer a traduit en allemand La servitude volontaire de La Boëtie).

L’Etat moderne résulte moins d’une contrainte extérieure que des formes de comportement autoritaires de tous les membres de la société. Landauer parle dans ce contexte d’une absence d’Esprit – entendu au sens d’une éthique naturelle fondée sur l’égalité et la liberté de tous. L’Esprit – qui eût permis la naissance d’une communauté d’égaux – faisant défaut, c’est le principe étatique qui triomphe et prend sa place.

 

Le capitalisme : entre culpabilité et souffrance

Landauer tend à refuser de distinguer les « bons » prolétaires des « méchants » patrons : tout le monde souffre du capitalisme, toutes les classes sont capitalistes, tout le monde est responsable de la reproduction des rapports sociaux capitalistes. Encore que certains passages soient plus nuancés (Cf. Beginnen, p. 34-35).

En montrant que le capitaliste souffre parce ce qu’il doit se plier aux exigences d’un mécanisme, celui de l’industrie, qu’il a lui-même créé, Landauer pose, en creux, le problème de la responsabilité personnelle, du choix, de l’éthique. Il insiste fortement sur le positionnement moral des individus dans les rapports de force sociaux. [Marx, quant à lui, se propose d’étudier les personnes du capitaliste et du propriétaire foncier « qu’autant qu’elles sont la personnification de catégories économiques » ; on ne saurait, dit-il, « rendre l’individu responsable de rapports dont il reste socialement la créature, quoiqu’il puisse faire pour s’en dégager » – Capital préface]

 

Penser la contradiction

Landauer met en évidence une profonde similarité entre capital et travail – contrairement aux marxistes qui déduisent de la contradiction entre le capital et le travail le rôle révolutionnaire du prolétariat.

« Dans les luttes salariales qu’ils mènent, les travailleurs se comportent exactement comme on doit se comporter quand on est copropriétaire de la société capitaliste : en égoïstes qui jouent du coude… Dans les luttes au sein du capitalisme, ceux qui remportent des victoires réelles – c’est-à-dire des avantages acquis – sont toujours ceux qui luttent en capitalistes ». (Aufruf zum Sozialismus [1911], Berlin, Oppo-Verlag, 1998, p. 78).

Il pose le problème syndical en ces termes : le syndicalisme est une question de survie pour les travailleurs qui ne sont pas des révolutionnaires mais de pauvres bougres condamnés à vivre et à mourir dans le système capitaliste ; cela dit, les luttes ouvrières ne dépasseront jamais le cadre du capitalisme car « tout ce qui se passe sur le terrain de la production capitaliste, nous embourbe plus profondément dans celle-ci, et ne nous permettra jamais d’en sortir ». (Aufruf zum Sozialismus, 1998, p. 85).

L’action de classe restera une nécessité tant que nous ne sortirons pas du capitalisme ; mais ce n’est ni un moyen ni une voie pour atteindre le socialisme. A Munich, en 1919, il déclare à l’adresse des communistes : « Je ne suis pas pour la dictature du prolétariat, je suis pour l’abolition du prolétariat ».

 

Vouloir le socialisme

Landauer ne s’adresse pas à une classe particulière, mais à « ceux qui tout comme moi en ont assez » (Aufruf, p. 32).

Le socialisme ne dépend ni de lois historiques, ni des formes de production ou des conditions techniques, mais seulement de la volonté des hommes : « Le socialisme est possible à toute époque et il est impossible à toute époque ; le socialisme est possible quand les hommes qu’il faut sont là pour le vouloir, c'est-à-dire le réaliser ; et il est impossible quand les hommes ne le veulent pas, ou prétendent le vouloir sans être capables de le réaliser ». (Aufruf, p. 104).

Landauer critique radicalement les marxistes : « Ils n’ont d’yeux que pour les formes extérieures, négligeables, superficielles de la production capitaliste qu’ils se plaisent à nommer production sociale… Le marxisme est philistin, et pour le philistin, rien n’est plus important, plus formidable, plus sacré que la technique et le progrès… C’est alors – lorsque nous considérons le culte sans bornes que voue à la technique le parrain des progressistes – que nous commençons à nous rapprocher de l’origine du marxisme. La source du marxisme, ce n’est pas l’étude de l’histoire, ce n’est pas non plus Hegel, ni Smith ou Ricardo, ni l’un des socialistes d’avant Marx, ni l’époque de la révolution démocratique, et encore moins la volonté des hommes et leur besoin de culture et de beauté. La source du marxisme, c’est la vapeur. Il y a des vieilles femmes qui lisent l’avenir dans le marc de café ; Karl Marx, quant à lui, lit l’avenir dans la vapeur ». (Aufruf, p. 55-56).

Le marxisme, c’est « la peste de notre temps et la malédiction du mouvement socialiste » (Ibid., p. 19) ; le marxisme est une forme capitaliste de socialisme (p. 50) ; c’est un « appel à l’impuissance » (p. 106).

Landauer précise cependant que « le socialisme est possible en tout temps quand un nombre suffisant d’hommes le veulent ». (Aufruf, p. 66). Ce qui importe, donc, ce sont les masses, et non les individus pris séparément.

 

D’où vient l’homme nouveau ?

Le problème central, c’est de savoir d’où vient cette volonté socialiste si les hommes sont victimes de leur servitude volontaire. Landauer évoque à ce propos une nature humaine authentique, une tendance communautaire originelle qu’il faut réactiver. « L’Esprit est communauté, et dans chaque d’individu réside, alerte ou endormie, l’aspiration instinctive à l’universel, à l’association, à la collectivité, à la justice ». (Aufruf, p. 98)

[Mais qui peut révéler aux autres leur vraie nature si ce n’est un homme qui a pu la retrouver en lui-même ? La réflexion de Landauer présente ici une faiblesse : il se contente d’évoquer des hommes « qui, du fait de leur constitution, n’ont jamais appartenu à leur époque » (Aufruf, p. 63). Kellermann rappelle la 6ème thèse de Marx sur Feuerbach : la nature de l’homme, c’est l’ensemble des rapports sociaux ; il n’est pas nécessaire, selon K., de renvoyer à une « nature originelle » de l’homme pour faire une critique radicale de la situation présente ; les rapports sociaux dominants n’étant pas capables de produire une soumission totalitaire des êtres humains, c’est l’expérience de la souffrance et de l’inacceptable qui rend possible une critique radicale]

 

L’Esprit : la communauté humaine

Pour Landauer, la possibilité d’une société libertaire repose sur l’existence ou l’absence de l’Esprit. Il considère le Moyen Age comme l’époque de l’Esprit (décadence des peuples occidentaux depuis la découverte de l’Amérique).

Dans son Aufruf, Landauer écrit que, au cours de l’histoire humaine, il a toujours fallu que l’Esprit, la tendance naturelle à la communauté humaine, s’exprime sous des formes extérieures : d’abord les images et les symboles religieux, puis les cultes, croyances, préceptes. L’Esprit (Geist) s’est mêlé à l’Impur (Ungeist). Ce processus d’extériorisation a donné naissance aux dogmes, à l’autoritarisme et, finalement, à la contrainte extérieure organisée : églises, Etats, etc. [que nous avons de plus en plus intériorisée]

En conséquence, Landauer ne prône pas un retour aux anciens symboles ou à la superstition religieuse. Reste la question de savoir comment on peut créer cet esprit nouveau, cette communauté d’égaux. Landauer en vient à poser le problème essentiel de la société post-révolutionnaire : « Ils ont conscience que les hommes sont frères ; mais ils croient qu’ils le seront naturellement quand auront disparu toutes les entraves et toutes les formes d’oppression » (écrit-il à propos de la naïveté de certains de ses contemporains – cité par T. Hinz, Mystik und Anarchie – Meister Eckhart und seine Bedeutung im Denken Gustav Landauers, Berlin, K. Kramer, 2000, p. 26). Les différends entre les hommes, entre les groupes ne cesseront jamais ; nous devons aspirer à un ordre nouveau dans lequel les conflits isolés ne pourront s’étendre à des entités plus vastes ni servir à justifier la création d’un pouvoir centralisé (M. Buber).

[Kellermann renvoie ici à Foucault qui distingue clairement le processus de libération des pratiques de la liberté dans la société post-révolutionnaire (qui peuvent être totalement opposés). Il faut donc chercher à définir dès maintenant la base commune sur laquelle reposera la société post-révolutionnaire, si on ne veut pas répéter les erreurs du passé]

 

Stratégie

Landauer oppose à l’attentisme marxiste l’action immédiate. Car « ce que nous ne faisons pas maintenant, dans l’instant, nous ne le faisons point » (Aufruf, p. 140). L’action immédiate, c’est la « sortie » du capitalisme et de l’Etat. 

Tous ceux qui veulent le socialisme sont invités à se rassembler et à fonder des « colonies ». Landauer est parfaitement conscient du caractère provisoire et limité de ces associations : il n’y voit nullement la réalisation du socialisme, mais un début, une voie, une quête. De même, pour lui, la « sortie » ne signifie pas retrait du monde. Il s’agit, au contraire, de prêcher par l’exemple. La stratégie de Landauer repose sur la non-violence et la foi dans la force de l’exemple (car « rien en ce monde ne possède un pouvoir de persuasion aussi irrésistible que le Bien » - Aufruf, p. 13).

 

Conclusion

Landauer a le mérite de souligner l’importance de la lutte pour conquérir des espaces autonomes et de montrer que l’on ne saurait se contenter de la fameuse formule d’Adorno, qui a soulagé bien des consciences : « Il n’y a pas de vie juste dans la vie fausse ».

Les perspectives concrètes qu’il propose sont sans doute moins importantes que l’ouverture d’esprit avec laquelle il envisage la voie au socialisme : « Le socialisme en tant que réalité ne s’apprend que par l’expérimentation ; le socialisme, comme toute vie, est une tentative ». (Aufruf, p. 139).



Résumé de l’article de Philippe Kellermann, « Vom Geist und geistlosen Zuständen. Ein Versuch über den Anarchisten Gustav Landauer », in: Grundrisse. Zeitschrift für linke Theorie & Debatte, Vienne (Autriche), n°17, printemps 2006, p. 5–11.
http://www.grundrisse.net/ [postmarxiste, proche de "Multitudes"]

 

 

Ecrit par Bel-Air, à 23:05 dans la rubrique "Pour comprendre".



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