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Les premières traces de colonies d’abeilles anéanties brutalement remontent au XIXe siècle. Mais la situation actuelle présente des caractéristiques particulières. Phénomène planétaire, la disparition des abeilles est spectaculaire : du jour au lendemain la ruche se vide et l’on ne retrouve que peu ou pas de cadavre.
Ce syndrome d’effondrement des colonies est caractérisé par une absence d’ouvrières, seules restent la Reine qui continue de pondre et quelques jeunes abeilles.
Les rares adultes encore présents sont infestés par différents virus pathogènes et des champignons. Le couvain (ensemble comprenant les larves, les pupes, et les œufs) est bien fermé et il subsiste des stocks de nourriture (miel et pollen). Curieusement, ils ne sont pas pillés par les autres abeilles et ne sont attaqués que très tardivement par les parasites.
Dans les ruches sur le point de s’effondrer, on observe que les ouvrières sont de jeunes adultes, leur nombre ne suffit plus à soigner le couvain et l’essaim refuse de consommer la nourriture apportée (sirop de maïs ou autres suppléments).
Que se passe-t-il donc ? On évoque des abeilles affaiblies dans un environnement défavorable.
En France, en 1993, les apiculteurs constatent une baisse importante de la production de miel. Ils pointent du doigt l’utilisation du Gaucho, insecticide utilisé en enrobage des semences. Celui-ci est interdit, comme l’est le Régent un peu plus tard. Mais les industries chimiques ne sont pas à court d’idées : c’est maintenant le Cruiser qui fait des ravages. Gaucho, Régent, Cruiser sont des produits " systémiques" : la substance active pénètre dans la plante et se diffuse par la sève, elle peut migrer vers les pollens et nectars.
Une partie de la communauté scientifique estime aussi que les abeilles sont progressivement intoxiquées et affaiblies par différents autres insecticides.
Les abeilles sont aussi victimes d’agents naturels tels que des parasites appartenant à la famille des acariens. Elles subissent de redoutables propagations de champignons et sont affrontées à des insectes prédateurs (coléoptères, frelons asiatiques). Enfin les modifications environnementales et climatiques leur sont défavorables :
La monoculture intensive sur des centaines d’hectares, la raréfaction des fleurs des champs et des cultures de légumineuses (trèfle, luzerne...), l’entretien intensif des bords de route : ces pratiques appliquées à grande échelle convergent vers la création d’un environnement défavorable aux pollinisateurs. Enfin, un changement climatique entraînant des sécheresses et des hivers plus doux affaiblirait les abeilles : elles sortiraient trop tôt de la ruche et souffriraient du manque de pollens disponibles.
C’est alors que s’installe un cercle vicieux : moins de plantes à fleurs amenuise les variétés de pollinisateurs ce qui accentue davantage la raréfaction des plantes. Une récente étude anglo-hollandaise (2006) montre le déclin parallèle des populations de pollinisateurs et des plantes à pollen au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, sans préciser si ce sont les plantes ou les insectes qui disparaissent en premier. En Chine, dans la province du Sichuan, des producteurs en sont réduits à fertiliser les fleurs de poiriers à la main, les pollinisateurs et les plantes à pollens de la région ayant été détruits par une utilisation incontrôlée de produits chimiques
A l’échelle mondiale, la pollinisation des cultures est estimée à 153 milliards d’euros. L’enjeu est aussi économique qu’écologique, les pollinisateurs indispensables à la nature toute entière.