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Lu sur Libération : C’est le «cri de colère, de douleur et d’alerte», qu’ont signé la semaine dernière quarante-six détenues de la maison d’arrêt des femmes de Fresnes (Val-de-Marne). Une démarche rarissime, ne serait-ce qu’en raison des difficultés pratiques pour pouvoir s’organiser collectivement et faire passer un tel message à l’extérieur.
A l’origine de cette mobilisation, la mort de Lucilia, 28 ans, le 18 janvier. Depuis plusieurs mois, «Lu se plaignait de maux de tête, de nausées, de vertiges», dit la lettre. «Elle en faisait part au service médical en recevant comme seule réponse du Doliprane.» «Ses douleurs étaient tellement fortes qu’elle ne pouvait plus bouger», témoigne Stéphanie, une ancienne détenue qui a partagé la cellule de Lucilia, avant d’être libérée en septembre. «A de nombreuses reprises, je l’ai aidée à écrire des mots pour demander un rendez-vous avec un médecin et un scanner. Mais à chaque fois, l’infirmière lui disait : "Arrête ton cinéma."»
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«La prison tue.»
C’est le «cri de colère, de douleur et d’alerte», qu’ont signé la semaine dernière quarante-six détenues de la maison d’arrêt des femmes de Fresnes (Val-de-Marne). Une démarche rarissime, ne serait-ce qu’en raison des difficultés pratiques pour pouvoir s’organiser collectivement et faire passer un tel message à l’extérieur.A l’origine de cette mobilisation, la mort de Lucilia, 28 ans, le 18 janvier. Depuis plusieurs mois, «Lu se plaignait de maux de tête, de nausées, de vertiges», dit la lettre. «Elle en faisait part au service médical en recevant comme seule réponse du Doliprane.» «Ses douleurs étaient tellement fortes qu’elle ne pouvait plus bouger», témoigne Stéphanie, une ancienne détenue qui a partagé la cellule de Lucilia, avant d’être libérée en septembre. «A de nombreuses reprises, je l’ai aidée à écrire des mots pour demander un rendez-vous avec un médecin et un scanner. Mais à chaque fois, l’infirmière lui disait : "Arrête ton cinéma."»
Lu, pourtant, n’était «pas du genre à se plaindre», raconte Carole, elle aussi ancienne détenue libérée au mois de novembre. «C’était une jeune femme dynamique, positive, toujours souriante. Quand j’ai appris son décès, je me suis souvenu de toutes les fois où on avait essayé d’alerter le service médical. Ils l’ont laissée mourir.»
Lettre collective. Dans les semaines précédant sa mort, Lucilia s’est évanouie plusieurs fois : en cours de français, en poussant les chariots de la distribution des repas. «Elle se sentait de plus en plus malade, explique la lettre collective des détenues. Tout le monde le voyait, le personnel pénitentiaire, l’infirmière, les médecins.»
Dans la nuit du 17 au 18 janvier, à 4 heures du matin, la détenue qui partage sa cellule avec Lucilia appelle une surveillante. La jeune femme pleure et se tord de douleur. La surveillante répond qu’il faut attendre le matin. A 7 heures, Lucilia ne peut plus se lever. Elle demande à être transportée à l’hôpital pénitentiaire, qui se trouve juste à côté de la maison d’arrêt des femmes. Sa codétenue réclame l’intervention de l’infirmière. Les surveillantes répondent que l’infirmière est prévenue.
A 11 heures, Lucilia ne peut plus bouger la main. L’infirmière n’est toujours pas passée. Sa codétenue appelle encore une fois. A midi, Lucilia perd conscience, ne répond plus. Sa codétenue hurle et l’infirmière intervient enfin. Les secours arrivent à 13 heures. Lucilia est admise en réanimation à l’hôpital Saint-Louis à 15 heures.
«Les médecins m’ont expliqué qu’elle avait fait un arrêt cardiaque, raconte sa sœur, Vania. Et que cet arrêt a duré trop longtemps avant qu’on la réanime. Ils m’ont dit que c’était perdu, que son cerveau était trop endommagé.» Une autopsie a été réalisée, dont les résultats n’ont toujours pas été transmis à la famille. «Elle a passé une nuit entière à appeler à l’aide, dit Vania. Si elle est morte, ce n’est pas la fatalité, c’est simplement parce qu’ils s’en fichent.»
Plusieurs témoignages recueillis auprès de familles et proches de détenues font état de «graves défaillances» du système de soins à la maison d’arrêt pour femmes. Des pathologies «qui ne sont pas soignées», un secret médical qui n’est «pas respecté». «L’infirmière qui annonce à une femme devant tout le monde qu’elle a la syphilis, qui parle à la cantonade du sida d’une autre», détaille Yasmine, ex-détenue sortie en octobre.
Interrogé hier par téléphone, Didier Cazejust, le directeur du CHU du Kremlin-Bicêtre, auquel est rattaché le personnel de santé de Fresnes, promet qu’il va tout faire pour «en savoir plus» et «comprendre ce qui s’est passé». A la direction de l’administration pénitentiaire, on explique que l’on «suit avec attention» la situation, mais «sans s’alarmer» : «L’émotion suite à un décès en détention est compréhensible et habituelle.»
Casseroles. Après avoir appris la mort de Lucilia, qui leur a été annoncée quatre jours après, le 22 janvier, les détenues de Fresnes ont manifesté leur révolte «avec un concert de casseroles tapées sur les barreaux et les portes», raconte leur lettre. Elles ont également refusé collectivement de s’alimenter, dimanche dernier. D’après plusieurs sources, des sanctions (privation de travail, fouille de cellule, commission de discipline) seraient tombées sur les détenues soupçonnées d’avoir transmis des informations à l’extérieur.
Lucilia était en détention préventive depuis mai, en attente de son jugement pour avoir servi de «mule» dans un transport de drogue. «Il y a beaucoup de filles dans ce cas-là, à Fresnes, dit Yasmine. En général, elles prennent deux à trois ans. Lucilia était une détenue modèle, elle aurait pu sortir assez vite en conditionnelle, et retrouver son fils.»
Une enquête sur les conditions de son décès a été ouverte par le parquet de Créteil. Alertée par l’Observatoire international des prisons, qui a également prévenu les autorités sanitaires et judiciaires, la sénatrice communiste Nicole Borvo a saisi hier la Commission nationale de déontologie et de sécurité. L’enterrement de Lucilia est prévu samedi.