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Vers un état inaltéré?
Lu sur le blogue de Cybersolidaires : "Depuis Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir(1949), les femmes se sont positionnées en tant que sujet. Le féminisme post-moderniste tente d'aller au-delà en se questionnant non seulement sur le genre mais aussi sur l'identité, ce que les perspectives queers permettent de transcender. Dans Vers un état inaltéré, Marie-Ange Cossette-Trudel pose le développement de ces perspectives comme étant le nouveau souffle du féminisme.

D'après elle, l'important n'est pas de se questionner sur le pourquoi de l'oppression d'un groupe par un autre, mais sur le comment ce mécanisme d'oppression s'opère, sur sa fonction et sur ce qui le maintient. Pour les queers, la réponse est claire : la division binaire de notre société est la source des conflits et difficultés des rapports sociaux. Être queer (qu'on peut traduire à la fois par travers, sale pédé, sale gouine, pervers, bizarre, étrange, insolite, excentrique, louche, singulier, drôle, loufoque…), c'est se demander de quelle manière on pourrait penser autrement, sans catégories homme-femme, hétéro-homo, bien-mal, vrai-faux, Orient-Occident, etc.

La vision binaire de notre société place les hommes et les femmes dans deux catégories distinctes qui entraînent une hiérarchisation. Dès sa naissance, l'individu est restreint à l'une de ces deux catégories. Il est défini, limité, orienté selon les normes et idéaux de la société dans laquelle il vit. Il est non seulement localisé mais contrôlé sur la base de son appartenance sociosexuelle. Ainsi se définir en tant que femme ou en tant qu'homme, c'est consentir à la vision essentialiste et naturaliste de notre histoire. Le seul moyen de contrer ce dispositif de régulation est d'abolir toute catégorisation binaire.

Être queer, c'est accepter et assumer une identité sans essence, ce qui ne signifie pas l'absence d'identité, mais le retrait de l'ascendant relié à l'identité historiquement construite selon une catégorisation binaire. Cette position apolitique est en soi un geste politique, une prise de position face aux règles qui régissent notre société. Si nous naissons avec un potentiel polymorphe et que la seule raison de coller une identité à un être humain est un outil de contrôle social, pourquoi maintenir ce processus identitaire qui est la racine de l'oppression?

Cette déconstruction identitaire peut sembler familière à l'approche anarchiste. Cependant, cette dernière suggère une alternative qui pourrait potentiellement définir une nouvelle forme d'institutionnalisation. En effet, le pouvoir est toujours présent. Le convoiter autrement ne constitue qu'une transfiguration de celui-ci. Or, lorsque l'essence des identités est retirée, le pouvoir se dilue. Il se prononce partout et nulle part. En retirant l'importance des catégorisations, le désir de convoitise du pouvoir perd son sens. C'est l'équilibre du pouvoir. Plus encore, c'est l'ouverture à l'infini des possibilités puisque la catégorisation et les différentes formes de pouvoirs qui s'y rattachent n'ont plus d'emprise.

Les perspectives queers obligent à repenser les présupposés de notre structure sociétale afin de se dégager de tout "sens commun", c'est-à-dire de faire abstraction de nos constructions identitaires afin de penser le monde autrement. Pour faire partie d'une collectivité quelconque, il faut s'identifier à cette collectivité. Toutefois, cette affirmation ne tient plus dès qu'il y a non-reconnaisance de la catégorisation binaire. Dans cette perspective, il faut cesser de répondre par l'identification déterminée, ce qui nous permettra d'agir autrement. Le non-positionnement du sujet semble pouvoir prendre la forme d'une action dans un objectif d'émancipation.

Mais qu'en est-il par exemple des mesures de discrimination positive qui permettent la valorisation de catégories dites opprimées? Ces mesures coercitives donnent effectivement des résultats concrets. Néanmoins, "il est difficile de justifier la parité sans faire appel à une vision bisexuée de l'humanité". À long terme, cette stratégie atteindra ses propres limites et le problème de la hiérarchisation se réincarnera de façon plus pernicieuse, car la discrimination positive ne fait que renforcer le processus identitaire qu'elle tente de conjurer.

Le concept du sentiment d'appartenance implique une reconnaissance et une acceptation de l'identité. Pour ressentir l'appartenance, il faut une identification préalable. Nous devons d'abord ressentir une identité, une ressemblance, une similitude par rapport à un groupe quelconque. Le fait d'être semblables donne aux individus le sentiment d'appartenir à cette collectivité. Par contre, le fait d'être semblable ne signifie pas toujours qu'il y a un sentiment d'appartenance. Cette similitude doit s'inscrire dans une hiérarchie de valeurs propre à chacun.

Prenons l'exemple d'un travesti pour qui "être un homme" est moins significatif qu'"être une femme". Malgré que son sexe biologique soit relié à la catégorie homme, cette identité est de moindre importance que son identité de genre, c'est à dire femme. Ainsi, le sentiment d'appartenance dépend de deux facteurs : l'identité (la similitude ressentie) et les valeurs (la hiérarchie accordée). De la même façon, le fait d'être femme ne suppose rien en soi. Cela indique seulement une similitude. Avec l'avènement du féminisme, il y a eu problématisation de la situation des femmes, ce qui a fait naître un sentiment d'appartenance qui à son tour a engendré des actions sociales, politiques et économiques. L'identité féminine n'est que le point de départ du processus de revendication, alors que le sentiment d'appartenance à ce groupe est à la base du mouvement même.

Mais pourquoi sommes-nous si attachés à certaines de nos identités? Probablement parce qu'elles nous permettent une certaine emprise sur le social. Dans un monde de plus en plus séculier, juxtaposé à l'individualisme, l'identité fait foi de Dieu, le Moi est souverain. L'appartenance devient une forme de tradition. L'Histoire est alors primordiale, car c'est sur elle que repose la construction de notre identité.

Par exemple, "être Québécoise", c'est reconnaître l'Histoire du peuple dit québécois. En faisant éclater les identités à la base des oppressions, ne tue-t-on pas l'Histoire du même coup? Ce qui pose véritablement problème, c'est la notion conservatrice et romantique de la tradition. Ce conservatisme est en soi extrêmement réducteur, car dès que l'on ne fait pas partie de l'Histoire et des traditions, on ne peut réclamer l'identité rattachée à cette tradition. La spécificité québécoise est alors constituée du passé et non du présent et donc source d'incapacité d'émancipation. Le fait d'être féministe peut également être vécu en rapport à une certaine tradition qui peut comporter certains risques. Être féministe et être Québécoise doivent donc subir une reconceptualisation importante pour permettre une nouvelle dynamique qui rendrait compte de la complexité de la situation actuelle, soit être une femme en 2005.

En tentant de réconcilier les perspectives queers avec l'action politique, nous sommes dans l'obligation de nous tourner vers l'avenir, d'oublier la tradition et l'Histoire pour réclamer une spécificité propre au moment présent qui ne s'élabore pas sur des assises identitaires. En d'autres termes, une fois l'identité éclatée, le sentiment d'appartenance n'est plus nécessaire. L'identité sexuelle, de genre et de désir devrait se muter en une multitude d'identités sur lesquelles il serait impossible de fonder une hiérarchisation et un sentiment d'appartenance. Il ne s'agit pas de faire disparaître complètement l'identité mais de lui retirer sa valeur et la portée qu'on lui a accordé jusqu'ici. Cette conception théorique soulève la possibilité de réconcilier la revendication d'une identité sans essence avec le politique, c'est-à-dire un positionnement identitaire qui ne se fonde pas dans une perspective hétéro-référentielle, mais bien auto-référentielle.

Pour que le concept de l'identité ne privilégie pas la classe dominante, il faut créer un espace pour le déploiement d'une multitude d'identités. Dès lors où la catégorisation binaire fait place à une seule catégorie inclusive de toute identité, nous ne pouvons plus parler en terme de catégories. Ainsi, se positionner politiquement ne pose plus problème puisque ce positionnement ne se fonde pas sur une identité issue d'une catégorisation. De plus, dans cet "état inaltéré", le pouvoir existe, mais ne peut prendre la forme d'un ascendant sur l'identité; il ne peut donc pas être instrumentalisé. Avec la démultiplication de l'identité, le sentiment d'appartenance change de signification. Il vit à l'intérieur de chaque être en se fondant dans le présent plutôt que dans le passé.

Le bilan des acquis propres au féminisme post-moderniste permet de concevoir les gestes à ne plus poser parce qu'inadéquats pour l'époque actuelle. Il suggère également des pistes à explorer, dont les perspectives queers qui amènent un nouveau souffle, une vision du monde autre, un concept nouveau, celui de la liberté identitaire, c'est-à-dire une liberté polymorphe. Cette liberté ne se définit pas par les libertés individuelles ni même collectives, mais bien par une liberté immanente nécessaire avec l'émancipation de l'être.

Pages reliées :
Forum sur la 3e vague féministe
Judith Butler : L’écume des genres - Faire et défaire le genre
Le paradigme de l’oppression : la division des femmes (pdf), Martine Schutz Samson, 2002
Les Panthères roses de Montréal : Politically Erect, 31.08.2005
Judy Rebick : Quand le féminisme change de visage, 22.12.2004
Regards croisés sur la "Queer theory", Elisa Jandon, 2004
Féminismes, queer, multitudes, Multitudes, printemps 2003
Queer : repenser les identités, Revue Rue Descartes no 40
Queer zones : potitiques des identités sexuelles, des représentations et des savoirs, Marie-Hélène Bourcier
Queer Theory

Ecrit par libertad, à 22:55 dans la rubrique "Le privé est politique".



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