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L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





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TGV Lyon-Turin : de la libération de Venaus aux intrigues de la politique
Lu sur Indymédia Grenoble : "Le texte suivant, traduit de l'italien, raconte l'ambiance dans la vallée de Suse entre deux moments importants de la lutte contre le TGV ("TAV" en italien) Lyon-Turin.

Quelques éléments de contexte :

- le 6 décembre 2005, la police évacue violemment le terrain de Venaus, où est censé démarrer le percement du premier tunnel du TGV Lyon-Turin, et qui était occupé par un campement d'opposant-e-s depuis une semaine. Des actions spontanées de protestation éclatent le jour même dans toute la vallée et dans d'autres grandes villes italiennes.

- le 8 décembre 2005 une manifestation de plusieurs dizaines de milliers de personnes aboutit à la réoccupation du terrain de Venaus, l'espace de quelques heures.

- le 10 décembre 2005, le gouvernement italien convoque les maires de la vallée, opposés au TAV, pour négocier. Il n'obtient pas leur signature mais semble les avoir convaincus de la nécessité d'une "trêve hivernale" dans la lutte.

- Le 11 et le 12 décembre, le leader des maires, Ferrentino (parti DS, centre gauche) propose aux assemblées populaires NO TAV de renoncer à la manifestation du 17 décembre à Turin, par peur de violences. Sans succès. Il se rabattra sur l'organisation, avec d'autres maires, d'une "kermesse culturelle" NO TAV dans un parc de la banlieue turinoise.

- Le 17 décembre, une manifestation calme et massive (50.000 personnes) traverse Turin et rejoint le parc de la Pellerina pour la kermesse culturelle.

-----

(...)
LA RECONQUÊTE DE VENAUS



Suse, premières heures du jour. L'air est piquant mais il ne neige pas encore. L'autoroute est plus fréquentée que d'habitude, mais pas par les touristes, même si tout le monde, en arrivant à Suse, met des grosses chaussures et se couvre comme pour une randonnée hivernale. Quand nous arrivons la marche a déjà démarré d'un bon pas vers Venaus, le long des virages de la nationale 25. C'est le peuple No Tav, ce sont les gens du Val de Suse, et les nombreuses personnes accourues de l'extérieur en solidarité. Il y a des gens de tous les âges, des dizaines d'enfants même tout petits, à pied ou en poussette : on dirait presque une promenade, mais tout le monde sait que ce n'en sera pas une. Trois nuits plus tôt la furie de la police s'est déchaînée sur le campement No Tav, blessant tant de corps et piétinant la dignité de tous et de toutes. Un vent baveux amène l'odeur âcre des lacrymogènes : il y a eu une charge de police là-haut, aux Passeggeri, le croisement où bifurque la départementale pour Venaus, que depuis maintenant des semaines seul-e-s les résident-e-s et les hommes en bleu peuvent emprunter. Je rencontre une connaissance, un type qui travaille par chez moi et que je retrouve souvent au bar. C'est un homme plus très jeune, à l'aspect doux, il paraît très remué. "Ils nous en ont donné des coups, qu'est-ce qu'ils ont pu nous en donner. Ils nous ont carrément cartonné." Et il montre une main gonflée. Quand nous arrivons au croisement nous voyons les flics en rang. Le cortège monte sur la nationale en dépassant le blocage de la police, pendant qu'il commence à neiger abondamment. La police laisse faire : elle pense probablement que nous nous contenterons d'occuper l'autoroute, dont une entrée se trouve un peu plus haut. L'autoroute est brièvement bloquée mais le gros du cortège continue sur la nationale. Mon souffle est de plus en plus court. Un jeune à côté de moi charge un enfant plus petit sur ses épaules, et des ancien-ne-s passent lestement devant : j'ai un peu honte de ma faiblesse. On arrive ensuite sur un sentier large mais plein de neige, de glace et de boue, et on commence à descendre la montagne. D'autres emprunteront une route qui passe plus haut, d'autres encore contourneront les flics en passant par les maisons et en dépassant la corniche rocheuse aux Passeggeri. Toute la montagne se remplit de gens qui, lentement, descendent. Au départ de Suse, selon les estimations des organisateurs/ices nous devions être 50 000. C'est un fleuve humain qui dévale la montagne. Comme des indiens nous avons cerné la police : nous la voyons d'en haut se mettre en rangs. Une femme à côté de moi met la main à la bouche et lance le cri de guerre : en un instant toute la montagne résonne. Quelqu'un entonne Bella Ciao et tout le monde se sent partisan. Je ne ressens plus la fatigue. Nous arrivons au terrain occupé par les flics, l'endroit où ils veulent planter le chantier : je vois une nuée de personnes qui abattent les barrières et envahissent le terrain. Il paraît que les carabiniers ont tiré des lacrymos juste avant, puis ont pris leurs jambes à leur cou. Pendant qu'au fond du chantier il y a encore du mouvement, beaucoup de gens gagnent un rocher et sortent les sandwichs.

Venaus a été libérée et il est l'heure de manger. Comme à chaque fois que je viens dans la vallée, depuis des années, je m'étonne de tant de sérénité.



LE JOUR SUIVANT



La police se retire graduellement de la vallée : les blocages disparaissent et les contrôles se rarifient. L'agitation laisse la place au calme. Les médias criminalisent les manifestant-e-s, bien que les seul-e-s véritables blessé-e-s aient été des nôtres.



La convocation du gouvernement arrive, c'est le premier signe que la politique du bâton est mise en sourdine pour tenter une médiation. Désormais le Val de Suse est devenu un problème national : la manifestation annoncée pour le 17 à Turin pourrait sérieusement mettre en difficulté le lobby taviste et ses parrains politiques. Sans parler du risque de boycott des Jeux Olympiques. Il faut un tampon et vite. Le gâteau TAV est trop succulent pour courir le risque de se retrouver avec un nouveau Scanzano, quand la Résistance des gens avait bloqué trois semaines durant toutes les voies de communication de la Lucanie, obligeant le gouvernement à céder en renonçant au projet d'y implanter la plus grande décharge nucléaire d'Europe.



Samedi à Turin, des centaines de personnes convergent à un congrès sur le TAV à la bourse du travail. Les engrenages de la politique se mettent en route. Des indiscrétions filtrent toute la journée durant sur les résultats de la rencontre romaine entre le gouvernement et les maires : dans la soirée un bruit court les couloirs préalpins, selon lequel le fin mot de la réunion serait négatif.



Dimanche on apprend que la magistrature a décidé de placer sous séquestre les terrains de Venaus et que des inculpations sont sur le point de tomber pour "dévastation et saccage".



L'ASSEMBLEE DE BUSSOLENO



A l'assemblée de l'après-midi de Bussoleno circule le texte de la proposition signée par le gouvernement, les représentants des chemins de fer italiens, ainsi que par le maire de Turin, Chiamparino, et la présidente de la région Piémont, Bresso.



Le texte distribué est tout de suite pris pour ce qu'il est : un dangereux piège. Le gouvernement gagne du temps, en proposant la mise en place de la VIA (Evaluation d'impact environnemental) sous forme extraordinaire, sachant que la loi Objectif, une loi spéciale écrite exprès pour les grands travaux, prévoit que cette procédure, normalement prélalable à tout chantier, soit menée sous forme simplifiée, sans tenir compte de l'avis des communautés locales. Dans le même temps, il offre aux maires une place dans la tour de contrôle et attribue le site de Venaus à la LTF. En somme, rien. Un rien confirmé par les diverses déclarations des politicien-ne-s qui répètent qu'il faut du temps pour convaincre les gens de la nécessité de réaliser ligne à grande vitesse. Il est également spécifié dans le texte qu'on ne peut effectuer aucun travail de percement d'ici la fin de la VIA. Rien à dire, un beau résultat, vu que la mise en place d'un chantier prend des mois et que donc le percement en soi ne pourrait de toute façon commencer tout de suite !



Le TAV se fera de toutes façons : le seul problème, c'est de tenir tranquilles jusqu'à la fin des olympiades (et des élections) ces fous de valsusain-e-s qui même à coups de bâtons ne se laissent pas convaincre. Donc d'un côté le gouvernement offre la trêve et une table de négociations, tandis que de l'autre le juge Laudi (eh oui toujours lui) accorde de fait le chantier à la LTF, et s'apprête à signer les poursuites judiciaires.



L'assemblée exprime sa satisfaction pour la non-signature de l'accord par les maires, et lance le slogan de la vallée "Sarà dura". Mais l'enthousiasme est de courte durée. Ferrentino dans son intervention juge inacceptable la proposition gouvernementale, mais se dit satisfait de l'ouverture du dialogue et annonce son intention d'annuler la manifestation du 17. Sa demande obsessionnelle et répétée de marques de confiance, associée à la peur qu'on puisse le soupçonner de s'être ramolli après son voyage à Rome, est pénible. Le président de la communauté de communes, conscient que sa position n'est pas partagée, cherche la maintien de son leadership.



L'assemblée se poursuit pendant plus de 4 heures. La majeure partie des interventions, bien que nuancées, insistent sur la nécessité de rejeter la porposition d'accord du gouvernement, en relançant l'initiative No Tav sur le territoire à partir de la manifestation du 17 à Turin, propositions accueillies avec enthousiasme dans l'assemblée.



Les orateurs/ices sont syndicalites (Cub, Cobas, Fiom), politiques (Rifondazione, Verts, anarchistes de diverses tendances), représentant-e-s de la vaste galaxie associative écologiste, activistes des comités No Tav - dont l'une, Nicoletta, porte imprimés sur le visage les signes des coups de matraque de jeudi.



L'assemblée se conclut par un nul. Les comités No Tav, certain-e-s représentant-e-s syndicales/aux et politiques confirment la manifestation à Turin le 17 décembre. Le jour suivant à l'assemblée convoquée par les comités, la volonté de descendre dans la rue est unanime, malgré les maires et malgré l'invocation depuis Turin par Chiamparino d'une interdiction de manifester.



A ce moment-là, le pari est clair : donner vie à un cortège large et communicatif qui maintienne ouverte la seule table de négociations utile : la lutte populaire autogérée. Quel qu'en soit le résultat, une étape importante a été atteinte : le mouvement a prouvé sa maturité et son autonomie, sa conscience des pièges de la politique et sa capacité de les éluder. Le goût de la liberté conquise sur les champs de Venaus est désormais irrémédiable.



Sarà dura !



Maria Matteo


(Extraits d'un texte paru le 18 décembre dans le quotidien anarchiste italien Umanità Nova. L'original n'était pas féminisé. Pour lire le texte en entier et en italien :
http://www.ecn.org/uenne/archivio/archivio2005/un41/art4014.html)
Ecrit par libertad, à 22:47 dans la rubrique "Actualité".



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