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La politique parisienne
--> Bas les masques !
LE COMITÉ INTERNATIONAL OLYMPIQUE en choisissant de confier à Londres l'organisation des jeux en 2012 a démasqué aux yeux de tous la vacuité du projet politique de la ville de Paris. Du coup, l'équipe municipale doit affronter la réalité de son bilan. Le roi est nu. Mais après les incendies du XIIIe et IIIe arrondissements de Paris qui, un mois plus tard, ont fait au total 24 morts, les fondements de sa politique se donnent pour ce qu'ils sont, à savoir le produit d'une idéologie de la classe moyenne. En y regardant de plus près, sa lisibilité est étonnamment limpide. Voyons plutôt.
Le jeudi 5 octobre 2005, Bertrand Delanoë, poussé dans ses derniers retranchements par des contradicteurs lors d'une réunion publique organisée dans le cadre de sa tournée annuelle dans les arrondissements de la ville de Paris, a laissé échapper le fond de sa pensée. Ce fut une sorte de cri du coeur ! Et, ce faisant, il a porté un éclairage empreint de sincérité sur les valeurs qui fondent la politique de son équipe.

Au gymnase Jean-Jaurès (Paris XIXe), alors qu'il était interpellé par des collectifs d'habitants récemment expulsés par la force de leur logement et par des particuliers qui le sommaient de s'expliquer sur la question du logement, il a répondu aux familles évacuées une semaine plus tôt d'un immeuble de la rue jean-Jaurès, et qui avaient tout d'abord été hébergées dans ce gymnase puis délogées le mardi 3 octobre: « Si vous n'êtes pas contents, sortez. » Plaisante délicatesse! Pour qui a pu lire dans le numéro 16 du mois d'octobre de la revue À Paris (le magazine d'information de la ville de Paris), cette soudaine saillie avait une saveur singulière dont il goûtera le cynisme à l'aune de la prose émolliente qui s'étale à longueur de colonnes dans son dossier intitulé « Face à la crise du logement ». Par la suite, lorsqu'un des participants s'est exclamé: « Je suis agent de la ville de Paris, SDF, et ma femme est enceinte. Je veux voir le. maire pour avoir un logement, j'ai envoyé trois courriers », le service de sécurité du maire a enfin trouvé un geste politique digne de l'actuelle équipe municipale. Ils ont su faire taire l'indécent. Finalement, Bertrand Delanoë a mis fin au débat en déclarant: « Je suis la majorité! », comme en d'autres temps un souverain s'était exclamé: « L'État, c'est moi! »'
« Le premier magistrat de la ville » allant à la rencontre d'habitants qui auraient dû se tenir cois, émerveillés qu'ils sont .censés être lorsque leurs élus daignent enfin venir perdre leur temps à leur expliquer ce qu'ils doivent penser, venait de sommer ceux qu'il « représente » de s'en aller, pour que lui qui les « représente » puisse rester. C'est en effet tout le sel de cette situation. Elle délivre un message édifiant qui permet de comprendre leur conception de la démocratie. Elle se résume en une admirable injonction. Votez et taisez-vous!
On le sait, mais il est toujours plaisant de voir à quel point le cynisme des hommes de pouvoir étend ses libéralités sans aucune pudeur ni retenue.
Une sorte d'ironie amère voulut que le lendemain, le 6 octobre, une rafle soit organisée dans la station de métro Château-d'Eau, pratique devenue habituelle au cours de laquelle sont interpellés des sans-papiers. On nettoie Paris, sans que personne, et surtout pas les élus de gauche, bien sûr, ne trouve à redire. Car leur électorat, essentiellement les classes moyennes, veut une ville propre. Il suffira d'observer la pratique de la dérogation par rapport à la carte scolaire pour mettre en évidence la mentalité de ces jeunes cadres qui veulent bien reconstituer les cafés à l'ancienne mais ne veulent se mélanger qu'entre eux. Les interpellés comparurent le 12 octobre devant le tribunal de grande instance de Paris. Parmi les prévenus se trouvaient quatre Thaïlandaises, des ouvrières agricoles employées à Bergerac au ramassage de fraises où elles étaient royalement payées 300 euros par mois.
À la question du juge leur demandant combien d'heures elles travaillaient par jour, elles répondirent: < Quand il n'y a pas trop de travail, entre 8 à 10 heures par jour. »
Le contraste entre la péroraison méprisante d'un maire et la situation de ses pauvres filles qui ont hypothéqué leur maison , pour pouvoir venir travailler en France est si violent qu'on s'étonne que la politique comme spectacle puisse encore avoir quelque crédibilité aux yeux de quiconque est encore capable de soutenir un point de vue social.
L'enchaînement des événements n'est pas sans rappeler une petite anecdote (sic) qui passa totalement inaperçue. Le 26 avril 2003, le 9e Collectif des sans-papiers occupa le Théâtre de la Ville (propriété de la mairie de Paris). Il dénonçait les rafles et la politique répressive qui, déjà à l'époque, avaient été mises en place par Nicolas Sarkozy. Les occupants voulaient que M. Bertrand Delanoë intervienne auprès du préfet, espérant ainsi que la situation des sans-papiers vivant à Paris serait reconsidérée. On rappellera simplement au passage que la majorité d'entre eux vivaient et travaillaient dans la capitale depuis quinze ans. Ils espéraient que le maire de Paris serait touché par leur situation dramatique, prendrait ses responsabilités et obtiendrait des autorités, au minimum, une humanisation dans le traitement du dossier. Peine perdue! Il n'eut même pas le courage de venir les rencontrer. Pendant ce temps, à l'extérieur, par une de ces coïncidences étranges, les Verts ignorant le projet du 9e Collectif - avaient organisé une manifestation à vélo pour sans doute défendre la création de pistes cyclables. Ils se trouvèrent donc fortuitement mêlés aux manifestants qui soutenaient l'action des sanspapiers. M. Yves Cantassot - adjoint au maire chargé des espaces verts - sur son petit vélo n'en fut pas plus ému que cela et pas le moins du monde troublé par l'énormité du contraste. Il refusa de se solidariser avec ces pauvres gens. Il préféra faire sa petite manif Seule, une militante écologiste, outrée, décida de ne pas suivre la petite cinquantaine de cyclistes. Ils partirent sans état d'âme, pédalant benoîtement derrière une voiture pie de la police nationale qui leur ouvrait la route.
Pendant ce temps, Christophe Girard (maire adjoint chargé de la culture et, à l'époque, élu Vert) et le directeur du théâtre, Gérard Violette, bien que les occupants aient précisé qu'ils n'avaient aucunement l'intention d'empêcher la représentation, envoyèrent les CRS réprimer à coup de gaz lacrymogène et de matraques la manifestation pourtant pacifiste. Christophe Girard s'était déjà illustré lors du mouvement de résistance des intermittents du spectacle en faisant démonstration de sa capacité à tenir un double langage. Car chez ces gens-là, monsieur, il y a ce qu'on déclare aux médias et les consignes que l'on passe à ses collaborateurs in petto.
Le maître d'oeuvre de Paris-plage et des Nuits blanches est un homme de son temps, il conçoit la politique comme un vaste spectacle qui lui permet de satisfaire ses ambitions; en ce sens, il est moderne et l'on doit saluer en lui un digne héritier du mitterrandisme. Ce n'est certainement pas le genre de personnage à se laisser troubler par quelques scrupules qui, tel le spectre d'une lointaine époque où il aurait eu des principes fondés sur des valeurs vaguement de gauche, le hanteraient. Beau parleur, beau gosse, bien mis de sa personne, son physique agréable et cette sorte de décontraction chic qu'il affecte en toute circonstance en font une figure représentative de l'évolution sociologique de Paris. Son goût pour le spectacle des valeurs plus que pour les valeurs elles mêmes crée un lien fort avec son électorat qui contemple en lui sa propre image idéalisée. Un Daniel Cohn-Bendit local en somme, mais qui aurait hérité de la suffisance et de l'arrogance d'un Bernard Kouchner.
Mais pour en revenir à notre sujet, il faut évoquer un troisième larron. On sait que son petit camarade, René Dutrey, président du groupe des Verts au conseil de Paris, dirige la SIEMP z il est donc en charge à ce titre de l'éradication de l'insalubrité dans la capitale. Le résultat est connu. Sous son impulsion, la ville de Paris détruit des taudis surpeuplés et construit des logements où l'on réclame aux postulants un salaire de plus de 1 800 euros net pour un F4. Autant dire qu'on est dans une logique de sélection sociale. Dans les faits, la SIEMP participe du grand nettoyage de Paris. Elle était propriétaire de deux immeubles qui ont brûlé à Paris ces derniers mois, en particulier rue de Pixérécourt en avril 2005 et rue du Roi-Doré dans la nuit du 29 au 30 août 2005. Il faut aussi rappeler que la mairie de Paris a récemment signé un accord avec l'État au terme duquel elle gère ses crédits du logement et peut à ce titre construire autant de logements qu'elle veut et y loger qui elle veut.
C'est pourquoi on ne peut s'empêcher d'admirer sa tartufferie lorsque, fin septembre 2005, il s'en est pris à jean-Yves Mano (adjoint socialiste au logement) l'accusant lors des délibérations du conseil de Paris de refuser d'agir contre les spéculateurs. D'ailleurs, dans une interview publiée dans le journal du dimanche, le 16 octobre 2005, il affirme clairement la couleur en déclarant « qu'il faut permettre aux classes moyennes de se loger à Paris ». Le bougre « présentera aussi un voeu 3 (sic) pour que Delanoë demande à l'OPAC de prendre le risque de se mettre dans l'illégalité en ouvrant son parc de logements aux sans papiers ». Il savait pertinemment que son voeu n'avait aucune chance de pouvoir se transformer en décision. Tout un art! Le petit jeu politicien qui pousse les Verts et le PS à jouer du coude, telles deux cocottes cabotinant devant un parterre d'amis; relève de la tragi-comédie, et le grotesque de la situation serait risible si par ailleurs on n'avait pas des hommes, des femmes et des enfants brûlés vifs, matraqués, gazés et finalement détenus dans des conditions dramatiques puis expulsés au mépris de la loi et des règles élémentaires qui, en principe, devraient régir les actes de l'État de droit dont le PS serait, dit-il, un adepte fervent. Et René Dutrey de poser - sans cravate bien sûr devant l'Hôtel de ville dans le journal du Dimanche. Cela s'appelle de la communication politique. Sans commentaires.
Et, pour mémoire, afin que le tableau soit complet, il convient de ne pas oublier l'occupation en janvier 2005 par le 9e Collectif des sans-papiers des locaux de la Fédération 93 du Parti socialiste et ses tragiques conséquences. Cette occupation visait une fois de plus à protester contre la politique répressive du gouvernement à l'égard des sans-papiers et dénonçait le silence complice du PS. Les occupants exigeaient ni plus ni moins le traitement des dossiers que la préfecture bloquait depuis des mois. Le député socialiste Bartolone refusa lui aussi de rencontrer les sans-papiers et a eu recours à l'intervention policière, après avoir laissé entendre qu'il était prêt à négocier. Les occupants de la Fédération 93 du PS ont donc été expulsés, à grands coups de gaz lacrymogène au moment même où les familles récupéraient leurs affaires.
Ces événements sont la traduction d'une idéologie. Elle s'enracine dans un humus sociologique bien connu. À Paris, la petite bourgeoisie s'est imposée comme classe dominante. Et c'est bien à ce titre que ce qui se passe dans la capitale présente un intérêt quelconque. Ses valeurs et ses représentations y sont à f oeuvre, agissent et opèrent dans les événements que nous venons de citer. Le mode de vie de cette classe, et avec lui les nécessaires conditions de sa reproduction, s'impose dans les gestes comme dans le discours et dans tous les compartiments de la pratique sociale. Ce processus idéologique - et l'équipe qui entoure le maire de Paris en est la digne représentante - a neutralisé tous les espaces susceptibles d'échapper à sa domination. Et lorsque la réalité fait irruption en venant dénoncer la supercherie, ils enragent. Le cri du coeur de Bertand Delanoë n'en est que la traduction explicite. La pénétration insidieuse de ce processus dans les méandres du social et du psychologique et sa reproduction via les nouvelles générations participent d'un fait social total. L'efficacité du mode de diffusion des valeurs de cette classe - la petite bourgeoisie - consacre sa domination; étant entendu qu'il serait vain de troubler la tournée du maire dès lors qu'on participe au grand bonheur d'appartenir à cette classe unique. D'aucuns nomment cela la modernité.
Un peu à la manière de la fameuse « mémoire de l'eau », chère aux adeptes de l'homéopathie, la politique n'est qu'un souvenir lointain dont nous n'avons aucune raison de croire qu'il puisse rester quelques traces dans les pratiques du PS et des Verts. De propos convenus en poncifs, faute de mieux en termes d'analyse, on voit des bonnes âmes renoncer à remettre en cause la logique mafieuse qui veut que l'on doit aimer son
protecteur.

Jean-Luc Debry

1. Louis XIV, le 13 avril 1655.
2.La SIEMMP, Société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris créée en 1956 par décision du conseil de Paris, pour gérer et entretenir des immeubles de la ville et réaliser, pour son compte des opérations de construction.
3.Alain Auffray, Libération,lundi 26 septembre 2005.

Le Monde libertaire #1417 du 24 au 30 novembre 2005
Ecrit par libertad, à 23:59 dans la rubrique "Actualité".



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