L'En Dehors

...ou comment faire de "l'antiracisme" avec un état d'esprit de colon repenti.

Le problème n'est pas de s'appeler Mohamed, le problème est: "combien de fric tu peux générer". La différence entre 100 Moussah et 1 Zidane, c'est que ce dernier génère des millards. Les autres? Pas rentables, pas intéressants. Mais tout cela se pose de la même manière quand on n'est pas arabe. On pourrait comparer 1 Jean-Philippe Smet avec 100 Jean-Pierre, ou un José Garcia pour 100 Manuel et on obtiendrait le même résultat, avec les mêmes explications. Est-ce que c'est par racisme anti-polonais qu'on a par le passé traité comme des chiens les mineurs polonais? Non, les mineurs français avaient à peu près le même traitement. Aujourd'hui, la merde des quartiers HLM (en banlieue ou en province), c'est la même merde qu'on s'appelle Mohamed ou Nicolas.

Cette xénophilie démagogique sous couvert d'antiracisme ne veut pas mieux que la xénophobie des autres. Ce sont deux axes de la même bêtise: celle qui, bien ou malveillante suivant les tendances politiques, voie d'abord l'individu comme un "morceau" de communauté ethnique. Le racisme existe, certes, et pas que dans un sens d'ailleurs. Dans un sens comme dans l'autre, il est stupide. Mais le racisme n'est pas pour autant l'explication de tout. Même si ce discours est à la mode presque partout (de la droite traditionnelle à l'extrème gauche en passant par toutes les "nuances" intermédiaires), ce qui n'est pas étonnant puisque malheureusement presque tout le monde semble céder aux analyses communautaristes, je ne pense absolument pas que le fond du problème quant à ces évènements soit le racisme. Le racisme, c'est la connerie qui va servir de cerise sur le gâteau de l'injustice. Mais même sans la cerise, il restera toujours le gâteau. L'inverse est moins sûr. D'ailleurs, le Jean-Pierre ou le Pedro de La Courneuve, je serais bien curieux de les passer à "l'humiliatiomètre" pour voir si ils se sentent mieux "intégrés" que leurs copains Rachid et Kader. Aussi, jusqu'à preuve du contraire, il n'y a pas que des Mohamed chez les émeutiers. Et il n'y a pas que des Jean-Pierre et des Edouard chez les flics. A en croire les médias (même les plus marginaux), on pourrait presque l'oublier.

Enfin, une dernière chose: toute colère est légitime. Il y a toujours une bonne raison à la colère. On n'est pas colérique juste pour passer le temps. Ca ne dispense pas de garder une attitude responsable. Quand on est traité comme des chiens, il n'y a qu'en refusant de se comporter comme un chien qu'on peut avancer.

PS: le couplet sur "la violence des petits blancs", il me rappelle les couplets fachos sur les "agressions commises par les arabes". Tiers-mondisme, quand tu nous tiens!

"pas perdre de temps à expliquer qu'une solide organisation libertaire est un excellent moyen de lutter et surtout qu'un transformateur EDF ça peut être dangereux."

Ca c'est certain qu'on a jamais perdu de temps a leur parler de quoi que ce soit, et que ça va continuer comme ça. Ca à le mérite d'être clair.

Nostalgie de l'autorité paternelle, on pourrait distribuer des brochures illustrées pour expliquer aux enfants le danger des transformateurs, de l'eau sur le gaz, de traverser au vert, de mettre son pull quand il fait froid. Oups, j'avais mal lu, le transfo il fallait comprendre autre chose. Camarades enfants des banlieues si vous comprenez ce qu'on dit alors venez, et papa vous expliquera l'organisation libertaire. 

 "Car contre ce type d'émeutes qui socialement ne servent strictement à rien, contre la colère et le légitime défoulement, nous ne pouvons qu'être, pour le moment, des spectateurs passifs."

 Ah voilà, nous arrivons à la partie analytique et programmatique de l'édito. Votre révolte c'est de la merde, là pas d'ambiguïté. C'est l'analyse. De quelle grille de lecture procède-t-elle, quelle compréhension des dynamiques sociales reflète-t-elle, nous n'en savons encore rien, mais par contre la partie programmatique est plus intéressante , car elle dit : "spectateurs passifs nous sommes, et très probablement nous resterons". 

 "Il s'agit bien là de révoltes ethniques"

 Quand même, il fallait bien expliquer. C'est de l'ethnie tout ça (est-ce si sur, sur quoi ce verdict repose-t-il ? France2 ? on en sait rien), et nous les ethnies c'est pas notre truc, donc voilà. La prochaine révolte qui correspondra au droit canon bakouniniste aura lieu en 2219, soyez prêts. Elle aura lieu en Ukraine, et comme il n'y a pas d'éthnie Ukrainienne, tout se passera bien. 

"Nulle tête politique ne s'était levée pour organiser la lutte"

 C'est le moins qu'on puisse dire.

 "illustre bien que la spontanéité de la violence ça peut parfois faire du bien, mais que sans structure efficace elle ne fait pas long feu."

 Structure, spontanéité, on ne sait pas exactement quel sens ont ces mots ici, mais on peut l'imaginer. Enfin quand on est jeune, se défouler ça défoule, et pour la structure, passez nous voir à la librairie qu'on en discute.

 "il ne faut pas s'étonner qu'un jour ça chambarde, mais se demander pourquoi si tard."

 Il aurait été dommage de ne pas faire preuve des mêmes talents de (pré)visionnaires historiques que 99% des français. Mais effectivement il était bon de dire aux peuple français : "vous saviez tous depuis 20 ans que ça allait péter un jour, et bien sachez que nous aussi nous le savions".

 "Oui les banlieues ne sont pas sûres, oui les actes d'incivilité sont fréquents, oui ils mettent le voile à leur femme, oui ils pissent parfois dans les ascenseurs, mais la violence que les petits Blancs leur oppose ne vaut guère plus et les diverses politiques de la ville qui se sont succédé sont pitoyables et sans effet, on ne leur laisse même pas les reliefs du banquet qu'ils contemplent tous les jours."

 Cours d'éducation civique. Contrevérités ( la banlieue n'est pas qu'une mosquée et un champ de voiles), et puis les leçons sur bien pisser en visant le trou, vu d'ou ça vient (et je le dis sans faire de morale au moins)...enfin passons..... Et on termine sur "les petits blancs". Mais quels petits blancs ? C'est de la culpabilité post-coloniale ou une volonté d'éthnicisation à tout prix ? La morale anarchiste ce n’est pas simplement asperger la cuvette tout en disant aux autres de bien régler l’arrosoir. Le dernier combat de l’anarchisme : dans un monde de barbarie, créons une tour d’ivoire ou les cuvettes seront propres (Ou plutôt ou personne n’ira regarder de trop près l’allure des cuvettes J Pas de caméras barbares dans les pissotières civilisées)  

"Le retour communautariste est à ce point inévitable que les mosquées poussent .comme des champignons après l'orage et que les imams sont prêts et bien prêts à les accueillir quitte à souffler sur les braises."

 Là c'est le bouquet final. La fin de l'histoire enfin. Et pas d'illusions que ça change puisque l'histoire est finie. Remarquez que pour le coup pas de faux espoirs à l'horizon, le seul grand soir sera communautariste.

Enfin soyons certains que la rédaction de l'édito n'a pas du épuiser le rédacteur, ce qui est bien normal vu qu'il ne passe pas grand chose, et rien d'intéressant en tout cas. Que ça ne soit pas en page 15 doit être du au fait qu'on ne perd pas espoir d'augmenter les ventes. Effectivement "un bébé phoque s'est noyé dans l'Antarctique", ça les aurait fait baisser. Donc là il y a de la vista quand même. Lorsque l'histoire est finie, il ne reste plus que le marché...et les mosquées. (et l'organisation libertaire nous dit-on, mais pourquoi faire ? Qui quoi comment ou avec qui avec quoi pour qui pourquoi, pas évident de comprendre , surtout que l'histoire est finie) 

L'avion ça existe : six mois dans une foret loin des télés, ca requinque. Faut prendre l'air de temps en temps, les docteurs disent que ça fait du bien, et je me demande s'ils n'ont pas raison.

J'en rajoute, il le faut: quelle merde cet édito!

Rien contre l'état d'urgence, rien sur la nécessaire construction de la conscience et de la solidarité de classe, aucune perspective politique, aucun mot d'ordre digne de ce nom.

On doit quand même attendre autre chose d'un hebdomadaire libertaire non?

• pourquoi les orgas libertaires* se sont-elles contentées d'un simple communiqué face à l'état d'urgence et à la répression dans les banlieues ?
  
• Pourquoi ont-elles été incapables de se concerter pour envisager des actions ?
  
• Pourquoi ne prévoit-elles pas un soutien juridique aux émeutiers ( dont les procès sont iniques ) face à l'ampleur du nombre des embastillés ? ( dont certains risquent l'expulsion ).

"Ces questions sont beacoup plus graves que les simples bévues d'un édito !"

à moitié d'accord avec toi!

les questions que tu soulèves sont effectivement graves, mais j'entends souvent ces "simples bévues" de l'édito de la bouche de personnes de bords anarchos, d'extreme-gauche ou de gauche, c'est à dire qu'inconsciemment, ils véhiculent toujours cette même image de banlieue sale, dégueulasse, violente, trafiquante, n'importe-quoi-phobe; et j'ai bien peur que cette image - fausse, car chez nous il y a aussi plein de bonnes choses à connaitre - nous démarque radicalement du reste de la population