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L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





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L'Art de marcher tout seul
--> Zo d’Axa vu par Léo Campion

Zo d'Axa, de son vrai nom Alphonse Galland — d'aucuns le prétendent descendant direct du célèbre navigateur La Pérouse — est né à Paris, le 24 mai 1864. Issu d'une famille catholique, bour­geoise et fortunée (son père était ingénieur de la Ville de Paris), il fut un mauvais élève et fit à Chaptal des études peu brillantes.

A 17 ans, il est Saint-Cyrien. A 18, il s'engage dans les cuiras­siers, entrant à l'armée pour se libérer du joug familial. Evidem­ment il ne supporte pas plus l'un que l'autre. Avide d'aventures, il passe aux chasseurs d'Afrique. Mais l'armée est la même sous toutes les latitudes ; il déserte.

Notons en passant que s'il est ardent, le jeune Galland n'est pas sectaire ; son antimilitarisme n'est pas borné : en désertant, il enlève la jeune femme de son capitaine.

Réfugié à Bruxelles, il y débute dans le journalisme par quel­ques reportages que publient « les Nouvelles du Jour ». Puis il fait la conquête de la jolie fille d'un pharmacien et l'emmène en Suisse.

Après la Suisse, l'Italie.

Et c'est une belle Italienne — fille de professeur — qui suc­cède à la belge progéniture d'apothicaire. Car si le jeune Galland n'est pas sectaire, il est internationa­liste.

1889. Amnistie. Zo d'Axa rentre en France.

En mai 1891 paraît le premier numéro de « l'En-dehors ». Cet hebdomadaire effarant et insolite porte en exergue l'explication de son titre :

« Celui que rien n'enrôle et qu'une impulsive nature guide seule, ce hors la loi, ce hors d'école, cet isolé chercheur d'au-delà ne se dessine-t-il pas dans ce mot : l'En Dehors ? »

L'article de fond « Branche de mai » est relatif aux événe­ments de Fourmies. C'est signé d'un pseudonyme inconnu, clairon­nant et exotique : Zo d'Axa.

Outre des militants anarchistes comme Charles Malato, Georges Darien, Félix Fénéon, Sébastien Faure, Arthur Byl, qui finit dans la brocante, au Marché-aux-Puces, à Saint-Ouen, et Emile Henry qui, pour avoir jeté une bombe, finit sur l'échafaud, le lec­teur sera sans doute étonné d'apprendre que, parmi les rédacteurs de « L'En Dehors », figuraient, groupés autour de Zo d'Axa, les futurs Immortels Georges Lecomte et Henri de Régnier, Lucien Descaves (qui fut anarchiste !), Octave Mirbeau, qui se fit dans « l'En De­hors » l'apologiste de Ravachol, Camille Mauclair, Pierre Veber, Tristan Bernard, Ajalbert et Emile Verhaeren, entre autres.

Toutes les semaines, Zo d'Axa s'en donne à cœur joie, malgré les perquisitions, les poursuites, les saisies.

Il est plein de verve native. Nature artiste et cinglante, c'est un révolté par tempérament — pas un aigri par la misère et l'in­justice. Il sait que les grands mots provoquent de grands maux et que les grandes choses ne sont que d'aimables plaisanteries.

Il fustige la Société, la grande coupable incitant à tous les crimes par respect pour les préjugés, l'armée, cette toujours cruelle bête sacrée aux mille cornes acérées faites de sabres et de baïon­nettes, la famille, la propriété, la morale, la religion, un Parlement que nous estimons peu, une Justice que nous soupçonnons fort, et la foule lâche et sans pensée.

II a des mots splendides :

« Les lois qu'ils aiment ne les frapperont jamais assez. »

« Les reporters illettrés qui travaillent dans la chronique judi­ciaire ne sont certainement pas des aigles — ils écrivent avec des plumes d'oie. »

« ... la magistrature assise — un peu partout... »

Commentant un assassinat nocturne près de la Bourse : « ...ne trouve-t-on pas bien parisien que, près de l'établisse­ment où l'on vole pendant la journée, on assassine durant la nuit ? »

A propos d'un capitaine qu'un autre capitaine a fait cocu : « Les deux officiers, anciens camarades de promotion, avaient le même esprit de corps. »

Défendant une faiseuse d'anges poursuivie :

« A propos de l'avortement, je ne crois pas que ce soit bien neuf d'affirmer qu'entre la sonde qui délivre et les noyades préser­vatrices de l’injecteur il n'y a pas grande différence.

Cependant les gens à cheval sur le Code n'admettent qu'une chose, c'est qu'on soit de même sur le bidet.

On ne les fera pas sortir de là : d'un côté c'est la cuvette et de l'autre la Cour d'Assises. »

Et en conclusion au même article :

« Comme morale, il faut que le verdict soit implacable. N'y a-t-il pas un mot d'ordre contre les vulgarisateurs ? Ce crime-là est le pire de tous.

On ne frappera jamais assez durement la femme faisant à très bon compte, pour des petites gens, ces avortements que les per­sonnes du monde payent fort cher à MM. les grands docteurs. » 

II n'y a rien de changé sous le soleil.

Zo d'Axa écrit des journalistes (sic) il y a près de cinquante ans :

« Ils sont grotesques et tâchent d'être cruels. Ils sont bien eux. »

Et ailleurs :

« La tendance des socialistes à se servir de l'épithète de mou­chard quand ils parlent des révolutionnaires de nuance hardie. »

Maintenant ce sont les communistes qui nous traitent de provocateurs.

S'adressant aux mineurs, il appelait les concessions minières des concessions à perpétuité.

« On se rappelle que vous vivez, écrivait-il, seulement lorsque le feu vous tue. Alors, en dilettante, on cause un peu de vous, on fait la fête, on fait l'aumône, et puis c'est tout.

On ne veut pas vous connaître.

Et je voudrais, moi, que par nos rues parisiennes, bordées de provocateurs magasins, un beau jour, vous passiez en bandes.

Vous nous devez une visite ; faites-la ! »

« Et, tout au plus sourirons-nous, quand les flambards et les sabreurs viendront encore nous parler de trous de balle dans le drapeau. »

Défendant une faiseuse d'anges poursuivie :

« A propos de l'avortement, je ne crois pas que ce soit bien neuf d'affirmer qu'entre la sonde qui délivre et les noyades préser­vatrices de l’injecteur il n'y a pas grande différence.

Cependant les gens à cheval sur le Code n'admettent qu'une chose, c'est qu'on soit de même sur le bidet.

On ne les fera pas sortir de là : d'un côté c'est la cuvette et de l'autre la Cour d'Assises. »

Et en conclusion au même article :

« Comme morale, il faut que le verdict soit implacable.

N'y a-t-il pas un mot d'ordre contre les vulgarisateurs ? Ce crime-là est le pire de tous.

On ne frappera jamais assez durement la femme faisant à très bon compte, pour des petites gens, ces avortements que les per­sonnes du monde payent fort cher à MM. les grands docteurs. »

*

* *

II n'y a rien de changé sous le soleil.

Zo d'Axa écrit des journalistes (sic) il y a près de cinquante ans :

« Ils sont grotesques et tâchent d'être cruels. Ils sont bien eux. »

Et ailleurs :

« La tendance des socialistes à se servir de l'épithète de mou­chard quand ils parlent des révolutionnaires de nuance hardie. »

Maintenant ce sont les communistes qui nous traitent de provocateurs.

S'adressant aux mineurs, il appelait les concessions minières des concessions à perpétuité.

« On se rappelle que vous vivez, écrivait-il, seulement lorsque le feu vous tue. Alors, en dilettante, on cause un peu de vous, on fait la fête, on fait l'aumône, et puis c'est tout.

On ne veut pas vous connaître.

Et je voudrais, moi, que par nos rues parisiennes, bordées de provocateurs magasins, un beau jour, vous passiez en bandes.

Vous nous devez une visite ; faites-la ! »

Cette tentative de « débauche de mineurs » n'est-elle pas toujours d'actualité ?

Sur l'amour :

« Les amants qui réciproquement se désirent ont le droit naturel de se prendre. Il n'y a pas de question d'âge et il n'y a pas non plus de chinoiseries morales à respecter. »

Sur la tolérance :

« Que l'indépendance me garde d'insulte contre tous ceux qui changent d'avis. Ce qui paraissait hier la vérité peut sembler demain le mensonge. L'évolution est constante. J'ai horreur des doctrinaires qui veulent nous enchaîner au nom d'anciens credos. »

Enfin, voici une profession de foi :

« II n'y a pas d'Absolu.

Ni d'un parti, ni d'un groupe.

En dehors.

Nous allons — individuels, sans la foi qui sauve et qui aveugle. Nos dégoûts de la Société n'engendrent pas en nous d'im­muables convictions. Nous-nous battons pour la joie des batailles et sans rêve d'avenir meilleur. Que nous importent les lendemains qui seront dans des siècles ! Que nous importent les petits-neveux ! C'est en dehors de toutes les lois, de toutes les règles, de toutes les théories — même anarchistes — c'est dès l'instant, dès tout de suite, que nous voulons nous laisser aller à nos pitiés, à nos empor­tements, à nos douceurs, à nos rages, à nos instincts — avec l'or­gueil d'être nous-même. »

Bientôt, « l'En Dehors » est poursuivi pour un article intitulé « A qui la faute ? »

L'auteur de l'article, M. J. Le Coq, Matha, gérant du journal, et Zo d'Axa sont condamnés chacun à mille francs d'amende.

Entretemps, Ravachol, Chaumartin, Simon, Decamp, Hamelin sont arrêtés.

La Société se débarrassait de ceux de ses membres assez cor­rompus pour la désirer meilleure.

« L'En-Dehors » ouvre une souscription « pour ne pas laisser mourir de faim les mioches dont la Société frappe implacablement les pères parce qu'ils sont des révoltés ». Zo d'Axa récolte beaucoup d'argent qu'il distribue aux familles des détenus. On l'arrête sous l'inculpation d'association de malfaiteurs, arguant que le fait de subventionner des personnes compromises constitue une compli­cité. A la prison de Mazas, il refuse de répondre aux interroga­toires et de signer quoi que ce soit. On le met au secret. Pas de visite. Pas même d'avocat.

Pendant la détention de son fondateur-directeur, « l'En-Dehors » continue de paraître.

La rédaction est installée dans une cave de la rue Bochard de Saron, près du boulevard Rochechouart. Quand il y a suffisam­ment de copie, on y joue de l'orgue.

La répression continue. Les rédacteurs de « la Révolte » et du « Père Peinard » sont également à Mazas, ainsi que de nombreux militants anarchistes.

Après un mois de détention, Zo d'Axa est mis en liberté provisoire, « notre pauvre liberté — provisoire toujours ». Il reprend sa place à « l'En-Dehors », plus virulent que jamais.

Point calmé.

« Mazas ne calme rien du tout, dit-il, il faut avoir le genre d'esprit d'un pot-de-vinier malhabile pour croire que la prison est l'argument décisif. »

Quelque temps après, un article de Jules Méry, jugé offensant pour l'armée, lui vaut de nouvelles poursuites. Zo d'Axa part en Angleterre.

A Londres, Zo d'Axa a la « malchance de tomber au beau milieu d'un Congrès de socialistes où il s'agit de parlementer, non d'agir ».

Il dit des congressistes :

« Ce sont des entretenus qu'épouvanté la bagarre. La vie facile les embourgeoise. »

En Angleterre, Zo d'Axa rencontre Charles Malato, Matha, Louise Michel, Darien, Pouget, Errico Malatesta, le peintre Luce, Meunier.

Après trois mois, spleen.

Il s'embarque pour la Hollande avec une troupe de musiciens ambulants, « troubadours besogneux qui payent leur transport en jouant de moment à autre quelque valse de leur pays ».

A Rotterdam, il est embauché sur un chaland qui le conduit à Mayence, par le Rhin. Il vit huit jours dans la Forêt Noire avec un bûcheron, « laid comme un gnome » ; gagne Milan. Y assiste à un procès d'anarchistes. Ecrit :

« On répète que Milan est un petit Paris. Les magistrats mila­nais le prouvent, au moins sur un point : ils sont répugnants tout comme leurs confrères parisiens.

La magistrature, du reste, n'est-elle pas la même partout ? Et peut-elle être autrement ?

C'est même sans doute la raison qui fait qu'à travers tous les pays le souvenir de la Patrie vous reste : il remonte comme une nausée quand on voit la vilenie d'un juge. »

Résultat : Zo d'Axa est arrêté en pleine nuit, à trois heures du matin. On lui passe les menottes et on veut le conduire à pied au commissariat.

— « En ce cas, explique-t-il au chef flic, ce sont vos hommes qui me porteront — et de force. »

II faut chercher une voiture. On la trouve. Le commissaire fait la grimace. Il avait cru empocher les frais de route.

Zo d'Axa s'excuse :

« Mais aussi pouvais-je m'afficher en telle compagnie ? Tous ces gens-là sentaient de loin la préfecture. Et si, sur le chemin, l'on avait croisé quelque noctambule je me serais plutôt mis à crier pour éviter la pire confusion, pour au moins me réhabiliter aux yeux du passant :

— Je ne suis pas un policier, je suis le criminel ! »

C'est dans le même esprit que cet original lettré et bohème que fut plus tard Ologue le Cynique écrira dans le journal « L'Anarchie » :

« On a sa dignité, comme dit mainte épicière, et je ne voudrais pas être assimilé par quiconque à un honnête homme. »

Zo d'Axa est expulsé d'Italie.

A Trieste, il s'embarque pour le Pirée avec des déserteurs italiens. Il organise avec eux une émeute à bord. « C'était de la graine de révoltés, dit-il, on s'entendait. »

Le voilà ne Grèce. Une nuit, fauché, il dort dans les ruines du Parthénon.

L'Orient l'attire. Il veut aller à Constantinople : « C'est l'affaire de trente-six heures et de vingt-cinq drachmes. »

« Dès que j'eus les vingt-cinq drachmes, je disposai des trente-six heures. »

Stamboul enchante le nomade :

« Par la ville, pas un figure de femme, les mousselines com­binées du yachmak ne montrent que de grands yeux vagues — et c'est un raffinement d'avoir caché les lèvres.

II y a plus à violer.

Les pudeurs sont-elles autre chose que de subtiles dépra­vations ? »

« De subversives philosophies se dégagent de simples faits.

Constantinople où vaguent des milliers de chiens, ignore encore le cas de rage. Le chien maigre de Galata n'a mordu per­sonne jamais. Et le pourquoi ?

II n'a ni muselière ni maître ! »

Arrêté, puis relâché, Zo d'Axa quitte Constantinople pour Jaffa.

Il passe Dardanelle, Kavaka, Tenedo, Mytilini, « jadis Lesbos — devenue vertueuse en vieillissant — et c'est bien moins pitto­resque ! », reste quelques jours à Smyrne, puis par Chio, Samos, Rhodes, Chypre, atteint Beyrouth, et enfin Jaffa le 1" janvier 1893.

Arrêté en débarquant, il est étroitement gardé à vue, en cel­lule, au Consulat de France, pendant quinze jours. Il parvient à s'évader par une nuit d'orage. Poursuivi, il se réfugie au Consulat anglais, terre inviolable... qu'exceptionnellement on viole pour le reprendre. Ficelé comme un saucisson, embarqué pour Marseille sur le navire français « la Gironde » et mis aux fers, sur le pont du bateau, il y est l'objet de la curiosité sadique des passagers.

Ils lui demandent :

— « Scélérat, qu'avez-vous fait ? »

II répond :

— « J'ai coupé une vieille femme en treize morceaux. Et ça m'a donné la migraine. »

En première classe on a appris que l'homme enchaîné sur le gaillard d'avant est Zo d'Axa. Les passagers se proposent de le jeter par dessus bord :

— « A l'eau, l'anarchiste ! »

De la veulerie des hommes, il vaut mieux rire et se foutre, car l'ironie et l'indifférence sont préférables à la tristesse et au désespoir. Zo d'Axa riposte par des éclats de rire.

A Port-Saïd le capitaine fait enlever les fers au prisonnier, lui donne une cabine, la permission de se promener à sa guise et même un chapeau.

Arrivée. Zo d'Axa passe quelques jours à la prison de Mar­seille, au régime du droit commun, juste le temps de se rendre compte que « les criminels ne valent pas mieux que les honnêtes gens ».

Transférés à Paris, Zo d'Axa y tire dix-huit mois à Sainte-Pé­lagie. Comme politique. Ayant naturellement refusé de signer une demande en grâce.

1er juillet 1894. Libération. C'est le jour des Funérailles Natio­nales du Président de la République Sadi Carnot, exécuté quelques jours avant par l'anarchiste Caserio. Des flics en civils attendent à la porte de la prison. Zo d'Axa refuse de sortir. On l'expulse. Les mouches le cueillent. Il est conduit au poste de police de la rue Cuvier et mis au violon. (Préalablement on lui a enlevé sa laval­lière pour éviter qu'il se suicide.)

Zo d'Axa s'évade du commissariat de police. Cris : « Arrê­tez-le ! ». Chasse à l'homme. « Arrêtez-le ! c'est un anarchiste ! » Un bon citoyen se campe devant lui et l'arrête. Zo d'Axa lui colle son poing sur la gueule. Corps à corps. L'homme tombe. La foule se trompe. Zo d'Axa a la tête haute, le regard sûr et des manières de grand seigneur. Le bon citoyen, lui, est mal vêtu. La foule prend le bon citoyen pour l'anarchiste. « Ce n'est pas moi ! » hurle-t-il. La foule le lynche.

Les agents arrivent. Ils prennent le bon citoyen lynché pour un complice qui a voulu favoriser la fuite de Zo d'Axa. Le bon citoyen, après avoir été lynché, est conduit au poste.

Et passé à tabac.

Et Zo d'Axa, intact, reste vingt-quatre heures au Dépôt. Le temps que l'on enterre Monsieur Carnot.

Libéré, Zo d'Axa publie « De Mazas à Jérusalem » qu'il a écrit en prison. Succès. La critique s'incline devant la valeur litté­raire de l'ouvrage. Jules Renard, Laurent Tailhade, Lucien Desca­ves, Octave Mirbeau, Georges Clemenceau rendent hommage à Zo d'Axa, « cet anarchiste hors de l'anarchie », comme l'appelait Adolphe Retté.

Georges Clemenceau, le sinistre Clemenceau — qui, mépri­sant l'humanité, s'y connaissait en hommes — écrit notamment : « De Mazas à Jérusalem est une belle leçon d'irrespect. »

Voici de courts extraits de la conclusion de « De Mazas à Jérusalem » — conclusion qui souligne l'élégance de Zo d'Axa, condamné comme anarchiste à l'époque de Ravachol et du terro­risme, et qui ne s'est jamais défendu de l'être attendant pour mettre la chose au point, d'en avoir subi toutes les conséquences :

« Ici, je suis forcé de conclure : je ne suis pas anarchiste.

En Cour d'Assises, à l'instruction comme aux séances, l'ai dédaigné cette explication. Mes paroles de menace ou de pitié étaient qualifiées anarchistes — je n'épiloguais pas sous la menace.

A présent il me plaira de préciser ma pensée première, ma volonté de toujours.

Elle ne doit pas sombrer dans les à-peu-près.

Pas plus groupé dans l'anarchie qu'embrigadé dans les socialismes. Etre l'homme affranchi, l'isolé chercheur d'au-delà ; mais non fasciné par un rêve. Avoir la fierté de s'affirmer, hors les écoles et les sectes :

En dehors.

(…)

Assez longtemps on a fait cheminer les hommes en leur montrant la conquête du ciel. Nous ne voulons même plus atten­dre d'avoir conquis toute la terre.

Chacun, marchons pour notre joie.

Et s'il reste des gens sur la route, s'il est des êtres que rien n'éveille, s'il se trouve des esclaves nés, des peuples indécrassablement avilis, tant pis pour eux ! Comprendre c'est être à l'avant-garde. Et la joie est d'agir. Nous n'avons point le temps de marquer le pas : la vie est brève. Individuellement nous courons aux assauts qui nous appellent.

On a parlé de dilettantisme. Il n'est pas gratuit, celui-là, pas platonique : nous payons...

Et nous recommençons. »

Insouciant des louanges suscitées par son livre ; indifférent aux éloges officiels ; plusieurs de ses collaborateurs renégats, vic­times de conversions qui rapportent un avenir assuré et sans gloire ; criblé de dettes ; son journal mort ; Zo d'Axa se tait.

Errant par l'Univers, il y promènera des ans durant sa bar­biche fauve et son regard ironique et clair.

Et on oubliera Zo d'Axa... 

*

* *

1898. L'affaire Dreyfus.

La France est en ébullition. On est pour Dreyfus, ou est contre. Pas de milieu. Il n'est plus possible à Zo d'Axa de se taire. Lucide, il donne son avis :

« Si ce monsieur ne fut pas traître — il fut capitaine.

Passons. »

Et Zo d'Axa publie « la Feuille »

« à chaque occasion ».

Il la rédige. Steinlen, Luce, Anquetin, Willette, Hermann Paul, Léandre, Couturier l'illustrent.

« Et les feuilles légères ou graves se suivent, se tiennent et se complètent selon le scénario formel de la Vie, chaque heure, expres­sive... »

Chaque fois que Zo d'Axa a quelque chose à dire.

Et il a souvent quelque chose à dire. Chaque feuille est un pavé dans la mare aux grenouilles. C'est toute l'actualité de 1898 et 1899.

Dans « Dix assassinats pour un sou ! » il souligne la bassesse de la foule sanguinaire. Dans « En joue... faux ! », il dénonce les faussaires de l'Etat-Major. Puis, c'est « Arguments frappants », « Mort aux Vaches », « Bombes Nationales », « On détrousse au coin des lois », etc., etc.

Tous en prennent pour leur grade, depuis les propriétaires jusqu'aux anarchistes.

Parfois Zo d'Axa s'attendrit.

« Enfants martyrs », « Biribi des gosses » sont consacrés aux colonies pénitentiaires fin de siècle. Ça remue les tripes. Une cam­pagne s'amorce. Les révélations des « feuilles » sont reprises par la grande presse et finalement des améliorations sensibles sont apportées au régime des pauvres gosses emprisonnés.

Mais si les abus des puissants sont souvent l'objet de ses attaques, d'autres fois la platitude moutonnière des masses indi­gne le pamphlétaire :

« Nous manquerions à notre plaisir, si, après avoir salué comme il convient, la magistrature et l'armée, nous ne nous empres­sions de nous incliner devant le Peuple, avec tout le respect dispo­nible. »

Et il fustige « l'honnête ouvrier ».

L'honnête ouvrier qui n'a que ce qu'il mérite :

« Que les propriétaires soient chauvins, au nom de leurs maisons de rapport ; que les financiers vantent l'armée qui, moyen­nant solde, monte la garde devant la Caisse ; que les bourgeois acclament le drapeau qui couvre leur marchandise — cela s'explique sans effort.

Même, que certains demi-philosophes, gens de calme et de tradition, numismates ou archéologues, vieux poètes ou prostitués, se prosternent devant la Force — c'est encore compréhensible.

Mais que les ilotes, les maltraités, le Prolétariat soit patriote — pourquoi donc ? »

« C'est l'avachissement indécrassable de la masse des exploi­tés qui crée l'ambition croissante — et logique des exploiteurs. »

« Qu'il soit de la mine ou de l'usine, l'Honnête Ouvrier, cette brebis, a donné la gale au troupeau. »

« Instruire le peuple ! Que faudra-t-il donc ? Sa misère ne lui a rien appris. »

« La victime se fait complice. Le malheureux parle du dra­peau, se frappe la poitrine, été sa casquette et crache en l'air :

— ]e suis un honnête ouvrier !

Ça lui retombe toujours sur le nez. »

Mais le chef-d'œuvre de Zo d'Axa, c'est l'élection du candi­dat de « la feuille ».

Zo d'Axa fait de l’électoralisme. Il débute par quelques réserves :

« J'avais toujours cru que l'abstention était le langage muet dont il convenait de se servir pour indiquer son mépris des lois et de leurs faiseurs.

Voter, me disais-je, c'est se rendre complice. On prend sa part des décisions. On les ratifie par avance. On est de la bande et du troupeau.

Comment refuser de s'incliner devant la Chose légiférée si l'on accepte le principe de la loi brutale du nombre ?

En ne votant pas, au contraire, il semble parfaitement logi­que de ne se soumettre jamais, de résister, de vivre en révolte.

On n'a pas signé au contrat.

En ne votant pas, on reste soi. On vit en homme que nul Tartempion ne doit se vanter de représenter.

On dédaigne Tartalacrème.

Alors seulement on est souverain, puisqu'on n'a pas biffé son droit, puisqu'on n'a délégué personne. On est maître de sa pensée, conscient d'une action directe.

On peut faire fi des parlottes.

On évite cette idiotie de s'affirmer contre le parlementarisme et d'élire, au même instant, les membres du parlement. »

II continue par quelques observations, déclare qu'il avait tort, car l'étranger guette, le devoir des bons Français est d'élire un parlement digne d'eux. « La feuille » présente le candidat le plus qualifié pour ce faire : un âne.

« Un âne pas trop savant, un sage qui ne boit que de l'eau et reculerait devant un pot de vin.

A cela près, le type accompli du député majoritard. »

Zo d'Axa baptise cet âne Nul, parce qu'il lui comptera comme voix tous les bulletins blancs et nuls.

Ce système lui donnant la certitude d'être élu, Nul aurait tort de ménager son franc parler. Son affiche-programme, placardée sur les murs pendant la campagne électorale, proclame notamment :

« CITOYENS,

On vous trompe. On vous dit que la dernière Chambre COMPOSEE D'IMBECILES ET DE FILOUS ne représentait pas la majorité des électeurs. C'est faux.

Une Chambre composée de députés jocrisses et de députés truqueurs représente, au contraire, à merveille LES ELECTEURS QUE VOUS ETES. Ne protestez pas : une nation a les délégués qu'elle mérite.

POURQUOI LES AVEZ-VOUS NOMMES ? »

(…)

« La Chambre représente l'ensemble.

II faut des sots et des roublards, il faut un parlement de ganaches et de Robert Macaires pour personnifier à la fois tous les votards professionnels et les prolétaires déprimés.

ET ÇA, C'EST VOUS ! »

(…)

« Votez, électeurs ! Votez ! Le Parlement émane de vous. Une chose est parce qu'elle doit être, parce qu'elle ne peut être autre­ment. Faites la Chambre à votre image. Le chien retourne à son vomissement — retournez à vos députés...

CHERS ELECTEURS,

Votez pour eux ! Votez pour moi !

Je suis la Bête qu'il faudrait à la Belle Démocratie.

VOTEZ POUR MOI ! »

Le jour du scrutin, Zo d'Axa parcourt Paris, de Montmartre au Quartier Latin, promenant, juché sur un char, bariolé de ses mani­festes et traîné par des électeurs, l'Ane Blanc. La foule manifeste bruyamment, enthousiaste ou scandalisée. Des femmes jettent des fleurs. On chante.

« C'est un âne, un âne, un âne

C'est un âne qu'il nous faut. »

Boulevard du Palais, l'Ane Blanc est appréhendé par la police qui, sous les quolibets de la foule, se met en devoir de remorquer le char. Nul est conduit à la fourrière, son char tiré par les flics. Bagarre entre les partisans de l'âne et les partisans de l'ordre. Zo d'Axa a le mot de la fin. Il abandonne l'âne en disant : « Cela n'a plus d'importance, c'est maintenant un candidat officiel ! »

Dans « la feuille » intitulée « il est élu », Zo d'Axa écrit :

« A propos des élections de France, les gazettes du monde entier ont, sans malice, rapproché les deux faits notoires de la journée :

« Dès le matin vers neuf heures, M. Félix Faure allait voter.

Dans l'après-midi, à trois heures, l'Ane Blanc était arrêté. »

J'ai lu ça dans trois cents journaux. « L'Argus » et le « Courrier de la Presse » m'ont encombré de leurs coupures. Il y en avait en anglais, en valaque, en espagnol ; toujours pourtant je comprenais — chaque fois que je lisais Félix, j'étais sûr qu'on parlait de l'âne. »

*

* *

1900. L'aube d'un siècle nouveau.

Zo d'Axa est las des répétitions. Il a dit tout ce qu'il avait à dire.

« Les feuilles » auront été pour lui le dernier exutoire. Repris par la bougeotte, il court à nouveau le vaste monde, traqué par les flics et les diplomates.

« Le Mousquetaire de l'Anarchie », comme l'appelait Cle­menceau, parcourt les Amériques du Nord au Sud, la Chine, le Japon, les Indes, l'Afrique.

Il visite, aux Etats-Unis, la veuve de Bresci, l'anarchiste ita­lien qui abattit Umberto 1er.

Longtemps, il vit en péniche, au hasard des fleuves et des canaux.

Finalement, il échoue à Marseille. Et c'est dans la vieille cité phocéenne qu'il passe ses dernières années. On l'y rencontre flâ­nant sur le Canebière ou parcourant en bicyclette la Corniche enso­leillée.

Il est blasé. Partout il a trouvé les hommes aussi méprisables, aussi dupes, caverneusement mauvais.

Pendant vingt ans, il se tait.

Mais alors que des Jean Grave, des Hervé, qui le considé­raient comme un dilettante et un fantaisiste, trahissent honteuse­ment en 1914 la cause révolutionnaire, lui ne change pas.

Il reste le même malgré le poil blanc et le silence.

Ni la guerre de 1914-1918, ni la dictature bolchevique n'ob­tiennent ses suffrages. Il est réfractaire à la Défense du Droit et de la Civilisation comme au mirage mensonger de l'U.R.S.S.

Son échine demeure incurablement atteinte de cette raideur maladive, chronique et rare qui l'empêche de ployer.

En 1921, il est de passage à Paris, par hasard. Une incartade journalistique commise, lui donne l'occasion, dans sa réponse, au cours d'un article dans le « Journal du Peuple », de faire le point.

Sa plume n'est pas rouillée.

Qu'on en juge :

« ... me taire ne suffirait peut-être pas à me préserver de l'honneur de figurer comme repenti.

Le silence, un instant rompu, me sera léger tout à l'heure d'être modestement nu.

Les derniers amis de l'« En-Dehors » et de la « Feuille » connaissent le sens d'un passé que le présent n'entend pas renier. Pendant un bon bout de chemin, contre les laideurs du temps, nous avons réagi ensemble. On nous traitait d'anarchistes, l'étiquette importait peu. En somme il n'y a que deux partis, loups et chiens à jamais hostiles. Et pas seulement deux partis : deux instincts, deux façons de sentir. Oui, j'écrivais pour le plaisir — le plaisir de dire ce que je pensais, au fait ce que je ressens toujours. »

« ... Qu'est-ce donc vivre, si ce n'est passer, selon sa nature, un moment ? J'aime le matin sur les routes proches ou lointaines, et sans stylo, sans autre ambition ni but que de comprendre la journée claire en dehors des mirages flottants — en dehors ainsi que toujours, à des feuilles d'écriture près.

Pâleur des paroles. C'est à peine si j'indique rapide... Du moins pas de faux nez. Ça gêne. Au petit bonheur de naissance, privilège absurde et commode, la société capitaliste, avant les banqueroutes finales, me dispense quelque pécune. J'use des derniers assignats aux promenades qui me plaisent encore.

Et déplaire ne me déplaît pas.

Tant pis et zut pour qui soupçonne qu'une lueur de liberté modifie le fond de la pensée. Elle en accentue les nuances... »

« ...La seule certitude, c'est de Vivre et sans attendre. Vivons donc : action, parole ou silence. Question d'heure, cas individuel. Et le moins sottement possible... »

Zo d'Axa est mort en septembre 1930, « se souciant peu des suffrages de la renommée, fort de la seule estime de quelques rares amis ».

Celui qui écrivit que l'évadé des galères sociales, qui ne monterait plus dans les bateaux pavoisés de la religion et de la patrie, ne s'embarquerait pas davantage sur les radeaux sans biscuit de la Méduse humanitaire, a tenu parole toute sa vie rebelle.

Toujours il est resté irréductiblement pur. Content d'être lui-même. Coquet à marcher seul. Inadaptable.

Devant la Société, devant toutes les Sociétés, à toutes les époques, se sont dressés, se dressent et se dresseront des hommes comme Zo d'Axa. Des individus forts dans la mesure où ils ne craignent pas. Des hommes de bonne volonté, qui agissent selon leur conscience — sans espoir ou avec leurs illusions, dans le doute ou avec la Foi (seule la Foi absolue, ou le scepticisme absolu conduisent à l'héroïsme) — par amour de la Vérité. Et quelle que soit LEUR Vérité.

Et toujours la Société s'est défendue, se défend et se défendra. Et c'est bien son rôle.

Elle ne peut admettre l'homme libre. Dédaigneux des étiquettes et des partis. Celui qui ne marche pas ou ne marche qu'à bon escient. Sans autre justification que d’être ce qu’il est.

Elle ne peut admettre que l'homme moyen. En paix avec lui-même à peu de frais, en vertu de la loi du moindre effort. Le partisan — au nom de semi-vérités de tout repos — d'un juste milieu (c'est la position la plus facile). Que ce soit dans la façon de se vêtir, de penser ou d’aimer. Et quel que soit le conformisme qui découle de ce juste milieu.

(Le conformisme peut être révolutionnaire, conservateur, démo­cratique, fasciste, prolétarien. Il existe même une espèce de confor­misme anarchiste inavoué qui est comme une sorte de conformisme de l'anti-conformisme, constituant une belle contradiction. Le non-conformisme ne méconnaît pas nécessairement l'orthographe et n'est pas forcément gaucher, hermaphrodite ou athée).

Dans sa tendance au juste milieu, la Société emprisonne des détaillants comme les vagabonds, les contrebandiers, les voleurs et les assassins. Mais honore des grossistes comme les propriétaires, les commerçants, les banquiers et les généraux. Elle glorifie l'esprit de famille et condamne l’inceste.

Ce n'est qu'une question de degré.

Il est illégal d'uriner contre tel mur et légal de bombarder telle ville ouverte.

Il est permis d'avoir faim, mais interdit, sans argent, de satis­faire sa faim.

On peut applaudir. Mais il ne faut pas siffler. Et il faut aimer sa patrie. Parce que la patrie aime ses enfants, (comme Ugolin que les mangeait).

*

* *

Le Nivellement.

Voilà ce à quoi tend la Société. C'est sa manière de se conser­ver en maintenant les humains en troupeau.

Nivellement dans la famille et à l'école.

Nivellement à la caserne, à l'hôpital et en prison.

Nivellement à l'usine ou au bureau.

Nivellement partout...

La Loi, la Morale, la Vertu, la Religion, la Famille, la Patrie, se résument en ce mot : nivellement.

Et gare à ceux qui ne se laissent pas niveler.

La résignation est érigée en vertu.

Défense de ruer dans les rangs.

*

* *

Chaque fois que le thermomètre de l'Indépendance s'égare dans le trou de balle de la Société, il marque zéro. Et c'est là le hic.

Avez-vous remarqué que les gens qui s'emmerdent sont inca­pables de subir cet état tout seuls ? Il en est de même en ces domai­nes.

N'ayant pas de mission historique à remplir, je ne verrais nul inconvénient à ce que ceux à qui cette situation convient s'en contentassent entre eux. (Et s'il leur plaît d'être battus !)

Mais le malheur est qu'ils veulent m'obliger à participer à leurs platitudes. A reconnaître l'Autorité — civile et militaire. Ce qui m'amène un tas d'inconvénients parce que je m'y refuse. (Et s'il me déplaît d'être battu !)

Je m'en voudrais d'accepter les obligations que l'Etat veut arbitrairement m'imposer en vertu d'un contrat social unilatéral, qui ne me fut pas soumis, et que je n'ai pas signé.

Individu, la Société se charge de te démontrer que tu as tort d'avoir raison.

Ce qui ne t'empêche pas d'avoir raison.

Ces choses se passent d'explication. Elles se constatent.

Il y aurait une consolation. S'il y avait un espoir. Mais l'espoir étant fait pour être déçu, le désespoir est inutile. Et la consolation superflue.

Une juste organisation sociale — basée sur la solidarité entre les humains, le respect de la liberté individuelle et une équitable répartition des biens (c'est-à-dire sur la seule base logiquement et humainement concevable) — est un non-sens. Parce que l'homme en troupeau est mauvais de par sa nature même, qu'il aime ses chaînes, et qu'il y a peu de raisons qu'il change.

Agnostique, je n'ai besoin ni de nier, ni d'espérer, pour faire ce que je crois juste.

Aussi je ne suis pas pour le régime social qui sera. Je suis contre le régime social qui est.

Parce que le régime existant est mauvais et que j'ai tout lieu de croire que son successeur ne sera pas bon. Malgré le désir que j'aurais de me tromper et pour l'excellente raison que si je me trompais, le jour où mon erreur se démontre­rait, il y aurait longtemps que je serais passé de vie à trépas.

Peu m'importent les lendemains qui seront dans des siècles ! Je n'ai cure du Futur. La Terre Promise sera celle où nous pour­rirons...

Cet état d'esprit, provoqué par cet état de choses, m'incite à détester les bipèdes standardisés que sont la plupart des humains. Foin des esclaves que l'on appelle « monsieur », « signor » ou « tovaritch », et qui tirent gloire des coups de pied au cul qu'ils reçoivent, en disant « amen » et « merci ».

Par contre, j'apprécie les non-conseilleurs qui ont l'originalité d'être des payeurs. Je les apprécie a fortiori quand, sans espérance, ils agissent comme s'ils espéraient. // suffit d'oser. Ce sont les faibles qui ont besoin d'espérer pour agir ; les forts puisent leur force en eux-mêmes, sans foi illusoire en de lointaines hypothèses.

J'aime parmi eux ceux que leur nature intensive pousse impé­rieusement. Et qui sont courageux, ce qui est beau, désintéressés, ce qui est noble, et doués de conscience, ce qui est rare.

Enfin je crois avoir la notion de la liberté et le sens de la subversion.

C'est pourquoi j'aime Zo d'Axa et ai estimé devoir remémo­rer son souvenir trop vite effacé en résumant en ces quelques pages la vie subversive de ce libertaire qui jamais ne trahit, irrespectueux par nature et des lois et des préjugés.

Et si je l'aime pour son non-conformisme, son impertinence et sa claire et narquoise vision des choses, je lui sais gré d'avoir payé de sa personne, de n'avoir pas été un révolté de salon, un nietszschéen de bibliothèque, un surhomme douillet et confortable.

Ce sceptique prit de la Poésie et de la Philosophie la meilleure part : il les mit en action. Pour lui, l'Action fut bien la sœur du Rêve.

Je l'aime, parce que doué pour l'art de marcher tout seul, il eut l'altière volonté de vivre.

Parce qu'il fut ASOCIAL avec majesté.

Et aussi pour son ironie, (me déplaisent les gens sérieux et les choses tristes).

L'ironie est éternelle — comme l'érotisme et la bêtise humaine.

Il sut bien la manier, lui qui connut cette suprême joie de la vie qui est de percevoir le ridicule des choses.

Léo Campion

Ecrit par Mirobir, à 02:40 dans la rubrique "Pour comprendre".



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