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Au-delà du clonage: un regard élargi sur l'ordre du jour de l'ingénierie de la personne humaine
Lu sur L'état de la planète : "Les avancées dans l'ingénierie de la personne humaine se poursuivent sans qu'ait lieu un véritable débat public. Les partisans de l'industrie ont monté en épingle les bénéfices de ces technologies, mais un nombre croissant d'experts mettent en garde aujourd'hui contre les risques importants qu'elles comportent. Quel sentiment avez-vous à l'idée de modifier la nature humaine… pour toujours? Il n'y a probablement pas un seul parent au monde qui n'ait souhaité qu'un coup de baguette magique rende heureux un enfant triste, ou transforme un enfant indiscipliné en un exemple de civilité. L'histoire est jonché d'une myriade de méthodes douteuses que nos cultures ont appliqué pour faire se soumettre leurs membres à une définition particulière de la nature humaine. Or pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, nous sommes confrontés à une approche complètement nouvelle pour atteindre ce but, une approche qui pourrait avoir des effets bénéfiques, mais qui recèle également de grands risques. Les généticiens accèdent aujourd'hui à un pouvoir mythique auquel l'humanité ne pouvait que rêver jusque là, le pouvoir de modifier le matériel génétique que nous transmettons aux générations futures en nous engageant dans "la modification de l'héritage génétique" appelé également "ingénierie germinale". (Par comparaison, l'ingénierie somatique, ou du corps, ne touche que la personne traitée, sans modifications germinales - ovules ou spermes - transmissibles de générations en générations.)

Les risques personnels, sociaux et politiques inhérents à la prise de contrôle de l'héritage génétique étaient déjà apparents lorsque Aldous Huxley publia son prophétique Le Meilleur des Mondes en 1932. A l'époque, des personnalités scientifiques et politiques bien intentionnées brandissaient le scalpel du chirurgien pour réaliser une vision "améliorée" de la nature humaine en éliminant les "mauvais gènes" du bagage génétique humain.

A partir de 1907, plusieurs dizaines d'Etats américains adoptèrent des lois permettant la stérilisation chirurgicale involontaire pour les gens jugés "faibles d'esprit", "mentalement défaillants" ou "épileptiques". En Virginie en 1927, dans un jugement tristement célèbre, huit juges contre un décidèrent du maintien d'une loi concernant la stérilisation forcée (Buck v. Bell). Oliver Wendell de la Cour Suprême écrivit: "Il est préférable pour le monde entier, plutôt que d'attendre que des progénitures dégénérées soient exécutées pour leurs crimes ou qu'elles meurent de faim en raison de leur imbécillité, que la société prévienne la reproduction de ceux qui ne sont pas propres à perpétuer leur espèce… Trois générations d'imbéciles, cela suffit."

Lorsque Le Meilleur des Mondes parut, Adolf Hitler n'était qu'à une année de prendre le pouvoir et de faire passer sa propre "Loi de prévention des progénitures atteintes de maladies héréditaires", une loi adoptée en 1933 qui suivait de près les lois américaines statuant dans la même direction. Les Nazis commencèrent par stériliser les aveugles, les sourds, les alcooliques chroniques et les handicapés physiques et mentaux, avant de poursuivre avec l'extermination des Juifs, des homosexuels et des Gitans.

Le rôle que joue l'eugénisme dans les moments les plus sombres de l'histoire moderne surgit en arrière-plan de toute discussion sur le sujet de l'hérédité et de la nature humaine. Comme environnementalistes, nous avons toujours été intéressés par les définitions de la nature humaine proposées par différentes cultures, qui s'appuient toujours sur la manière dont ces cultures interagissent avec leur environnement physique et le reste de la vie sur la planète. Mais nous serions les derniers à prétendre savoir ce qu'est la nature humaine.

Cependant notre étude de l'histoire des sciences et des technologies nous a mené à un grand scepticisme devant la foi de certains en la science et la technologie, à qui ils attribuent le pouvoir de résoudre tous nos problèmes sans un regard critique et sans qu'aucune réglementation ne les entoure. Cette foi a été péniblement mise à l'épreuve à de nombreuses reprises, puisque le déferlement incessant de nouvelle technologies nous a immanquablement confronté à des conséquences imprévisibles. Lorsque l'humanité découvrit (avec enthousiasme) le moteur à combustion, personne ne sut prédire les embouteillages, l'étalement urbain, le smog ou les réchauffements climatiques. On salua de même le DDT comme un pesticide miracle, jusqu'à ce que des populations entières d'oiseaux commencèrent à se réduire, décimées par ses effets secondaires. Des barrages et des digues, construits dans l'intention de contrôler les crues, produisirent des inondations encore plus graves.

La rencontre à répétition d'effets inattendus a mené les environnementalistes à défendre une nouvelle approche pour réguler l'introduction de nouvelles technologies, le "principe de précaution". Selon ce principe, avant l'introduction d'une nouvelle technologie, ses promoteurs doivent d'abord démontrer de manière convaincante que la technologie ne risque pas de nous exposer à de nouveaux dangers. Si des incertitudes sérieuses quant aux problèmes qui pourraient apparaître se présentent, les gouvernements ont le pouvoir d'en réglementer et d'en limiter le développement, jusqu'à ce que les incertitudes soient levées.

Le principe de précaution est en quelque sorte une manière d'exprimer à travers une loi l'humilité dont l'humanité manque depuis longtemps dans son apprentissage des nouvelles technologies. Nous avons préparé ce numéro spécial de World Watch précisément parce que nous croyons que jamais le moment pour appliquer le principe de précaution n'a été aussi opportun: l'ingénierie des cellules reproductrices illustre, mieux que tout autre développement scientifique et technique, cette nécessité.

Certains partisans de l'ingénierie héréditaire appellent de leurs voeux une accélération des expériences spécifiquement élaborées pour altérer la nature humaine, pour en corriger les "erreurs", pour lui ajouter des "améliorations", et même, pour inaugurer une espèce totalement nouvelle qui laissera Homo sapiens loin derrière elle.

Mais les supporters un peu plus avisés de la modification génétique germinale sont totalement conscients du triste passé de l'eugénisme, et le mépris qu'ils affichent à l'égard de scientifiques et des entreprises qui veulent brûler les étapes ou jouer les francs-tireurs nous rassurent quelque peu. Ils font de gros efforts pour se distancer de gens comme Severino Antinori, le docteur italien qui a prétendu le printemps dernier qu'une ou plusieurs femmes en traitement chez lui étaient enceintes de clones humains. Ces partisans prétendent en revanche que de nouvelles réglementations de l'ingénierie germinale vont mettre en danger l'autonomie des patients, les choix reproductifs et la prévention des maladies. Ils sont prêts à parier que les perspectives de gains de cette technologie pèsent plus lourd que certains risques encore mal compris. Ils évitent les confrontations et les questions frontales, et vendent l'idée que l'ingénierie germinale est sans grande importance, qu'elle se pratique de manière progressive (une intervention modeste à la fois), et reprochent à ceux qui défendent le principe de précaution de ne pas se soucier du bien-être de l'humanité.

Les écologistes ne sont pas opposés à l'amélioration de la condition humaine par le développement des sciences et des technologies. A l'Institut Worldwatch, nous avons salué l'émergence de plusieurs nouvelles technologies qui promettent d'adoucir l'impact de l'humanité sur le monde naturel, comme les panneaux solaires en remplacement des carburants fossiles pour la production d'électricité, ou les combinaisons sophistiquées de cultures qui permettent de combattre les espèces nuisibles aux récoltes sans faire appel aux pesticides. Nous avons également soutenu l'amélioration des conditions de vie de l'humanité, et particulièrement des pauvres, en prônant l'augmentation des dépenses d'éducation, le renforcement du droit des femmes, un accès universel à la contraception et le financement de mesures simples de santé publique comme l'accès à l'eau potable.

Mais l'incapacité de l'industrie de la biotechnologie de procéder selon le principe de précaution nous rend bien plus dubitatifs quant au génie génétique sous toutes ses formes. Plusieurs des préoccupations soulevées par nos lecteurs sur l'ingénierie humaine germinale expriment la même inquiétude quant à l'utilisation, de plus en plus fréquente, de telles techniques pour altérer le bagage héréditaire d'autres espèces. Notre goût pour la prudence s'en trouve renforcé car il est de plus en plus démontré que les gènes n'agissent pas dans le vide - que la fonction d'un gène particulier change selon l'environnement, le stade de vie de l'organisme et l'interaction avec d'autres gènes. Dans un contexte si complexe, essayer de distinguer les bons gènes des mauvais devient une quête absurde.

Or comme le dit la vieille chanson d'amour, les fous se précipitent là où les anges ne vont pas. Plutôt que d'agir de manière réfléchie, l'industrie génétique fonce pêle-mêle dans le marché commercial, développant une pléthore de techniques pouvant trouver une application dans l'ingénierie germinale de l'homme. L'Office des brevets des Etats-Unis accepte aujourd'hui de breveter des parties d'ADN humain. Le nombre de demandes pour de tels brevets est passé de 4'000 en 1991 à 500'000 en 1998, puis à plusieurs millions aujourd'hui. Aidé par une révolution informatique tout aussi rapide, les laboratoires, qui prenaient deux mois pour séquencer 150 nucléotides, en séquencent aujourd'hui 30 millions en une seule journée pour un prix bien moindre. L'industrie américaine des biotechnologies - qui domine cette industrie au niveau mondial - est devenue un pouvoir économique et politique croissant, avec des revenues multipliés par cinq entre 1989 et 2000, passant de 5 à 25 milliards de dollars.

Aldoux Huxley n'est pas le seul grand artiste à s'être interrogé sur les implications du génie génétique. En 1940, reprenant dans le dessin animé Fantasia la fable de l'apprenti sorcier mis en musique par Paul Dukas, Walt Disney et ses dessinateurs nous présentèrent une métaphore des conséquences involontaires d'une sorte de manipulation génétique. Le sorcier, donnant imprudemment vie à un balai pour accélérer l'exécution de ses travaux ménagers, n'anticipe aucunement les conséquences de la création d'une nouvelle forme de vie. Mais lorsque le balai se révèle trop efficace et échappe à tout contrôle, il provoque l'inondation de la pièce où vit le sorcier. Les efforts de l'apprenti pour reprendre le contrôle de sa création, en coupant le manche en petits morceaux, se retournent contre lui: les multiples morceaux du balai se multiplient et causent encore plus de dégâts.

Chez Disney, bien entendu, tout rentre dans l'ordre à la fin, car un pouvoir suprême intervient pour tout arranger. Furieux, le sorcier prononce les mots magiques pour vaincre les balais, contenir l'inondation, et restaure l'ordre dans l'univers avant de punir sèchement l'apprenti honteux.

Or aucun sorcier ne viendra nous aider lorsque le coup de baguette magique sur l'ingénierie germinale de l'homme aura produit ses effets, et que le peuplement de la Terre avec des rejetons aux combinaisons d'ADN inédites aura commencé.

Nous ne nous berçons d'aucune illusion: les arguments avancés par nos contributeurs ne sont pas prématurés. Car il est déjà très tard: selon toute vraisemblance, il sera technologiquement possible de porter le coup de baguette magique d'ici une ou deux décennies, si ce n'est avant. Nous publions ce numéro avec l'espoir qu'il reste assez de temps pour instaurer un débat public mondial dûment documenté sur cette technologie qui a le dangereux pouvoir de modifier la nature humaine, pour toujours.

Modification génétique somatique, ou qui ne peut être transmise à la descendances par héritage génétique: une démarche qui modifie les gènes dans les cellules autres que les ovules ou les spermatozoïdes, avec pour but le traitement d'une maladie par modification du gène qui la commande. Ce type de modification n'est pas transmise aux enfants de la personne concernée. Des applications de cette sorte sont actuellement expérimentées en clinique, et sont généralement considérées comme socialement acceptables.

Ingénierie germinale, ou modifications transmissibles par héritage génétique: procédure modifiant les gènes de cellules des ovules, du sperme ou d'un très jeune embryon, pour que l'enfant ait certaines caractéristiques. Cette procédure modifie non seulement l'enfant à naître, mais également ses descendants. De telles applications n'ont pas encore été tentées sur l'homme.

Clonage: création d'un double génétique d'une personne. Dans le clonage de recherche, des embryons créés par clonage sont utilisés dans le cadre de recherches ayant pour objectif la guérison de maladies. Dans le clonage reproductif, l'embryon est implanté dans l'utérus de la femme et dans le but d'aboutir à la naissance d'un enfant. Ce processus a été banni dans plus de 30 pays.

Cellules souches: des cellules de la membrane se trouvant autour de l'embryon et ayant le potentiel de se développer dans presque n'importe quel type de tissu. Les thérapies utilisant les cellules souches offrent un grand potentiel pour réparer des tissus endommagés ou malades d'un individu.

Par Brian Halweil et Dick Bell
Traduction Benoit Lambert

Brian Halweil et Dick Bell sont respectivement chercheur associé et conseiller à l'Institut Worldwatch.
Ecrit par libertad, à 17:54 dans la rubrique "Ecologie".



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