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L'extrême-droite catholique processionne contre l'avortement
Le dimanche 23 janvier, trente ans après la légalisation de l'avortement, les partisans du retour à l'ordre moral ont processionné à Paris de la place de l'Opéra jusqu'au pied de la basilique du Sacré-Coeur.

Près de 4.000 personnes ont suivi l'appel du ans ça suffit » pour lequel l'avortement est une catastrophe impie trente fois pire que le tsunami qui a ravagé l'Asie du sud; tout est bon pour frapper les esprits, y compris les comparaisons sans rapport. Dans le pieux cortège se côtoyaient Renaissance catholique, SOS tout-petits, Laissez-les vivre, SOS futures mères. Le Bloc identitaire, l'Action française et quelques militants du Front national jeunesse complétaient cette assemblée de bons copains. La manifestation-pèlerinage fut donc (occasion d'une promenade dominicale d'une extrême droite chrétienne très bien organisée avec un service d'ordre bien visible. En cette froide journée d'hiver, les bannières des croisés et des monarchistes ont flotté au vent et on a pu voir onduler le sacré-coeur de jésus sur fond tricolore, celui des Vendéens orné de fleurs de lys, l'image de la Vierge Marie ainsi que le drapeau de Solidarnosc. Cette présence polonaise est peu surprenante: Lech Walesa avait considéré (attribution du Prix Nobel de la Paix 2003 à Shirin Ebadi comme une « grande erreur » pour lui préférer la candidature de Jean-Paul II. Le Centre Charlier est aussi présent, aisément reconnaissable à son drapeau arborant la Trinité aux allures pétainistes «Patrie, Dieu, Famille ». Quant à l'ordre de Malte, il assurait l'infirmerie.

Parmi les pèlerins, SOS tout-petits faisait partie des plus expérimentés et des plus rigoureux dans l'expression de la soumission aux dogmes catholiques: ce ne furent que chants et prières du début à la fin de la manifestation. Entonnant les « miserere des enfants » devant l'Opéra, ils poursuivent peu après par un « Dieu nous te voulons » pour finir par des « Ave Maria ». À l'approche du Sacré-Coeur, certains manipulaient obsessionnellement des chapelets. L'Action française appelait à une marche aux flambeaux, ce même jour, en mémoire de Louis XVI, raccourci 212 ans auparavant à deux jours près.

Dans la foule, on brandit des pancartes où on estime qu'« avorter, c'est tuer », et on déclare la guerre aux laboratoires pharmaceutiques (« RU 486, halte aux labos qui tuent »), on se risque à l'humour (« Avorter pendant la grossesse nuit gravement à la santé de votre enfant »), on procure des conseils hardis (« Si tu veux la paix, défends la vie », inspiré de « Si vis pacem, parabellum ») et on prononce des menaces à peine voilées: « Si nous nous taisons, les pierres crieront ». D'autres slogans jouent sur les sentiments maternels en remerciant les mères (« Maman, merci pour la vie ») ou en les mettant en garde (« Maman, mon corps m'appartient »). On comprend mieux ici les objectifs visés par les associations de « protection » et d'« assistance » aux mères en détresse: les convaincre coûte que coûte de ne pas avorter, cette honte, fille de l'impiété contemporaine. Mais les manifestants ont su inscrire leur fanatisme antiféministe dans un cadre politique par l'exhibition d'une banderole qui est aussi un programme: « Nous voulons le statut de l'embryon ». Devant cette réduction de la femme à la fonction de procréatrice, une observatrice propose de brandir sa plaquette de pilules contraceptives en guise de protestation.

La composition des manifestants était loin d'être limitée à des individus âgés et nostalgiques des valeurs d'antan. De très nombreux jeunes adultes, adolescents et enfants, aussi bien filles que garçons, participaient avec enthousiasme au rejet de l'avortement. C'est un étrange sentiment d'observer des adolescentes honnir l'IVG comme on clame gaiement son attachement à telle chanson, aveugles à cet ensevelissement de leur liberté de décider si elles veulent des enfants ou pas et, si oui, de choisir quand et avec qui en avoir un et combien. Plus loin, ce sont deux adolescents, des garçons chefs d'enfants de choeur, qui s'entretiennent sur la respectabilité, ou plus exactement sur l'affichage public, de la soûlerie. L'un sermonne son frère d'arme et le condamne vivement de s'être « bourré la gueule devant les enfants de choeur ». En sa qualité de chef de choeur, cela n'aurait pas dû paraître devant les plus jeunes. L'autre ne peut que faire acte de contrition et admet le conseil du premier de s'« excuser devant le père ». Le blâme ne porte pas sur le fait d'avoir abusé de la boisson mais bien sur le fait que cela a été vu par les plus jeunes.

Toutefois, si le défilé ne fut qu'une interminable et dangereuse profession de foi antiféministe, le salut est venu des riverains habitant dans les immeubles qui jouxtaient le saint cortège. Dans les rues Cadet et de Rochechouart, les croisés ont reçu pour seul encouragement des jets d'eau fort vivifiants pour une température aussi basse. Peu après, au bout de l'avenue Trudaine, la contestation venue des balcons a pris un tour encore plus rassurant sur l'isolement idéologique des manifestants: un homme tend un poing méprisant en direction de la cohorte de fachos, le pouce vers le bas, pendant qu'une femme fait de même sur un balcon qui lui fait face. Plus extraordinaire et jouissif, deux jeunes femmes sur un balcon voisin tendent cette fois leur majeur à la clique de puritains venus dicter le décent et le respectable à l'aune de leurs interdits sexuels. En bas, une France blanche, raciste et catholique intégriste; en haut, des citoyennes rebelles, fières des luttes passées et conscientes que le combat doit continuer car les acquis ne sont jamais définitifs, toujours remis en cause par l'oppression religieuse qui entretient une culpabilisation sexuelle nécessaire à sa pérennité.

Des heurts verbaux et gestuels similaires ont pu être observés tout au long du parcours et la tension s'est accrue jusqu'à la rue de Steinkerque qui mène au Sacré-Coeur, sorte d'ascension ultime du Golgotha. La rue de Steinkerque est étroite et, du haut des fenêtres, toute la largeur de la rue est accessible. C'est ce qu'ont compris plusieurs riverains qui ont consciencieusement arrosé les processionnaires. À chaque salve d'eau fraîche, les pénitents lançaient de haineux « assassins » (car défenseurs de l'avortement) ou d'hypocrites « Jésus t'aime ». Soit, mais il est des amis dont on se passe bien... Sous le déluge mécréant, un membre du service d'ordre tente d'organiser la protection des pèlerins tout en conservant religieusement un chapelet dans sa main, sorte d'amulette impuissante contre les bassines renversées sur leurs têtes.

Mais le compte rendu de cette manifestation venue du fond des âges ne serait pas complet sans la relation de la stratégie étonnante adoptée par les forces de police.

Habituellement, quel que soit le thème du défilé, celui-ci est précédé et suivi par des voitures de police tandis que des CRS sont parqués en divers points du trajet dans des rues adjacentes ou parallèles. Ils se déplacent donc au rythme de l'avancement de la manifestation par l'utilisation des rues proches. Ici, rien de tel mais une présence policière omniprésente du début à la fin, à tel point qu'on aurait difficilement mieux escorté les manifestants.

Du début à la fin, des CRS casqués et armés ont encadré le défilé et se sont aussi parfois déplacés sur les trottoirs le long du trajet, semblant assurer une protection inutile face à une opposition inexistante. Ce dimanche, aucune contre-manifestation n'était présente, et rien ne pouvait donc menacer le bon ordre du cortège. La portion finale du parcours, dans la rue de Steinkerque, a même donné heu à une ahurissante disposition des CRS qui précédaient les manifestants de quelques dizaines de mètres. La police ouvrait donc le chemin à l'extrême droite catholique en direction de la place Saint Pierre située au pied de la butte de Montmartre. Une explication serait très souhaitable sur la décision des forces de police d'accorder un traitement aussi privilégié à ces paroissiens réactionnaires.

Le défilé du collectif « 30 ans ça suffit » a réussi à mobiliser l'extrême droite catholique et uniquement elle.

Le vrai bilan de l'événement est que l'ensemble des forces concernées étaient présentes c'est-à-dire que la capacité du collectif à rassembler contre l'IVG est nulle en dehors de ces organisations. L'essentiel des partisans du retour à l'ordre moral étaient dans la rue ce dimanche, ce qui constitue en fait des troupes bien faibles par rapport à tous ceux attachés au rejet du machisme, à la libération des femmes, à la contraception et à l'avortement. Les réactions courageuses et énergiques des riverains ont été une garantie rassurante sur l'isolement des manifestants. Les partisans de la femme au foyer qui ne reçoit sa raison de vivre que de ce que son ventre produit, demeurent une frange ultra minoritaire dans une société qui sait rejeter avec force les diktats religieux antiféministes.


Jocelyn Bezecourt


Le Monde libertaire #1385 du 10 au 16 février 2005

Ecrit par libertad, à 18:46 dans la rubrique "Actualité".



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