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L'En Dehors


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UtopiEG ou Ebauche d'Auto-Réfléxivité Immédiate Face Aux Etats Généraux de la Recherche de 2004

Reçu d'APRES
Pourquoi ce texte, pourquoi Nous ?

Parce que nous voulions participer au débat démocratique, parce que nous voulions prendre ce temps de réflexion, nous avons essayé de suivre les discussions, d'assister aux ateliers inter-locaux, pourtant acculés et surveillés par nos patrons actuels ou futurs, ces mêmes personnes qui participent aux Etats Généraux (EG) et qui pourtant n'acceptent que du bout des lèvres que nous sacrifiions nos recherches à cette réflexion. Étrange paradoxe quand aujourd'hui, à la vue de la diminution des résultats scientifiques concrets et palpables, nos patrons disent de nous: "ils ne sont pas très motivés ces temps-ci".

Nous voulons penser le monde de la recherche comme nous pensons la société idéale. La Recherche devrait être un domaine pour tout le monde, accessible à tout le monde, puisque se penchant sur le Monde.

 

Des Etats généraux, mais pour quoi faire ? Ils auront eu le mérite d'engendrer des réflexions, des discussions autour des Métiers et des Acteurs de la Recherche. Ils nous auront fait comprendre avant tout que la recherche n'est pas un monde « idéal », externe à l'organisation de la société, mais tout comme la société, un monde organisé autour d'un système hiérarchisé où celui qui détient le savoir, détient aussi le pouvoir et peut en abuser en exploitant sans vergogne ses « subalternes ».

 

Nous essayons donc ici, dans un texte encore non finalisé, d'apporter notre modeste contribution aux EG ; début de prise de parole encore maladroite et en construction, cette « participation » n'intéressera certes que nous-mêmes, mais franchement, qu'est-ce qu'on se marre !!!!

 

Le « car-camp » (car-quand ou quart-camp) des Etats Généraux

 

Ainsi, depuis mars 2004, les contributions réalisées dans les ateliers locaux circulent abondamment dans les méandres de l'organisation hiérarchique des Etats Généraux de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur. Dans un élan de libre-pensée et de libre circulation des idées, ces textes sont alors amendés et discutés (bref, c'est la fête !). De ce point de vue, ces discussions interdisciplinaires ne peuvent qu'être encouragées, notamment parce qu'elles forment les individus qui y participent aux fonctionnements basiques de la démocratie. On pourrait attendre de ce foisonnement de textes une certaine diversité de points de vue complémentaires, féconde pour la réflexion.

 

Que nenni ! Nous constatons, hélas, que ces textes sont tristement voire dangereusement limités à une réalité gestionnaire et sans perspective. Le consensus de tous ces textes tourne autour d'un effort financier conséquent pour la recherche française, mais ils restent malheureusement emprisonnés dans la camisole de la gestion, souvent dogmatique et mal argumentée. Pour donner un cadre aux questionnements et aux discussions, les membres du CIP, tombés du ciel comme des tas de cadeaux dans nos petits souliers, ont défini un certain nombre de questions, regroupées en quatre thèmes (Recherche et Société, Architecture et Financement, Acteurs et Métiers, Evaluation). Ces questions nous paraissent être une parfaite illustration du carcan gestionnaire dont nous parlions plus haut : elles sont pour une grande majorité posées avec une logique de gestion, orientant en conséquence les réponses proposées pour aboutir à un débat totalement illusoire, pas plus ouvert qu'une moule mal cuite ! Quand les questions sont mal posées, nous refusons tout simplement d'y répondre. Nous essaierons d'aborder, nez en moins, les trois thèmes gestionnaires que sont Architectures et Financement, Acteurs et Métiers ainsi qu'Evaluation, pour tenter d'utiliser le même langage que les autres contributeurs aux EG.

 

Mais attention : nous sommes conscients que de nombreux mots sont utilisés dans ces EG avec en arrière-pensée des significations qui peuvent être jusqu'à diamétralement opposées. Ainsi, nous préciserons, à chaque fois que cela sera nécessaire, ce que nous avons réellement en tête. Et en aucun cas, nous ne cèderons à la tentation de faire des propositions avant d'avoir poussé jusqu'au bout les réflexions sur les principes qui doivent sous-tendre l'organisation de la recherche et de l'enseignement, voire au-delà, l'organisation de la société dans son ensemble. Nous sommes convaincus que la Politique (la vie de la cité) se fait en deux temps : d'une part la mise en place des objectifs et des rêves communs, et ensuite, la gestion nécessaire pour les atteindre. Les propositions ne viendront donc que dans un deuxième temps, une fois les principes clairement établis.

 

Ce sont donc les principes que nous allons essayer ici de développer, vu que notre temps de travailleurs est compté !

 

Définir les buts d'une recherche scientifique publique idéale

 

Les principes fondamentaux de la recherche et de l'enseignement sont abordés au sein des textes soumis aux EG d'une manière si superficielle qu'ils semblent être uniquement une vitrine, un travail secondaire rapidement expédié pour pouvoir se ruer sur les problèmes de gestion qui, clairement, intéressent beaucoup plus les participants aux EG, car c'est là que se matérialise le pouvoir. Ces principes sont donc bien évidemment peu mis en perspective face à la société nationale, européenne ou internationale.

 

Quels sont les principes fondamentaux au sein du monde de la recherche scientifique publique, notamment en terme d'éthique ? À qui s'adressent les résultats de la recherche scientifique publique, quel regard et quelle critique de la société ? Autant de sujets fondamentaux pour tout acteur de la recherche, mais autant de discussions que nous ne rencontrons jamais, pas plus aujourd'hui, suite aux EG, qu'hier, aux pauses-café dans nos laboratoires.

 

Nous sommes convaincus que le monde de la recherche publique doit se penser comme une société idéale, basée sur des principes humanistes forts et universels. La recherche publique est une activité développée par la société et dont les fruits doivent être accessibles à tous. Ses missions doivent être clairement définies par l'ensemble des individus sans exception. Une fois ses objectifs acceptés de la manière la plus large possible, aucune économie n'est envisageable. Tous les efforts doivent être faits pour que ces missions soient remplies, ces objectifs réalisés. Nous comptons ici nous poser, non pas en gestionnaires, mais en utopistes, en repensant la recherche avec nos simples mots, notre structure de pensée, nos moyens intellectuels et conscients de nos limites et de notre prétention à repenser un sujet aussi vaste. Nous chercherons alors à exprimer les buts d'une recherche scientifique idéale, pour ensuite redéfinir ses bases organisationnelles.

 

En plus clair, il s'agit d'espérer un milieu de la recherche sans hiérarchie, sans évaluation de qui ou de quoi que ce soit, sans barrière avec le reste de la société, pour une compréhension « de tout » et pour tous…….sans frontière, fraternelle dans le sens où les différents acteurs de la recherche au sein de différentes équipes se doivent de travailler ensemble dans leur différents domaines pour cette compréhension du monde et non en compétition pour la gloire du premier à avoir publié !

 

Nous avons commencé par chercher à définir ce qu'est de manière générale un service public, la recherche publique et l'enseignement en étant deux exemples, fortement liés l'un à l'autre d'ailleurs. Ainsi, dans toute société, un certain nombre d'individus ont pour mission de réfléchir de manière plus poussée à la manière de répondre à des besoins partagés par l'ensemble de la communauté (fournir de la nourriture pour tous, apprendre à lire aux enfants, transporter les gens d'un endroit à un autre, etc.), puis d'agir et mettre en pratique les fruits de ces réflexions. Ces activités, si elles sont au service du groupe, doivent aussi naturellement satisfaire au mieux les aspirations de chacun. Elles ne sauraient être ni une délégation définitive, ni un renoncement, les acteurs de ces services mettant constamment à jour leurs missions en accord avec la société toute entière. C'est aussi dans ce cadre élargi de service public que doivent être pensés les principes fondamentaux de la recherche publique et de l'enseignement.

 

Ensuite, les missions que la société confie à la recherche et à l'enseignement supérieur sont en pratique assumées par d'une part (i) des acteurs, dont la variété, la complémentarité et la coopération font la force, acteurs qui évoluent d'autre part dans (ii) des structures dont le but est de leur permettre de remplir le mieux possible leurs missions. Comme les acteurs de la recherche et de l'enseignement, ces structures sont elles aussi diverses, de l'échelle locale à l'échelle intergalactique.

 

Enfin, nous aborderons le thème de l'évaluation, pour affirmer que nous rejetons ce concept induisant un jugement, une tentative de quantification tout à fait déplacée de la valeur des gens ou des structures, au profit des notions de dialogue collectif, de critiques constructives et de coopérativité.

 

Comment cherche-t-on ? Des connaissances perpétuellement remises en causes

 

La recherche scientifique publique et l'enseignement supérieur ont selon nous pour objectif de créer de nouvelles connaissances par un questionnement incessant de ce qui est considéré comme connu, associé à une observation continue du monde dans lequel nous vivons. La logique scientifique est celle de l'éternel scepticisme : il faut tout mettre en oeuvre pour pousser à bout les théories, pensées et croyances existantes, pour en atteindre les limites et ainsi parvenir à les dépasser. Ce questionnement ne peut clairement pas être celui d'un seul individu, de même que les résultats de la recherche sont le fruit d'un travail collectif. Collective est l'élaboration des savoirs, dans leurs aspects théoriques aussi bien que pratiques. Et au-delà des seuls acteurs de la recherche et de l'enseignement, la participation de la société tout entière est primordiale : sa participation sur les choix opérés par tout service public doit être permanente. De manière générale, considérant que le travail est une partie et une partie seulement de l'investissement des individus pour la communauté, le temps alloué à celui-ci devrait être réduit et égal pour tous, de façon à permettre à tous les individus de participer de manière beaucoup plus poussée aux débats dédiés aux orientations de la société, c'est-à-dire à la politique au sens littéral du terme.

 

Il y a ici un point caractéristique de notre société actuelle : certains sont investis d'un savoir et méprisent la parole de « l'inculte ». On voit donc bien une dualité entre fausses entités : les acteurs de la recherche d'un côté, le reste des citoyens de l'autre. Mais, les acteurs de la recherche sont des citoyens et les citoyens sont des acteurs de la recherche. Chacun de nous est susceptible de faire avancer les connaissances du monde (qui donc n'a jamais eu une réflexion profonde ou fait une expérience intéressante pendant qu'il était aux toilettes ou sous la douche ?). Cette capacité n'est aucunement réservée à un peuple d'élus. Nous sommes convaincus qu'il conviendrait de faire cesser ce dia-logue pour n'en faire qu'une seule et même entité vraie : une société qui s'auto-critique, qui cherche à améliorer son destin dans un esprit d'égalité.

 

Les missions de la recherche et de l'enseignement sont multiples, et aucun individu ne peut les assumer toutes. Chacun possède des compétences particulières qui évoluent sans cesse et qui, mises en commun, permettent à l'ensemble des acteurs impliqués de mener ces missions à bien. Il existe bien des métiers différents, qui ne peuvent être rassemblés sous un statut unique qui serait la négation de leur diversité. De plus, les non-scientifiques sont à même de contribuer à ces avancées des connaissances. Tout le monde peut avoir son mot à dire sur n'importe quel sujet, il suffit de lui demander.

 

Qui accède aux résultats de la recherche ? De la connaissance universellement accessible

 

Ce n'est pas tout de faire évoluer nos connaissances, encore faut-il que celles-ci soient accessibles à la totalité de la population de la planète. La recherche publique est au service de l'humanité et non pas d'une nation. C'est pourquoi nous sommes opposés à toute idée de propriété intellectuelle (matérialisée entre autres par les brevets), de caractère marchand des savoirs et de leurs applications, de rétention des connaissances par une minorité, qui lui confère un pouvoir important, source inévitable d'oppression. Il ne doit y avoir aucune dynastie ni de savant, ni d'expert, ni de riche (d'un point de vue économique ou culturel), ni de pauvre.

 

Il y a dans un premier temps les résultats bruts de la recherche fondamentale, qui pourraient être qualifiée d'analytiques. Tout un travail de synthèse, de conceptualisation, de recoupements et d'analogies, bref une certaine maturation de cette connaissance brute est nécessaire pour la transformer, tel le jus de raisin en grand cru classé, en quelque chose de profitable à tous. Attention, il ne s'agit surtout pas d'éluder la complexité. Notre monde est complexe, c'est-à-dire dynamique, fait d'éléments imbriqués et interdépendants, un ensemble dont le fonctionnement est impossible à cerner dès le premier coup d'oeil. Il ne faut pas se le cacher : certaines choses demandent un effort pour être comprises et maîtrisées.

 

Une approche simpliste dénature l'essence même du message originel, elle se généralise malheureusement dans les entreprises de vulgarisation de la science, dont l'objectif est désormais de devenir divertissantes pour être compétitives face aux parcs d'attractions ! Mais, au moins autant que les connaissances nouvelles, c'est l'esprit scientifique qui doit diffuser dans l'ensemble de la société, cette culture du questionnement du monde par l'expérience. Et les acteurs de la recherche ont autant à apprendre que les "non-spécialistes" dans le dialogue qui les rassemble. La transmission ne saurait être dirigée dans un seul sens, tel le gavage des oies.

 

Une recherche scientifique publique et un enseignement pour tous doivent bien évidemment être pratiqués partout, au Nord comme au Sud, sur chaque continent du globe. Si la connaissance ne peut connaître de frontières, il en est de même pour sa quête et son élaboration. Les frontières définissant les limites de chaque pays sont des limites qui se sont précisées au cours de l'histoire, sur des critères flous, le plus souvent des rapports de forces. Les frontières renforcent donc une compétition malsaine entre Homo sapiens sapiens, voire la génèrent. Le concept de frontière est donc néfaste à toute idée de communauté humaine agissant dans un esprit de collaboration. De manière équivalente, le concept de frontière nous paraît néfaste à une recherche scientifique œuvrant pour l'amélioration de la condition humaine. Chaque pays doit pouvoir héberger des structures de recherche et d'enseignement, autonomes dans leur fonctionnement, mais en interaction et en coopération les unes avec les autres au niveau planétaire. Aujourd'hui, la stratégie des pays du Nord à l'ère post-industrielle est de faire la course aux connaissances et aux innovations et de les protéger pour consolider leur position dominante. Alors que les unités de production sont délocalisées pour réduire les coûts, les connaissances deviennent une source de richesses, de pouvoir et de domination dont l'importance ne cesse de croître. Il est aujourd'hui question de breveter le vivant ou encore les idées ! Cette logique est en opposition totale avec le principe de coopération que nous soutenons et il faut la combattre avec force.

 

Une harmonie est nécessaire pour assurer une bonne communication, mais elle ne doit pas se transformer en uniformisation : c'est la diversité des cultures et des modes de pensée qui est en grande partie responsable de la fécondité de la recherche. Cette coopération internationale sur le plan de la connaissance ne peut être mise en place sans une coopération beaucoup plus générale qui passe par la disparition de toute forme de hiérarchie et le rejet de la société de consommation comme modèle unique et universel.

 

L'enseignement, un mode de transmission des savoirs spécifiques

 

De même que la recherche ne peut être féconde que dans un climat de coopération, l'enseignement est une activité qui nécessite une continuité des moyens et une coordination de tous les acteurs impliqués. La qualité d'enseignant n'étant pas innée, une formation sérieuse des enseignants-chercheurs doit être mise en place. L'enseignement est un métier difficile qui nécessite des moyens à la hauteur de ses missions et une reconnaissance de ses acteurs. Toutes les contributions proposant d'obliger les enseignants-chercheurs mal évalués en recherche à faire beaucoup plus d'enseignement illustrent bien l'estime que l'on porte à ce métier ! Pourquoi ne pas poursuivre la logique jusqu'au bout et rajouter une punition exemplaire, allez, disons « cent coups de fouet et dix jours au trou, pour ces incapables » !!! Il est étonnant que personne n'ait jusqu'ici proposé, à l'inverse, de « punir » ceux dont l'enseignement aurait été mal évalué en les obligeant à ne faire que de la recherche...

 

Profitons de l'occasion pour parler un peu des primes, et de la méritocratie en général ! Là encore, ce qui frappe le plus, c'est la frilosité de ceux qui défendent et développent cette logique. Des décharges d'enseignement, des espèces sonnantes et trébuchantes pour les chercheurs et les hospitaliers, quelle modestie, quelle retenue ! Les meilleurs d'entre nous méritent tout de même mieux que ça, voyons... Il est vrai que dans un monde où désormais tout se monnaye, l'argent donne finalement accès à tout ce que l'on veut, mais tout de même, c'est un peu frustrant de toujours tout s'offrir soi-même. Il est bien plus agréable et flatteur de recevoir cadeaux et récompenses d'un autre. Imaginez le bonheur du chercheur méritant, recevant de son vénérable patron un magnifique et luxueux coffret, contenant un technicien compétent, un doctorant docile et un post-doctorant hyper-actif ! Des larmes de joie roulent sur ses joues.

 

L'évaluation ou pourquoi hiérarchiser les relations intergalactiques ?

 

Que les résultats d'une recherche (en sciences dures entre autres) soient négatifs ou positifs, ils apportent à la compréhension de phénomènes. Bonnes, mauvaises équipes de recherche, bons ou mauvais résultats n'existent pas. Tout apporte à la compréhension, à la connaissance.

 

« L'évaluation » ? Elle se fait toute seule à partir du moment où les connaissances avancent et qu'elles sont transmises au monde. Les acteurs de la recherche espèrent simplement faire avancer les connaissances, qu'elles soient applicables ou pas n'est pas l'essentiel… À bas les prix nobels (d'ailleurs nous refusons d'y mettre une majuscule !) et autres récompenses type légion d'honneur !

 

A l'instar de nos amis Hélène Cherrucresco, Didier Pélaprat ou Alain Accardo, revenons à la définition de l'évaluation ; l'évaluation consiste à « porter un jugement sur la valeur d'un processus ou d'une production en fonction de critères déterminés ». Nous y sommes confrontés dès l'enfance avec l'évaluation scolaire, sous forme d'examen : « la note obtenue compte pour la moyenne générale, le passage dans la classe supérieure ou l'obtention d'un diplôme. L'évaluation, dans ce cas, a donc une fonction de certification et de sélection : elle contrôle le degré de conformité des résultats à une norme préétablie en comparant les élèves entre eux ».

 

Au sein des Etats Généraux de la Recherche, cette question est très débattue et a même fait l'objet d'un des 4 thèmes à part entière. Tout le monde tente de trouver le meilleur moyen d'évaluer, mais personne ne remet en cause le fait même d'évaluer. Alors posons-nous la question : pourquoi « évaluer », pourquoi vouloir à tout prix « donner de la valeur » ? Cette volonté s'inscrit logiquement dans notre société marchande capitaliste, cette société de « l'avoir » et non de « l'être ». Mais, imaginons une seconde une société différente où les principes de base seraient fondés sur « l'être » et non « l'avoir », où la notion de hiérarchie, verticalité engoncée dans la bourgeoisie, serait remplacée par une horizontalité où tout le monde a sa place, son importance, ses compétences et, là nul besoin d'évaluation. Finalement, il y a évaluation, car il y a hiérarchie. Si tout le monde parle d'égal à égal (relations horizontales entre les individus), l'évaluation n'a plus lieu d'être, il ne peut y avoir que débat. De plus, pour évaluer quelque chose, il faut le faire en référence à des objectifs. Sachant qu'un des objectifs principaux de la recherche publique est l'acquisition de connaissances pour l'ensemble de la société, s'il n'y a aucun enjeu de pouvoir personnel, alors on peut simplement discuter sur comment faire pour mener à bien cette mission ensemble, avec tous les acteurs de la société, tous différents, mais tous importants.

 

Comme nous l'avons déjà écrit plus haut, les individus travaillant dans les secteurs de la recherche dégagent de la connaissance "brute" dans un premier temps. Cette connaissance doit ensuite être transformée en données intelligibles par tous, suite à de nombreuses comparaisons, critiques, synthèses, en un mot une certaine maturation, pour finalement profiter à l'ensemble de l'univers intergalactique. Comment réaliser ce passage de relais ? En l'absence de hiérarchie, la parole n'est pas réservée à des spécialistes, planqués derrière un vocabulaire très spécifique incompréhensible pour le commun des mortels. Aujourd'hui, l'utilisation par les différentes écoles et chapelles de jargons tous plus hermétiques les uns que les autres n'a pour but que d'empêcher tout non-spécialiste de pouvoir formuler le moindre commentaire ou la moindre critique sur un travail donné. Ce cloisonnement des connaissances est à combattre absolument ! Le fait que nous ayons tous accès au même langage est déjà indispensable pour se comprendre. De plus, la démarche scientifique et l'esprit critique doivent être développés dès le plus jeune âge, afin que chaque individu acquière curiosité, devoir de scepticisme, expérience et repositionnement constant du questionnement grâce à l'interaction avec les autres.

 

Excluons une fois pour toute la hiérarchie de la transmission des savoirs, c'est-à-dire, ne plus avoir d'un côté ceux qui détiennent le savoir et de l'autre ceux qui vont le recevoir. L'effort doit venir de tous et l'apprentissage est à double sens : celui que l'on nomme "enseignant" est aussi un « apprenant », qui fait évoluer ses connaissances, analyses et synthèses, et progresse au gré de ses contacts avec les « apprenants ».

 

S'il doit y avoir une « évaluation », celle-ci devrait se baser sur la motivation de l'individu à remplir telle ou telle mission, sa capacité à se remettre en question (par exemple, revenons à des trucs très terre à terre, je suis prof, je dois avoir retour permanent sur l'efficacité de mon cours, a-t-il été compris par tous, suis-je allé-e trop vite, mes explications sont-elles claires etc., etc.). Il s'agirait en fait plus d'un contrôle de l'éthique de la mission que d'une évaluation.

 

« Tu veux réaliser quelque chose ? hé bé je t'aide à le faire », les compétences voyageraient comme les idées, « rien dans les mains, rien dans les poches, tout dans la tronche  » (1). En allant jusqu'au bout de cette notion, les concours deviennent totalement inutiles. En effet, il s'agirait plutôt d'accompagner l'autre dans sa construction, lui transmettre tout son acquis sur le terrain, dans un premier temps. Au cours de cette expérience de compagnonnage, l'individu construirait ou non l'envie de continuer cette mission, puis serait lui-même intégré dans le métier pour lui aussi transmettre et « compagnonner » un nouvel arrivant, et voili, la roue tourne, le personnel se renouvelle et s'enrichit à chaque génération sans recommencer l'histoire à chaque fois. Pour réaliser cela, il faut beaucoup plus de temps et cela est donc indissociable d'une diminution du temps de travail. Il nous semblait pourtant qu'on était assez nombreux dans cet univers intergalactique pour y occuper une place de choix et ne pas laisser sur le côté des millions d'êtres humains désœuvrés, exploités sans aucune mission à remplir. Les théories de société actuelles veulent nous faire croire à la liberté, au « si tu veux, tu peux » ; mais cette analyse malhonnête ignore la réalité de la vie de tous les jours, ignore le fait que personne ne se construit tout seul, que nous ne sommes pas déterminés par une série de gènes affectant tels ou tels caractères, mais que ceux-ci réagissent à notre environnement.

 

Mais alors, nous entendons crier au scandale. « Comment ça pas d'évaluation, pas de concours… ? Mais qu'est-ce qu'ils racontent, comment va-t-on choisir le « meilleur candidat », à qui va-t-on attribuer l'argent pour développer tel ou tel projet ? Nous, qui avons si laborieusement planché sur l'idée d'une agence de moyens, d'une agence d'évaluation et d'un conseil de la recherche pour la prochaine réforme…. ? » Et cela nous ramène aux critères d'évaluation, le « meilleur » candidat est meilleur en quoi ? Quels critères sont les plus importants : la rapidité de synthèse, l'esprit d'équipe, la production, l'encadrement, la transmission des connaissances, les qualités d'écoute, de partage, de compréhension, la curiosité, etc.….. On pourrait trouver des milliers de critères différents pour définir l'individu en question. Nous pensons de notre côté que le meilleur critère est l'envie de réaliser cette tâche, envie innée ou acquise, que chacun construira, à sa propre vitesse, différemment, avec son histoire particulière.

 

D'une Ebauche De Conclusion

En Attendant

D'avoir Le Temps

De La Réflexion…

 

Notre contribution aux Etats Généraux de la Recherche de cette année 2004 paraîtra loufoque et farfelue à la plupart d'entre vous, vous qui voulez croire que vous pouvez convaincre les « possédants » du bien-fondé de vos propositions, vous qui ignorez, malgré votre chance d'avoir eu accès au temps de réflexion, au savoir, une analyse de la société actuelle basée sur l'existence de classes, quel que soit le référentiel (économique, socioculturel…) que l'on décide.

 

Vouloir croire que l'on peut réformer le système de l'intérieur est une belle idée, il fallait essayer, mais il faut aussi s'arrêter et faire le constat de l'échec de cette méthodologie. La violence fait peur à tout le monde, mais il est des choses que certains ne lâcheront jamais, qu'il faudra leur prendre de force…. Commençons par essayer de prendre la parole oui, mais il faudra aller plus loin, renverser les valeurs, peut être aller jusqu'à tout détruire pour reconstruire la société sur de nouvelles bases ! Une refonte du système oui mais pas celle voulue par le gouvernement ou ce qui circule actuellement dans les EG. Un système repensé qui serait le reflet de pourquoi la recherche, pour qui, pour quoi faire ?

 

APRES, le 27 juin 2004

 

(1) Léo Férré : Il n'y a plus rien

 

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Les Gens d'APRES

(Acteurs Précaires de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur)

http://jccp.ouvaton.org/apres.html

apres@no-log.org

 

Ecrit par Cercamon, à 15:00 dans la rubrique "Social".



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