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A vos horreurs, mon commandant !
Lu sur Oulala.net : « Ce crime et la vidéo qui en témoigne dépassent l’entendement » (Editorial du journal Le Monde à propos de la décapitation de Nick Berg en Irak)

Depuis que des porteurs de glaives agissent au service des puissants, le tranchant des sabres, haches, épées, guillotines et autres lames ont toujours fait voler les têtes : brandies à bout de bras, piquées sur des lances, posées sur un plateau, l’horreur qu’elles inspirent a pour fonction de faire trembler les humbles et remplir d’arrogance les donneurs d’ordre de leur décapitation. C’est dire que le tueur El Zarkaoui n’a rien inventé. Sauf se faire filmer par ses potes en train de commettre son crime et diffuser la vidéo sur les médias. C’est sans doute cela qui « dépasse l’entendement ». Est-ce à dire que les exécutions en chaîne de la Terreur, la décollation de Saint-Jean-Baptiste ou la tête tranchée à la hache de Marie Tudor restent dans la norme, dans la mesure où on n’en a pas de témoignage filmé ?

Les guerres, on le sait, sont des temps de terreur et d’effroi pour les gens qui les vivent, qu’ils soient soldats, civils, brancardiers ou observateurs. Meurtres, pillages, tortures, viols, sont leur lot quotidien. Cela ne dépasse l’entendement de personne. Ce qui révulse les gentils citoyens des démocraties consommatrices de biens et d’images, c’est d’y assister au moment du repas, par journal télévisé interposé. La guerre moderne, aussi puante et sanglante que les autres, devient alors un simple problème de communication (autrement dit, de « pub »).

Toutes les guerres commencent pas des flonflons, des chants, la fleur au fusil, et autres joyeusetés de départs en campagne. On va gaiement sauver la patrie, défendre le socialisme, renforcer la démocratie, exporter la civilisation, ou autre baliverne publicitaire donnant une excellente raison de marcher, tambour battant, sus à l’ennemi.

Mais la guerre a son art qui ne doit rien à la beauté des choses. Sa raison paraît bonne après la victoire pour les vainqueurs, et mauvaise après la honte de la défaite pour les vaincus. D’un côté, les horreurs sont qualifiées de dommages collatéraux et, de l’autre, elles nourrissent le ressentiment des survivants. Le sang est clair quand il jaillit, c’est quand il sèche qu’il prend mauvaise allure. C’est pourquoi les guerres commencent propres, comme lavées par la fraîcheur de la ventraille palpitante, des chairs sanguinolentes, des râles des mourants et des hurlements de douleur. La guerre lave rouge, et c’est de la bonne besogne, mon commandant.

Plus tard, les plaies purulent, les croûtes brunissent, les jambes se gangrènent et les lendemains annoncés ne chantent que des oraisons funèbres. Quand les troupes occupent le terrain, des poches se mettent à résister et les opérations de basse police remplacent les grandes manœuvres militaires. L’ennemi est partout et nulle part, abreuvé de la haine qu’on lui inocule en tuant ses amis, sa famille ou simplement ses voisins. On le traque, on le débusque, on l’enchaîne, on l’humilie. La guerre a perdu la belle et franche couleur du sang qui gicle sous la mitraille. Elle prend une odeur de merde et de peur, sous le sourire béat des vainqueurs devenus bourreaux. Ces salauds sont embusqués de partout, mon commandant !

Alexandre dit Le Grand, César, Gengis Khan, Tamerlan, Napoléon, Staline, Al Capone, tous les tyrans ont fait trembler leurs adversaires en leur montrant avec quelle férocité ils terrassaient ceux qui leur résistaient. On a planté des têtes sur des piques, cloué des bébés aux portes, massacré des villages, brûlé vifs des enfants, violé des gamines et des gamins, crevé des yeux, tranché des mains, grillé des sexes. La guerre se fait en dentelle avec la peau des gens. Il faut leur montrer de quel bois on se chauffe, mon commandant !

Le prisonnier, de guerre ou non, est une personne qu’on a dépouillé de son humanité, en la privant de liberté. Entraves aux pieds ou bracelets de fer sont des outils pour transporter les animaux présumés sauvages. Traité ainsi par ses gardiens, le prisonnier n’est plus qu’un mammifère. Enfermé comme un fauve, il n’a d’humain que l’apparence. C’est pourquoi, dès qu’on confie à des gens la charge de garder des prisonniers (fût-ce fictivement pour une expérience universitaire), ils tendent à se comporter avec eux de manière inhumaine : d’ordinaire, les humains ne se sentent pas coupables d’humilier, voire de maltraiter, des mammifères. Et comme malgré tout, les prisonniers ont apparence humaine, pourquoi ne pas jouer avec leurs corps comme avec des poupées gonflables ? Plus les prisons sont « de sécurité » et plus le sort des détenus s’apparente à celui d’animaux en captivité. Les militaires américains en Irak traitent leurs prisonniers à peu près de la même façon que les matons des quartiers de haute sécurité au Texas. Pire que des chiens (car ils ne violent pas les quadrupèdes).

Décapiter un otage, faire sauter un autobus plein de passagers, exploser une voiture à la roquette avec tous ses occupants, attaquer un appartement à l’hélicoptère de combat, il n’y a pas de limite à l’horreur quand on absout le crime sous des raisons d’Etat ou de religion. Lorsqu’en plus on s’arroge le droit d’exécuter les criminels, par pendaison, injonction de poison, garrottage, survoltage ou d’une balle dans la tête, on devient un tueur parmi d’autres. La seule différence est que les assassins d’Etat (ou d’ordres religieux) ont le droit pour eux. Qu’il soit démocratique ne change rien.

Toute cette ignominie est à la portée de l’entendement de n’importe qui. Mais d’habitude, cela se fait hors champ et les caméras de surveillance du pouvoir, fussent-elles baptisées chaînes d’information, n’en diffusent pas les images. Là est le hic qui fait tiquer les blancs becs. Gageons qu’à l’avenir, les bourreaux seront plus circonspects en prenant des photos souvenirs de leurs exactions. Surtout qu’à l’époque du tout numérique, elles se distribuent en un instant sur internet. Saluons néanmoins au passage le bel exemple d’émancipation féminine que nous ont fourni ces documents venus d’Irak : désormais, en Occident, toutes les fonctions sont ouvertes aux femmes, même celle de tortionnaire.

Les Empires se situent tous pour eux-mêmes sur l’axe du Bien et tous ils répandent la souffrance comme un Mal nécessaire. C’est là le plus fameux résultat de l’Autorité quand elle se veut « morale », cette sangsue qui transforme les cervelles des employés modèles en machines à exécuter des ordres. On se bat pour la juste cause, n’est-ce pas, mon commandant ?

Paul Castella (Reproduction possible)

Ecrit par libertad, à 22:40 dans la rubrique "Pour comprendre".



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