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Fig.1 : Un milicien au casque orné d’une cible avec Durruti |
C’est en avril 1964, sur la couverture du bulletin Jeunes libertaires qu’apparait le dessin d’un sigle que le groupe J.L. de Paris propose « à l’ensemble du mouvement anarchiste » par delà les différents courants et les divers groupes ou organisations. « Deux motivations principales nous ont guidés : d’abord faciliter et rendre plus efficace les activités pratiques d’inscriptions et affichages, ensuite assurer une présence plus large du mouvement anarchiste aux yeux des gens, par un caractère commun à toutes les expressions de l’anarchisme dans ses manifestations publiques. Plus précisément, il s’agissait pour nous de trouver un moyen pratique de réduire au minimum le temps d’inscription en nous évitant d’apposer une signature trop longue sous nos slogans, d’autre part de choisir un sigle suffisamment général pour pouvoir être adopté, utilisé par tous les anarchistes. Le sigle adopté nous a paru répondre le mieux à ces critères. En l’associant constamment au mot anarchiste il finira, par un automatisme mental bien connu, pa évoquer tout seul l’idée de l’anarchisme dans l’esprit des gens. »
Fig.2 : Jeunes libertaires, avril 1964 |
Le sigle proposé est un A majuscule inscrit dans un cercle (fig. 2) ; Tomás Ibañes en est l’initiateur, René Darras le réalisateur. D’où vient l’idée, de la simplicité de réalisation (en particulier avec la méthode d’impression par stencils de l’époque !), du sigle antimilitariste déjà répandu du CND (Campaign for Nuclear Disarmament, fig. 3), d’autres inspirations ? L’Alliance ouvrière anarchiste affirme l’avoir utilisé dans sa correspondance dès la fin des années 1950 (fig. 4) ; mais il ne figure dans son bulletin qu’à partir de juin 1968.
Fig.3 : Bannière antinucléaire du CND |
La proposition des J.L. de 1964 n’a eu aucun succès, hormis quelques graffitis dans les couloirs du métro parisien - n’oublions pas qu’alors on imprimait soit sur stencils, soit en typographie classique, et qu’il aurait donc dû falloir réaliser un cliché au plomb figurant un A inscrit dans un cercle. En décembre de la même année, le A cerclé apparait en titre d’un article signé Tomás [Ibañez] dans le journal Action libertaire [1] (fig. 5). Le réseau des Jeunes libertaires, qui comptait au début des années soixante plusieurs groupes dans toute la france, s’est affaibli : les bulletins régionaux ne paraissent plus et le bulletin parisien sera en sommeil de 1965 à 1967 : plusieurs « J.L. » seront par la suite aux premiers rangs du mouvement de Mai 68. Fin du premier chapitre.
Fig.4 : Lettre de l’AOA à Open road (Canada, 1984) |
Il faut attendre 1966 pour que le symbole du A cerclé soit repris et utilisé, d’abord à titre expérimental puis réguliè rement, par la Gioventù libertaria de Milan, qui avait des rapports fraternels avec les jeunes Parisiens. Ces deux groupes ont été à l’origine du Comité européen de liaison des jeunes anarchistes (CLJA). C’est alors que commence la vie publique du sigle.
Fig.5 : Action libertaire, décembre 1964 |
Les premières fois qu’on le voit, c’est justement à Milan (fig. 6), où il sert de signature habituelle aux tracts et aux affiches des jeunes anarchistes, parfois associé au signe antinucléaire et à la pomme des Provos hollandais. Puis il s’étend en Italie, puis dans le monde entier ; mais on n’a presque point vu de A cerclés pendant le mai parisien en 1968, les premières traces n’apparaissent guère qu’en 1972-1973. C’est en effet au début des années 1970 qu’explose la mode du A cerclé, que s’approprient et qu’imitent les jeunes anars dans le monde. Il connait un tel succès que, selon un avis autorisé, si son inventeur l’avait breveté il serait milliardaire aujourd’hui (fig. 7).
FIg.6 : Tract milanais |
Pourquoi ce succès si rapide, si frappant ? Il est dû aux motifs mêmes qui avaient fait proposer le sigle par les J.L. : d’une part il est extrêmement facile à dessiner, aussi simple que la croix, plus simple que la croix gammée ou la faucille et le marteau : d’autre part, un mouvement nouveau, jeune, en plein développement, avait appris à écrire sur les murs et se charchait un signe de reconnaissance. C’est ainsi que le A cerclé s’est imposé de fait, sans qu’aucune organisation ni groupe n’ai jamais songé à en décréter l’utilisation, et en l’absence d’un autre symbole graphique international des anarchistes (qui utilisaient parfois une symbolique désuète, comme la torche en Italie).
Fig.7 : revue Agora (Toulouse, 1982) |
Voilà donc la vérédique histoire du A cerclé, faite de volonté consciente et de spontanéité : un cocktail typiquement libertaire. Toute autre histoire est légende.
Amadeo Bertolo, Marianne Enckell
[1] Action libertaire, n° 4, Paris, déc. 1964, article titré : « Perspectives Anarchistes »