Lu sur
le Monde libertaire : "C’est ce que l’on pourrait appeler « ne pas vouloir appeler un chat un
chat » : à propos de la pénalisation des clients des travailleuses et
travailleurs du sexe, lors de son audition par la commission spéciale
prostitution de l’Assemblée nationale, la ministre de la Santé a pris
une position à la fois originale et qualifiée, par l’association Act up
Paris, de « criminelle » : elle n’a pas pris de position du tout ! Alors
que l’ensemble des associations de santé, de santé communautaire et de
lutte contre le sida s’opposent à la mise en place de la pénalisation
des clients des travailleurs du sexe, Marisol Touraine a asséné : « Il
ne m’appartient pas d’avoir une position en tant que ministre en charge
de la santé sur ce point précis. » Cependant, dans son exposé
introductif, la ministre a indiqué prendre en compte les multiples
rapports et expertises qui vont à l’encontre de la mise en place de la
pénalisation des clients. Elle a en effet mentionné à plusieurs reprises
le récent rapport de l’Igas publié à la Documentation française et cité
deux études attestant des conséquences sanitaires dramatiques, liées à
la mise en place du « modèle suédois » et rappelé l’avis de la
commission mondiale sur le VIH et le droit du Pnud
1, soit :
« La loi suédoise aurait aggravé les conditions de vie des travailleurs
et travailleuses du sexe et ce faisant rendu plus difficile leur
accompagnement sanitaire. » Marisol Touraine a également insisté sur
« l’incidence notoire sur la santé des mesures qui accroissent la
clandestinité des personnes prostituées », et relayé les constats
d’associations de terrain concernant la dispersion des prostituées de
rue depuis la mise en place de la LSI
2 et son arsenal
répressif. La ministre a, donc, énuméré les raisons d’ordre sanitaire de
s’opposer à la mise en place de la pénalisation des clients, pour
finalement refuser de se prononcer ! Quel courage politique… Pour sa
part, Act Up-Paris avait rencontré, courant octobre, le cabinet de la
ministre. Questionnés sur leur position quant au projet de loi
abolitionniste, ses membres avaient alors indiqué que le ministère était
opposé à la pénalisation des clients des prostitués, sur les mêmes
constats et orientations que les associations de santé. Mais, bien
évidemment, le discours public est sorti rempli de nuances… La ministre
de la Santé s’est défaussée, ne s’est prononcée sur rien et a annoncé
que « rien n’était de son ressort ». Alors, si Marisol Touraine
reconnaît n’avoir aucune opinion, aucune prérogative, pourquoi est-elle
élue ? Et qu’on ne vienne pas reprocher aux anarchistes de dire tout
haut ce que beaucoup pensent tout bas : que les élus ne servent à rien
et que les individus ne doivent compter que sur leurs propres forces !
1. Programme des Nations unies pour le développement (Pnud).
2. Loi sur la sécurité intérieure.