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L'En Dehors


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La société du risque est-elle une fatalité ?
Lu sur le Monde libertaire : "Dans la nuit du 27 au 28 février dernier, sous la tempête Xynthia, des inondations provoquent, en Vendée, la mort de 53 personnes et rendent inhabitables de nombreuses maisons. La plupart des propriétaires sont relogés de façon précaire dans leur famille ou dans des meublés qui ne seront plus disponibles à partir des vacances d’été. Et comme si le cauchemar n’était pas assez douloureux, ce sont 1 395 maisons qui vont être rasées dans les zones à risques maximum. Des maisons remplies de souvenirs, habitées par des gens simples. Mais le préfet (dont la demeure cossue est à l’abri des vagues) rassure : « La recherche des responsabilités ne sera pas éludée. » Alors précisément examinons un peu.

Un drame prévisible
Beaucoup d’élus insistent sur la jonction « extraordinaire » de trois phénomènes naturels : une grande marée, des vents violents et une forte dépression qui ont fait monter d’un mètre le niveau de la mer. Certes la cause du drame, c’est bien la rupture des digues qui a permis à l’océan de s’engouffrer dans de nombreuses habitations. Mais si l’homme n’a pas créé la tempête, ses conséquences mettent en évidence la responsabilité humaine dans la mesure où les pouvoirs publics ont laissé construire dans des zones où il n’aurait jamais fallu construire. Selon un ingénieur des Ponts et Chaussées, plus de 3 000 maisons auraient été construites dans les années 1980, derrière une digue en terre édifiée après de précédentes tempêtes, c’est-à-dire depuis 1940 ! Elle a été entretenue dans le temps par apport de matériaux divers, sans contrôle de leur qualité ni de leur provenance. Cette construction n’a jamais fait l’objet d’un diagnostic approfondi de la part du maître d’ouvrage. Il est avéré, par ailleurs, qu’une élue de La Faute-sur-mer a signé des autorisations de construction dans des quartiers « submersibles » victimes de la tempête… où sa famille gérait des opérations immobilières. Mais la solidarité est-elle condamnable ?
Aujourd’hui, sur fond de règlements de comptes politiques, chacun se renvoie la balle : les municipalités sont accusées d’avoir ignoré les mises en garde répétées des services de l’État ; celles-ci dénoncent, à leur tour, le réveil bien tardif dudit État. La réalité, c’est qu’une politique d’urbanisation à outrance et l’existence d’énormes intérêts économiques ont engendré une corruption à tous les étages : État, municipalités, promoteurs, propriétaires, assureurs, et chacun connaissait parfaitement la situation. Exemple de cette situation ubuesque : un plan de prévention des risques d’inondation avait bien été élaboré par la direction départementale de l’équipement (DDE), dans lequel La Faute-sur-mer, où 29 habitants ont péri noyés, apparaît presque entièrement en rouge. Mais ce document n’a été concocté qu’en 2008, alors que l’urbanisation était déjà largement achevée ! Bien qu’elle ait subi de nombreux événements tragiques (1926, 1937, 1996, 1999…), la région semble avoir perdu la mémoire du risque. Mais la Vendée constituerait-elle un cas isolé ?

Un risque diffus… et croissant
Depuis 1998, l’Europe a connu plus de cent grandes inondations, notamment le long du Danube et de l’Elbe lors de l’été 2002. Depuis cette date, les inondations survenues en Europe ont fait plus de 700 morts (mais aucun ministre ni chef d’État), entraîné le déplacement de plus d’un demi-million de personnes et causé plus de vingt-cinq milliards d’euros de dégâts.
Concernant la France, malgré les centaines de décrets, arrêtés, circulaires, malgré les lois suc­cessives (Barnier, Bachelot, Bou­char­deau…), les inondations demeurent le risque naturel le plus fréquent et le plus dommageable : elles concernent 2 à 3 % du territoire national et plus de 15 000 communes. Un million d’habitants vivent en zones inondables en Île-de-France. Selon un rapport officiel signé en février 2009 par le Commissariat général au développement durable, entre 1999 et 2006, environ 100 000 logements ont été construits dans les zones inondables. Parmi les plus lourdes de conséquences, il faut citer celle de Vaison-la-Romaine en 1992 (47 morts), celles des 12 et 13 novembre 1999 qui ont frappé les départements de l’Aude, de l’Hérault, des Pyrénées-Orientales et du Tarn, celles qui ont eu lieu dans la Somme en avril 2001 (125 communes touchées, 3 400 maisons inondées, 1 155 personnes relogées), celles du Gard en septembre 2002 (395 communes déclarées sinistrées, dégâts estimés à 1,2 milliard d’euros).

Le glorieux aménagement du territoire
Le développement des agglomérations, ces dernières décennies, a accéléré la modification, sous de multiples aspects, du fonctionnement de l’eau. L’une des conséquences les plus visibles de l’urbanisation est l’imperméabilisation des sols, ce qui, d’une part, limite très fortement les possibilités d’infiltration lente de l’eau et donc de réalimentation des nappes souterraines, et d’autre part, se traduit par un accroissement des vitesses d’écoulement. D’où le risque plus grand de sécheresses en été et d’inondations en hiver. Par ailleurs, busés, canalisés, les cours d’eau urbains ont perdu toute possibilité « naturelle » d’épanchement de leurs trop-pleins en cas de crue.
L’industrialisation de l’agriculture accentue largement les effets destructeurs sur l’écoulement des eaux. Outil essentiel dans la politique de concentration foncière, le remembrement a multiplié les conséquences catastrophiques. Arasement des haies et des talus, de la végétation bordant les cours d’eau, drainage à grande échelle, recalibrage des rivières selon la technique dite des « fossés antichars » contribuent également à accélérer la vitesse de ruissellement des eaux (d’où des crues plus rapides et plus fortes), mais en outre bouleversent les sites préexistants, perturbent les écosystèmes aquatiques, appauvrissent les sols et donc les cultures. Phénomènes encore amplifiés par le retournement des prairies et leur mise en culture (les prairies maintiennent une capacité de stockage – « éponges » – deux à quatre fois supérieure à celle des sols cultivés), ainsi que par le compactage des sols par les machines agricoles qui aggrave la « battance » de terres souvent mises à nu durant les périodes de pluies.
Mais l’augmentation des risques d’inondations – et de nombreuses autres menaces – résulte plus largement de cette artificialisation galopante des milieux de vie qu’ont induite la course au profit et la croyance aveugle dans un progrès loin d’être maîtrisé : grands travaux orchestrés par l’État, déferlement de projets à la mesure des ambitions de nouveaux féodaux, frénésie de béton et d’asphalte, tourisme de masse, spéculation immobilière… autant de coups sévères portés à la subtilité des écosystèmes. L’objectif principal était de multiplier les infrastructures routières, autoroutières et ferroviaires, de construire un gigantesque réseau où puissent circuler les marchandises à flux tendu ; un accroissement du trafic, une expansion du marché au mépris de la santé humaine et de l’intégrité de la biosphère.
Il s’agissait bien de favoriser la trajectoire commune du capitalisme et de l’État technocratique : exigence de compétitivité internationale, idéologie de la concentration liée à l’impératif industriel s’appuyant sur des « pôles d’excellence »… Et face aux risques, tout le monde a fermé les yeux. Devant le caractère « implacable » du développement, du modernisme, il eut été archaïque de seulement s’interroger. La logique cumulative des dysfonctionnements administratifs, de la dépravation politique, de la pression démographique, des intérêts économiques, de l’industrie du tourisme a conduit au saccage des différents milieux, et en particulier de l’espace littoral, limité, fragile, érodé par la mer depuis la nuit des temps et aujourd’hui singulièrement menacé par les activités humaines. Mais comme le dit la loi du 25 août 1979 : « La protection du littoral est un impératif national auquel doit satisfaire toute décision d’aménagement. » Braves gens, dormez tranquilles !

Une société du risque
Même si, à elles seules, les inondations représentent les trois-quarts des dégâts causés par l’ensemble des catastrophes « naturelles » en France, le problème posé est beaucoup plus vaste que la seule prévention des risques naturels. L’extension de l’urbanisation, la sophistication technologique, l’utilisation exponentielle de substances chimiques multiplient les risques, accroissent la vulnérabilité des sociétés actuelles, mettent en lumière la « fragilité de (leur) puissance ». Marées noires, explosions d’usines, transports dangereux, champs électromagnétiques, énergie nucléaire, industries alimentaires… Sous prétexte de l’impossibilité d’assurer un risque zéro, les pouvoirs publics et les dirigeants économiques habituent les populations à une culture du risque.
A. Cicollela et D. Benoit Browaeys écrivent, dans Alertes santé (Fayard – 2005) : « L’expérience des crises de sécurité sanitaire, du sang contaminé à la canicule, en passant par l’amiante, montre l’importance de l’alerte et des conditions dans lesquelles celle-ci est traitée. Trop de temps a été perdu à chaque fois entre la reconnaissance scientifique des faits et la prise de décision. Le problème s’est élargi encore ces dernières années avec la fuite en avant que représente la généralisation à l’ensemble de la société de technologies nouvelles qui n’ont pas été sérieusement testées au préalable, qu’il s’agisse des organismes génétiquement modifiés, des téléphones portables ou des nanotechnologies. »
C’est bien la techno-science, dans le cadre aggravant du capitalisme, qui a contribué à l’émergence de l’incertitude et des risques. Alors que la nouveauté est toujours accueillie comme un progrès, que l’innovation s’identifie régulièrement à l’intelligence, que le doute est synonyme de régression, que la volonté de contrôle et de maîtrise sur la nature a entretenu l’illusion d’un futur sans surprise et la prétention de décrire infailliblement le cours des choses, on assiste aujourd’hui à une multiplication des pannes, des défaillances, des événements non prévus, des effets de seuil, des situations de crise, des accidents, des nuisances, des servitudes, des dommages de toutes sortes. S’étendant à l’ensemble des domaines de l’existence, les risques sont d’ordres scientifique, technique, économique, social. Mais s’ils affectent l’ensemble de la société, ce sont, comme toujours, les classes économiquement les plus vulnérables qui sont les plus touchées.

Se réapproprier nos vies
Les auteurs précités écrivent (dans le même ouvrage) : « Le vieux contrat passé entre la science et la société, qui s’était forgé du temps des Lumières, est rompu. Il ne va plus du tout de soi aujourd’hui que tout progrès scientifique est synonyme de progrès pour la société et que les citoyens doivent s’en remettre aveuglément à des scientifiques qui n’auraient de comptes à rendre qu’à leurs pairs. Nous sommes entrés dans la société du risque et, parce qu’elle les subit, la société exige d’être consultée sur ces risques. C’est à elle de décider quels risques sont acceptables et quels risques ne le sont pas, pas seulement aux politiques et aux scientifiques, et encore moins aux producteurs de risques. » Ces auteurs font, par ailleurs, remarquer que, alors que le principe de précaution est inscrit dans la Constitution depuis le 28 février 2005, dans beaucoup de dossiers, c’est l’initiative citoyenne qui a permis de faire progresser la santé publique, bien plus que l’action institutionnelle.
Ce réveil est certes de bons augures, mais ne peut qu’être très insuffisant, ne serait-ce que parce qu’il ne concerne qu’une infime minorité. Tant qu’elles ne maîtriseront pas la totalité de la production des biens et des services, ainsi que de leur distribution, les populations subiront les conséquences néfastes de situations que d’autres auront choisies ou provoquées pour elles. Parce que la vie, qu’elle soit végétale, animale ou humaine, ne pèse rien au regard des placements boursiers. Les mieux placés pour satisfaire leurs besoins sont ceux qui les expriment. à condition toutefois, compte tenu de la situation écologique actuelle, de ne céder ni aux pouvoirs de l’outil ni au vertige d’un savoir désincarné.
Ecrit par libertad, à 20:13 dans la rubrique "Ecologie".



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