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Inde. la face cachée de l’Éden du high-tech
Lu sur l'Humanité : "La crise économique n’a pas épargné les cités de verre de l’informatique et des services indiennes. Le miracle obtenu à coups de délocalisations tourne au mirage. Par 
dizaines de milliers, ingénieurs et techniciens se retrouvent éjectés. Avec la « tolérance zéro pour les salariés non performants », 
les suicides se multiplient…

Inde, envoyée spéciale.

En venant des faubourgs de New Delhi, au-delà des masures et des rues encombrées, le visiteur a du mal à le croire  : brusquement, la ville nouvelle de Gurgaon étale ses richesses avec ses immeubles de verre et ses « malls », temples du commerce à l’américaine. La cité « new-look » prend des allures de laboratoire de la future Inde ou au moins de celle qui brille, représentative de cette nouvelle caste que l’écrivain Pavan K. Varma dénonce pour son « cynisme » ( [1] ). Gurgaon comme Bangalore ou Hyderabad, pour les plus connues, sont des nouvelles Mecque du high-tech, îlots de prospérité vivant au rythme de la globalisation. Ingénieurs, informaticiens, hommes d’affaires et autres nababs dans des bureaux ultramodernes conversent avec Dallas, New York, Londres et Berlin. Le soir venu, des milliers de jeunes formés aux langues et aux accents de leurs lointains clients convergent vers les centres d’appels pour répondre aux demandes des Américains et des Canadiens qui commencent leur journée. Ils œuvrent pour Airbus, Alcatel, Adidas, Citibank, Singapore Airlines, pour ne citer que quelques enseignes planétaires. Cinquième ville de l’Inde, Bangalore, perchée sur le plateau du Deccan, est devenue en quelques années l’une des capitales mondiales des technologies de l’information et de la communication. Quelque 500 multinationales y ont implanté des bureaux ou des laboratoires, au côté des groupes locaux qui ont émergé, devenant des géants de la sous-traitance informatique.

Mais dans ces appendices verdoyants où les pelouses ne jaunissent jamais, le bonheur était-il dans le pré  ? On savait déjà que la crainte de la concurrence était largement invoquée pour que les « happy few » des différentes Silicon Valley indiennes entretiennent un secret pesant sur leur entreprise et surtout sur leurs conditions de travail. Dans les call-centers, gardés par des vigiles, les disquettes et les téléphones portables sont bannis. Avec interdiction d’échanger les mots de passe des ordinateurs ou d’évoquer avec les autres employés les « questions confidentielles des clients ». « On ne communique pas sur la société, ni sur les effectifs ou les salaires », me lançait une jeune cadre d’Oracle, à Bangalore. Mais dans toutes ces tours de verre, la loi de l’omerta s’est fissurée avec la crise économique. « Si, en quelques mois, environ cinq millions d’ouvriers ont perdu leur emploi (autant qu’aux États-Unis) et si l’industrie textile indienne s’est pratiquement effondrée, le secteur des services informatiques a vécu un véritable tsunami », estime H. Mahadevan, l’un des dirigeants du syndicat Aituc. « On estime entre 70 000 et 100 000 le nombre des licenciements dans les sociétés d’ingénierie informatique, dont 10 000 uniquement à Bangalore. » Au total, l’informatique indienne représente actuellement plus de deux millions d’emplois directs, et quatre à six millions d’emplois indirects. Un vrai bug.

Les géants du high-tech ont profité de la crise pour réduire leurs coûts et leurs effectifs. « D’autant plus facilement que les représentations syndicales sont interdites dans ces sociétés », relève Arun, vingt-sept ans, salarié dans une petite entreprise spécialisée dans les systèmes informatisés de surveillance électronique de Bangalore. Il a dû accepter une baisse de salaire de 10 %  : « C’était ça ou la porte. Et je ne me plains pas, d’autres salariés sont en attente d’affectation. » Chez Wipro – qui fait partie, avec Infosys et Tata Consultancy Services, des trois mastodontes des sociétés de service en ingénierie informatique (SSII) de l’Inde – on leur propose de ne venir au bureau que deux jours par semaine… en échange d’une réduction de salaire de 50 %  ! Sushil, la trentaine, a dû se plier aux demandes de la direction de sa société. Il recherche un nouvel emploi mais sans trop d’illusions. « Il faut attendre », dit-il avec philosophie. Sans charge de famille et avec quelques économies, il dit qu’il patiente en restreignant son train de vie. Et c’est justement leur regard sur cette vie qui a changé. Arun et Sushil font partie de ces jeunes privilégiés de l’informatique que les entreprises, depuis la percée indienne dans ce domaine, s’arrachent. Leur salaire pouvait grimper de 25 % ou 30 % en un an, et surtout, ils ne restaient pas en place, espérant toujours de meilleurs gains ailleurs. Avant la crise, le turnover dans l’informatique pouvait atteindre les 80 % par an. Depuis l’été 2008, le vent a tourné, et ils ont appris la peur du lendemain. D’autant plus que ces jeunes sont souvent endettés. Leurs revenus ont attiré les banques qui leur ont fait des offres de prêt tentant.

Le choc de la crise est allé au-delà  : les SSII indiennes, à la recherche d’économies, mettent leurs employés sous pression pour les faire déguerpir plus rapidement. Les avertissements pleuvent pour résultats insuffisants. « Pour ceux qui sont restés en poste, les conditions de travail se sont durcies », confie Arun, qui rappelle que le nouveau concept dans les SSII, c’est celui de « tolérance zéro pour les salariés non performants », selon l’expression du patron des ressources humaines d’Infosys. « Pour certains, c’est devenu un enfer », poursuit le jeune homme, qui avoue ne pas avoir été surpris par les suicides survenus ces derniers mois. Au mois d’août 2009, un ancien employé de Wipro, trente-sept ans, avait déjà révélé à la presse que la SSII l’avait harcelé et poussé vers la sortie. Quelques jours plus tôt, un de ses collègues, analyste, Vishal Yadav, vingt-neuf ans, avait sauté du douzième étage de l’immeuble de la société à Bangalore, dans la soirée. Il venait d’être licencié. Ce ne fut pas le seul  : un autre analyste de l’Hindustan Computers Limited (HCL), Vikas Kumar Sharma, âgé de vingt-six ans, mit fin à ses jours de la même façon.

Arun et ses amis ne veulent pas trop en parler. Mais ils savaient bien que les beautés de l’Eden High-tech avaient leur face cachée. Un article publié sur un site Internet indien de février 2008, avant même le séisme financier américain, s’interrogeait en ces termes  : « Pourquoi Bangalore est-elle la capitale indienne du suicide  ? » En juin 2009, une étude publiée dans India Today, l’un des grands hebdomadaires indiens enquêtant sur le sujet, avait même avancé qu’un informaticien sur vingt à Bangalore songerait régulièrement au suicide. Un psychologue y explique que plusieurs de ses patients, travaillant dans le secteur informatique ou du BPO, sont incapables de faire face au stress généré par leur travail. Dans la liste des facteurs aggravants, le praticien pointait les horaires à rallonge, l’esprit de compétition, l’insécurité au travail…

Alors qu’Infosys, Tata Consultancy Services et Wipro viennent de communiquer des résultats financiers sur le premier trimestre de l’année 2010 en nette hausse, dans les immeubles de verre se jouent toujours des tragédies. « L’activité reprend un cours normal », selon Wipro. « Le groupe de Bangalore a bénéficié d’un redémarrage sur les services IT en offshore. » Mais le 18 janvier dernier une jeune ingénieur de vingt-trois ans, Lakshmi Nair, s’est pendue dans son appartement de Bangalore…

Dominique Bari

Notes :

[1] La Classe moyenne en Inde, naissance d’une nouvelle caste, Pavan K. Varma, 
Actes Sud.

Ecrit par libertad, à 10:28 dans la rubrique "International".
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