Joueb.com
Envie de créer un weblog ? |
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web. |
Originalement, la survie dans ce contexte, et avec les “ besoins
non-rentables ", était uniquement la besogne des femmes. Le procès de
valorisation n’a pas méprisé la chair féminine, c’est à dire, " le
nerf, le muscle, le cerveau " (Marx). Néanmoins, on impose après aux
femmes une double charge. De même dans les sociétés capitalistes d’Etat
de l’ancien bloc de l’Est, dans les centres occidentaux ou dans les
bidonvilles du Tiers-Monde : après la journée de travail, le vrai
travail commençait et commence avec le travail de reproduction pour la
partie de la vie " sans valeur " du point de vue capitaliste. Les
femmes seules auraient succombé depuis longtemps sous ce poids ou bien
la société aurait du être dissoute. C’est pour cela que l’Etat a du
créer additionnellement les aires secondaires, dérivées de la “ vie
sans valeur ” hors de la rentabilité par le moyen des impôts, des
contributions et des systèmes de sécurité [sociale], donc, d’une
certaine façon, par le moyen d'une " saignée " du processus rentable de
valorisation. S’il allait assez loin, cela était vu comme plus ou moins
" social ". Et la critique historique du capitalisme se limitait en
grande mesure à l’ampleur de la saignée, pendant que la terrible
logique de base demeurait intacte et dans l’ombre. Cela était possible
(avec les interruptions des crises) pendant que le processus de
valorisation était historiquement en hausse et pouvait absorber chaque
fois plus de travail rentable. Mais avec la troisième révolution
industrielle, cette expansion a été stoppée. Le niveau de rentabilité
est trop élevé, et laisse en marge trop de personnes capables de
travailler. En conséquence la saignée de la valorisation pour les aires
secondaires s’épuise.
Jusqu’à présent cachée, la tête de méduse intrinsèque à la logique
capitaliste devient visible. Dans le monde entier, les “non-rentables”
doivent expérimenter la " dévalorisation de la vie " absolue ou
relative. Cela concerne tout d’abord, avec de graves conséquences, les
chômeurs de longue durée, les enfants, les adolescents, les malades,
les handicapés et les personnes âgées. En fonction du pays et de la
situation du marché mondial, cela se produit avec plus ou moins de
vitesse, mais on marche inexorablement dans cette direction. Aussi en
ex-RFA, maintenant seulement relativement " riche " dans le sens
capitaliste : on va réduire les prestations de la sécurité sociale, les
soins médicaux, l’assistance aux malades et personnes âgées diminue, on
porte atteinte aux aides sociales, on ferme les crèches. Dans les
écoles le mortier tombe des murs, le matériel didactique vieillit et il
pourrit. Et on ne voit pas la fin des nouveaux projets de coupes
budgétaires. Silencieusement on est en train d’ensevelir toute la
production sociale.
L’ " Agenda 2010 " est un agenda de la démence de la rentabilité qui ne
reconnaît aucune barrière sociale ou morale, car son champ d’action est
devenu trop étroit. Les classes politiques et économiques ne reviennent
que sur la sourde physique sociale capitaliste. Et la vieille et
délaissée critique du capitalisme, limitée à la simple saignée de la
valorisation, décline. Les vieux spécialistes de l’amélioration sociale
se sont recyclés pour la limitation cosmétique des dégâts dans les
détériorations. Les supposés fossoyeurs du capitalisme sont devenus des
auxiliaires des fossoyeurs de la société humaine. Sous ces
circonstances historiquement nouvelles, l’ancien rôle syndical
social-démocrate, en termes de son contenu social, s’est transformé en
son contraire. Il serait flatteur de décrire comme étant un engagement
corrompu ce qui est le résultat de la faible révolte contre l’ " Agenda
2010 ", qui est par malheur prévisible. Là où la capacité de gouverner
devrait être sacrifiée au nom de la résistance sociale, au contraire,
on sacrifie la résistance sociale au nom de la capacité de gouverner.
Mais les choses ne se limitent pas à l’Agenda. Ce que l’on veut vendre
comme sacrifice pour la supposée maintenance substantielle des aires
vitales “non rentables” c’est seulement une partie du chemin vers
l’impasse historique du cannibalisme capitaliste. Ce système ne se
laisse plus duper dans sa biophobie. Le principe absurde de rentabilité
doit tomber : Non rentables, unissez-vous !
Robert Kurz 02-05-2003
Théoricien allemand d'abord dans la revue/groupe Krisis puis aujourd'hui dans la revue/groupe Exit. Crise et critique de la société marchande ; intellectuel qui s'est volontairement marginalisé, il est travailleur de nuit dans une usine d'emballement de journaux.
La photo d'illustration correspond au mouvement des diplômés chômeurs au Maroc en juillet 2009.
Pour découvrir le courant multiforme de la critique de la valeur, quelques textes :
Christian Höner, Qu'est-ce que la valeur ? De l'essence du capitalisme. Une introduction.
Anselm Jappe, Pourquoi critiquer radicalement le travail ?
Anselm Jappe, Avec Marx contre le travail
Corentin Oiseau, La société sans qualités : Présentation de la critique de la valeur.
Moishe Postone, Repenser la théorie critique du capitalisme
Voir aussi la Bibliographie française sur la critique de la valeur