L'En Dehors

On n’arrête pas le « progrès », c’est bien connu.

Au procès AZF, on s’attendait à ce qu’il n’y ait pas de « coupable ». Il n’y eut même pas de « responsable ». Le compte-rendu d’audience (p.20) est éloquent. A un mois des fêtes de fin d’année, voilà un super Père Noël pour Total-Fina-Elf (et tous ceux qui l’ont soutenu lors de ces longues années d’instructions) : la « justice » est passée par la grande cheminée d’AZF et elle n’a rien vu du tout. Pas de lien de cause à effet entre la gestion du site et l’explosion. Bilan 32 morts … et une relaxe générale. Des ouvriers, des habitants, des gosses assassinés, des orphelins et pas d’assassin. Des mutilés, paralysés, aveugles, sourds pour le restant de leurs jours, et aucuns responsable. Des quartiers populaires et des écoles ravagés, des vies qui ne seront jamais plus les mêmes, une souffrance qui a la taille d’une ville, … et, circulez, il n’y a rien à voir. C’est un message on ne peut plus clair que la justice envoie aux grands patrons : tout doit continuer comme avant, assassinez les populations, détruisez la planète petit à petit … Si cela est rentable, alors que cela se fasse ! Tous d’accord là-dessus. Et il ne peut pas y avoir de « mauvaise » surprise. Comme l’écrivait un quotidien sur AZF : « Seule certitude, la nouvelle loi Guigou de juillet 2000, qui limite la responsabilité pénale dans ce genre de dossier, ne devrait pas permettre à la justice de remonter à la tête de Total-Fina-Elf ». C’est effectivement réussi. Encore merci aux députés socialistes qui ont savamment édifié ce rempart juridique pour protéger les PDG. Et, comme si cela ne suffisait pas, on nous annonce une énième réforme du code de procédure pénale dont l’objet n’est autre que de créer un régime spécial pour les « affaires sensibles ». Par régime spécial, il faut bien sûr entendre, un régime d’enterrement de première classe pour ces affaires. Si, avec ça, un patron ou un politicien se fait désormais attraper, c’est qu’il n’a vraiment pas de veine !

Et comme il faut bien amuser le bon peuple pour qu’il ait la tête ailleurs pendant ces turpitudes, le gouvernement lance un grand débat. Ça nous manquait. Pas sur l’avenir des centrales nucléaires. Pas sur le harcèlement au travail et les suicides qu’il provoque. Pas sur la chute vertigineuse du pouvoir d’achat. Pas sur la destruction de la planète. Pas même sur La Poste. Pas sur le logement. Non, tout cela n’est que broutille et ne mérite pas qu’on en parle. Le vrai sujet, le gouvernement l’a trouvé : l’identité nationale. Que la vérité historique soit la première victime des affirmations identitaires, que des femmes, des hommes et des enfants soient mis à l’index, souffrent dans leur chair du rejet nationaliste, qu’importe : il faut gagner les élections. À propos d’élections, justement, saviez-vous que les anciens Grecs, inventeur de la démocratie trouvaient que voter était par excellence le processus anti-démocratique ? Intéressant, non ? (p.12). De la Grèce, passons à la Serbie. C’est pas si loin. Des actions de protestation ont eu lieu en France et dans le monde contre l’emprisonnement arbitraire de 6 militants anarchosyndicalistes. Il est nécessaire qu’elles se poursuivent et s’amplifient. Chacun peut apporter sa pierre à l’édifice solidaire !

Edito d’Anarchosyndicalisme ! n°115, décembre 2009 - janvier 2010