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Pourquoi l'effondrement écologique est dû à la dynamique de la valeur : une critique des « objecteurs de croissance ».

Les écologistes de manière générale expliquent que l’effondrement écologique est dû à une idéologie dominante qui serait en train de régner : le fameux « productivisme » en effet de gauche comme de droite. C’est bien d’abord pour eux  une idéologie, une question de rapport conscient, ce mot étant construit sur le principe même des mots qualifiant les grands systèmes idéologiques du XIXe et du XXe siècles, « nationalisme », « socialisme », « communisme », « nazisme », etc. Le qualificatif d’ « objecteur de croissance » est d’ailleurs construit sur le même principe, puisqu’il fait référence immédiatement aux « objecteurs de conscience ». Pour eux, la croissance pour la croissance ne serait alors que le fait d’une simple idéologie consciente et intentionnelle de quelque uns (les publicitaires, les « médias marchands », la caste des économistes, les multinationales, etc.), ou plus largement d'un imaginaire social, à qui il suffirait de faire une simple « objection votre honneur » pour sortir de ce « productivisme » ! De cette manière le mouvement écologique passe totalement à côté de la logique abstraite de la valeur et du sujet automate qu'est le capital, en ne dénonçant l’accumulation matérielle que comme relevant simplement d’une sorte de pulsion anthropologique pour l’avoir et l’apparaître. Comme si la dynamique de la formation sociale capitaliste à laquelle nous appartenons était encore le fait conscient des humains et des couches dominantes de ceux-ci, doués de volonté et de capacités auto-instituantes. La critique écologiste et décroissante verse alors très souvent sur une critique abstraitement dénonciatrice et moralisante, quand elle ne demande pas un tour de vis supplémentaire dans la rationalisation du désastre.

 

L’extrait de l’intervention d’Anselm Jappe qui suit, développe au contraire (ici de manière non systématique, et plus suggestive) l’idée que la crise écologique est due plutôt à la dynamique même de la valeur, et non à une « démesure » anthropologique et morale qui prendrait les grands airs de la punition (« on vous l'avez bien dit ! »). La finitude de la planète est une construction sociale, c’est la forme spécifique de la société dominante (société de la valeur) qui vit sur cette planète qui se crée et s’avance devant elle-même comme un mur infranchissable, sa propre limite externe : La société se fabrique sa propre limite externe et se présente ce miroir devant laquelle elle se fracasse. La critique de la valeur cherche justement à montrer comment la dynamique de la valeur provoque cette limite externe au capitalisme, en montrant aussi que la limite externe du capitalisme (la finitude matérielle de la planète) est justement le fait de la logique au coeur du capitalisme et de sa limite interne (la « contradiction fondamentale » comme dit Moishe Postone) : c’est-à-dire la crise du travail abstrait comme crise de la valeur. La domination de l'abstrait sur le concret dans la logique de la valeur et la crise de la valeur comme contradiction permanente entre le fondement abstrait et les effets du développement du capitalisme (crise qui fait que le capitalisme possède sa limite interne), font justement que celui-ci ponctionne matériellement sur la planète comme jamais, et que l’on atteint au même moment que le capitalisme connaît sa limite interne, sa limite externe (voir le texte de Jappe ci-dessous). Comme nous l'avons sous nos yeux, l’effondrement écologique est donc concomitant à la crise fondamentale du capitalisme. L'effondrement écologique peut-être compris comme une fuite en avant dans la logique et la crise de la valeur. Et la critique de la valeur considère le communisme au XXe siècle comme du capitalisme d'Etat, pas seulement parce qu'il n'y a été question que de la répartition et de la redistribution différentes de toujours les mêmes catégories économiques (marchandise, argent, valeur), mais parce que le marxisme traditionnel qui a toujours opéré sa critique du point de vue du travail (catégorie pourtant immanente à la métamorphose de la valeur) n'a incarné qu'une simple théorie de la modernisation de rattrage pour les pays « sous-developpés » (du point de vue de l'Oeil réel capitaliste). La socialisation des moyens de production n'a rien d'anticapitaliste. De manière plus générale, la critique traditionnelle du capitalisme orchestrée par la gauche (comme la lutte des classes entre les catégories socio-fonctionnelles de la trajectoire de la valeur, qui n'est d'abord qu'une contradiction secondaire sous la forme d'un conflit d'intérêts à l'intérieur d'un monde commun et partagé), est considérée comme immanente à l'ontologie capitaliste. C'est bien pour cela que la gauche, l'extrême-gauche et la droite ne peuvent remettre en cause le « productivisme », qui n'a rien d'idéologique mais qui est réellement le mode d'existence de la logique de la valeur en tant que contrainte exercée implacablement par celle-ci comme une loi impersonnelle et subie par tous les individus-fonctionnaires des catégories, c'est-à-dire les acteurs économiques qui veulent survivre dans ce monde.

D'autres axes pour un point de vue critique sur les décroissants pourraient être rapidement explorés, comme par exemple la question de la valeur d'usage des marchandises. Les marchandises ne sont pas produites pour satisfaire les besoins (vrais ou faux) des hommes comme le pensent la critique écologiste qui dénonce une pulsion « matérialiste » chez les humains comme le faisait et le fait encore le christianisme ; Pour les décroissants il suffirait de manière toute idéaliste, que les humains cherchent à satisfaire enfin leurs vrais besoins en étant un peu plus rationnel dans ce monde-ci. Comment en effet ne pas s'indigner de voir que 20% de l'humanité consomme 80% des ressources planétaires, il faut vite en prendre conscience et réagir. Mais depuis quand la société capitaliste est autodéterminée de manière consciente (même par quelques uns) et pourrait fonctionner comme ceci ? La dynamique capitaliste relève bien plutôt d'un mécanisme automate qui est de faire avec de l'argent une production de marchandise pour créer à la fin davantage d'argent que l'on en avait au début. Ainsi de suite et de manière illimitée. C'est là la forme sociale du capital. Capital automate car les manières de nous rapporter aux uns aux autres par la socialisation du travail se sont autonomisées des individus qui les supportent, qui n'en sont plus que les fonctionnaires, les supports, les porteurs. Même les dominants ne sont que des « élites de fonction » (Robert Kurz) qui subissent les contraintes du système tout en tirant eux leur épingle de ce jeu morbide où qui ne travaille pas ne mange pas. Et dans cette dynamique de la production et de la reproduction sociale de ce rapport social qu'est le capital (qui n'est donc pas qu'une chose, une somme d'argent), seul compte la valeur sur la valeur d'usage. Peu importe ce que l'on produit comme marchandise, peu importe les besoins réels à satisfaire, ceux-ci ne sont que des moments nécessaires mais secondaires de cette logique automate de la valeur qui se valorise. Ainsi les besoins  des hommes ne sont pris en considération que dans la mesure où ils permettent à la valeur de s'autovaloriser, c'est-à-dire que les besoins sont considérés comme un mal nécessaire pour la logique de la valeur, ils ne sont satisfaits que si ils permettent aux marchandises d'être présentes en plus grand nombre, d'être achetées en plus grande quantité. De plus les besoins eux-mêmes sont totalement dominés par cette logique de la valeur, dont ils ne vont être bientôt que les appendices socialement fabriqués par cette logique : ce que les décroissants appeleront les « faux besoins » justement, mais de manière totalement moralisante et anthopologisante : comme s'ils étaient le fait d'une boulimie compulsive, d'une démesure (hybris) transhistorique d'un humain à corriger et à limiter. Car à l'intérieur du capitalisme, il faut comprendre que ces faux besoins pour les individus, sont un véritable besoin et bien réel pour la logique de la valeur qui seule compte et domine les individus au travers des rapports sociaux qu'ils entretiennent entre eux au travers de la socialisation par le travail abstrait. Son existence est celle d'une forme de domination indirecte, abstraite et impersonnelle en face des individus et de leurs besoins qu'elle se subordonne. La critique de cette logique à la fois fondée sur l'abstraction mais bien réelle, ne peut donc pas emprunter les voies de l'idéalisme abstrait.

Pour lire la suite voir ici  

Ecrit par Diggers, à 16:49 dans la rubrique "Ecologie".

Commentaires :

  Rakshasa
04-12-09
à 19:26

J'vois pas ce qui est critiqué

Je ne comprends pas très bien ce texte, qui est une réflexion classique marxiste, une analyse sur la valeur et le fétichisme marchand, un constat du monde présent qu'il faudrait opposer aux propositions des décroissants. Je ne suis pas décroissant, mais je ne saisis pas où veut en venir ce texte. Le monde et l'économie serait capitaliste et les individus seraient soumis aux abstraction qui les dominent (jusque là cela ravirait même un Bakounine), ici la valeur, mais il n'y aurait rien à opposer puisque le monde est capitaliste et fonctionne différemment que ce que les opposants proposent. Donc, faut-il en déduire que rien ne sert de proposer autre chose que la soumission à l'abstraction "valeur" puisque c'est elle qui domine les individus inconscients de cela, qui n'ont aucune volonté à opposer aux propres abstractions qu'ils génèrent eux-mêmes, en somme ?
Ça me semble être du pipeau blabla marxisant réchauffé de situ, avec ce mythe de l'inconscient discutable, propre au freudisme qui plus est. Faire croire que les individus ne sont rien dans les rouages d'une économie qui les dépasse, c'est nier la faculté d'apprendre et de comprendre le monde pour être à même d'agir dessus.
Qu'il y ait des forces supra-sensibles en œuvre, tel le fétichisme, on peut le comprendre, qu'elles soient vécues inconsciemment soit, mais confondre "vécu inconscient" et "forces indépassables" comme c'est présenté dans ce texte, n'est-ce pas nier la matérialité totale de l'humain, de sa conscience, de sa pensée, de sa volonté, et c'est œuvrer encore et encore, comme le fait le marxisme depuis l'origine, à la séparation entre les abstractions et l'individu ? Pour des matérialistes ce serait un comble ! Ne serait-ce pas accorder aux idéologies la capacité à se pérenniser en niant le potentiel d'action critique de l'individu, en niant sa capacité à produire directement et consciemment son rapport au monde, à la matière, quelque soit la dimension sociale de celle-ci,  ou économique, affective, psychologique...
Le monde n'est religieux et la matière n'a de caractère mystique que pour ceux qui veulent y voir cela. Et quand les situ, faisaient état de cette dimension mystique de la marchandise ce n'était pas à leur yeux qu'elle l'était, puisqu'à priori ils tentaient de briser cette aura, à commencer dans leur propre conscience, mais ils dénonçaient ce qu'elle était pour le spectateur.
Le fétichisme n'est pas à prendre pour phénomène indépassable, comme vérité indéfectible, à mon avis, mais comme un des piliers du capitalisme.
Et il me semble que nombre de décroissants au moins essaient de s'éloigner de ce fétichisme marchand.
Bref, je ne comprends pas où cela veut en venir et je me demande si la critique des décroissants ici présentée comme telle est vraiment intéressante. Peut-être saura-t-on m'expliquer ?
Répondre à ce commentaire

  Rakshasa
04-12-09
à 21:05

Re: J'vois pas ce qui est critiqué

Je me demande d'ailleurs si cette idée d'inconscience employée très souvent par les marxistes n'est pas le cache misère qui permet d'éviter la question du conditionnement.
Répondre à ce commentaire

  Takpi
05-12-09
à 00:36

Re: J'vois pas ce qui est critiqué

Pour comprendre, il faut lire le textes complémentaires du site

http://palil-psao.over-blog.fr

où tu retrouveras ce texte dans son contexte, avec les lectures complémentaires.

Si tu es comme moi très nul en marxisme, tu seras guère avancé. Pour te rassurer, tu verras là que Marx a écrit à Hegel pour lui dire que c'était très difficile à comprendre, mais que ces histoires de "valeur", de "fétichisme" etc.. sont absolument la base, in chapitre 1 section 1 du "Capital" d'où tout le reste découle.J'ai tenté de lire ceux qui essaient d'expliquer qu'on n'a jamais compris Marx pendant 100ans, puis Debord, inspiré par Lucacks, a commencé à voir clair, et que les allemands du groupe KRISIS, et le français Michel HENRY , enfin, ont tout compris, comme Moishe Postone et Anselme Jappe...

Pour eux, toute la gauche et l'extrême gauche persistent dans l'erreur. Faux d'accuser les riches, les patrons, les multinationales, car ce serait plus profond.Et ces habituels accusés sont eux-même des victimes (moi= ah bon !) du "système automate tautologique"..

Suis guère avancé avec celà..

En plus, on y apprend que ce monstre automate va vers l'effondrement, de par ses propres contradictions...Mais pas ces contradictions dont parlait le marxisme classique ...Sur le site "forum anarchiste", rubrique "ecologie", un dénommé Skum tente d'expliquer, et c'est encore plus incompréhensible !

Répondre à ce commentaire

  Rakshasa
05-12-09
à 02:42

Re: J'vois pas ce qui est critiqué

Oui, non mais ça c'est pas nouveau l'idée que l'économie s'est autonomisée hors du contrôle humain, c'est ce que produit entre-autres comme analyse le matérialisme historique. Mais ces théories marxistes ne sont que les théories d'une science humaine, pas exacte, qui est l'économie.
Je me demande si le marxisme, n'est pas une chimère de l'économie en tant que science, c'est à dire un système idéologique, une machine abstraite qui fonctionne en circuit fermé.
Dès que l'on aborde la question de l'individu avec des marxistes convaincus, ils vous toisent tels des gourous en vous assénant leurs vérités marxistes, comme quoi l'individu n'a pas de prise réelle sur son existence, que les forces abstraites le dépassent au point de le fondre dans la masse soumise, et la tarte à la crème du matérialisme historique et surtout de ceux qui le manipulent en bons marxistes du dimanche, c'est que les conditions matérielles conditionnent les actes et les pensées des masses.
Soit et quand on a dit ça, que nous sommes le produit des conditions dans lesquelles nous vivons, qu'est-ce qu'on fait ?
A écouter la plupart des marxistes, les individus ne seraient pas aptes à modifier ces conditions. Ils opposent presque systématiquement la volonté individuelle, comme s'il s'agissait d'une illusion immatérielle sans capacité d'action sur l'ensemble de la matière à l'idée d'abstraction dominante. On ne risque pas de s'y mettre à la révolution si on attend que les conditions nous y entrainent "naturellement". On tombe là dans un mysticisme des plus platonicien, de séparation du corps et de l'esprit. D'ailleurs Marx ne savait pas vraiment définir l'humain d'un point de vue matérialiste, preuve en est sa notion poétique qu'il n'a pas su expliquer "d'essence de l'homme".
Les penseurs anars se sont attachés à tenter de trouver les clefs permettant à l'individu de reprendre la maitrise de ces abstractions produites par l'activité humaine.
Le marxisme sent l'embrouille paralogique et idéologique a plein nez comme le freudisme d'ailleurs. Je ne dis pas que tout est à jeter, je dis que ceux qui l'adoptent en font un horizon indépassable, ce qui est là à mon avis, une impasse rhétorique et idéologique.
(Sinon, j'ai quelques années de formation marxienne et situ dans les dents (j'en ai bouffé et y ai cru en prenant cela pour parole d'évangile...), mais je ne vois plus ce qu'apporte ce galimatias théorique radoté depuis des décennies. Les marxiens les moins dogmatiques eux-mêmes peuvent convenir que ces théories sont vieillottes, incomplètes et pas nécessairement abouties. Le mythe du génie marxiste prend encore quelques cerveaux, mais ça ne devrait pas durer, les conditions matérielles vont se charger de le faire disparaitre ;-)
Si tu veux lire des choses simples sur la valeur, écrites par Marx dans un but de vulgarisation, tu peux lire "Salaire, prix et profit" et "Travail salarié et capital" ( je ne nie pas non plus l'intéressant "critique des programmes de gotha et d'Erfurt" ou encore "l'idéologie allemande"...) . Le Capital lui est bourré de formules de math difficilement bitables pour l'individu qui n'a pas ces notions.
Mais franchement, les gens qui essaient de réactualiser Marx écrivent moins clairement que lui, donc autant préférer l'original à la copie confuse de militants/étudiants éclairés (ou plutôt illuminés et "dogmatisés").
Le marxisme aime à jouer sur une soi-disant difficulté à être compris, ça permet à tout un tas de rhéteurs de piailler sur la théorie pour se donner de l'importance et croire eux-mêmes qu'ils ont compris quelque chose d'extraordinaire. Y'en a qui pensent qu'être le plus révolutionnaire c'est être celui qui a le mieux compris Marx... Tu vois la gueule de ces révolutionnaires élitistes pédants ?


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  Diggers
05-12-09
à 09:36

Re: Des textes abordables

Tu y vas fort Rhakassa, et c'est pas juste ce que tu dis. Je pense qu'il ne faut pas venir prendre connaissance de la critique de la valeur à partir de tous les presupposés que l'on a sur Marx. Dire je comprend pas trop, mais de tout façon Marx c'est ça, ça et ça, et puis c'est nul, donc tant pis. C'est dommage. 

Car les réinterprétations radicales de l'oeuvre de Marx (qui en sont aussi une critique) ces 30 dernières années prennent toujours à contre-pied les marxismes et ses théories. Michel Henry dont le Marx vient d'être réédité en 2009, dit même que " le marxisme est l'ensemble des contre-sens qui ont été faits sur Marx ". Il faut donc " lire Marx pour la première fois ". Il justifie cela par diverses raisons historiques liées à l'importance d'Engels, au problème des oeuvres de Marx non publiées au moment de la formation de la vulgate marxiste, etc. Les réflexes marxistes sont à laissés de côté : le fétichisme n'a rien à voir avec l'inconscience ou une mystification, un voile sur la réalité pour Krisis/Exit (comme tu sembles le dire, et comme le disait le marxisme), la lutte des classes n'est pas du tout une contradiction fondamentale au sein des formes sociales capitalistes, mais une contradiction secondaire, un conflit d'întérêt entre les catégories socio-fonctionnelles qui servent de simples supports au mécanisme automate de la valeur. Travail et capital ne s'opposent pas comme le prétendait le marxisme, il ne faut pas libérer le travail du capital, mais plutôt se libérer du travail, car celui-ci loin d'être une activité naturelle, surpahistorique, éternelle, évidente, est une activité spécifiquement historique propre à la société de la valeur. Il n'y a pas non plus de domination directe, mais une forme de domination indirecte et impersonnelle pour eux. Pas de matérialisme historique dans la critique de la valeur non plus, et d'ailleurs Marx comme l'a bien montré Henry, n'a jamais parlé de celui-ci, et c'est à l'inverse totalement opposé à sa pensée : Marx est un adverse acharné du matérialisme historique ; pas du tout également de schéma infrastructure/superstructure dans la critique de la valeur ; de plus Krisis/Exit, n'idolatre en rien Marx, au contraire, ils en critiquent des milliers des pages en distinguant un Marx éxotérique (un Marx progressiste, économiste, modernistateur, qui correspond au Marx du marxisme, dont on a rien à attendre) et un Marx ésotérique (celui de la critique de la forme marchandise, de la valeur et d'une compréhension renouvelée du fétichisme cette fois ci réel).

Tout cela pour dire, que les nouvelles analyses du capitalisme ne peuvent être ramenées vers ce que l'on croit de Marx, et plus encore sur les poncifs de la vulgate marxiste qui a accepté la théorie de la valeur-travail de l'école classique économiste. C'est en effet pas facile, le niveau de compréhension est difficile, quoique il a été rendu accessible dans le Manifeste contre le travail de Krisis. Les livres centraux en France sont les livres de Moishe Postone, Temps, travail et domination sociale (Mille et une nuits, 2009) et de Anselm Jappe, Les Aventures de la marchandises. Pour une nouvelle critique de la valeur (Denoel, 2003), deux livres passionnants.

Je pense aussi qu'il y a des textes faciles et abordables, et pas seulement pour nous autres anarchistes qui avons quand même un grand tradition de réflexion intellectuelle et philosophique, elle aussi parfois compliquée mais passionnante. Les textes les plus faciles me semblent être :

Discussion avec Anselm Jappe autour de Les Aventures de la marchandise. L'oralité de cet échange est plus directe pour la compréhension.

Anselm Jappe, Pourquoi critiquer radicalement le travail ? Là aussi c'est à partir de l'oralité et pour un public qui ne connait pas la critique du travail (critique du travail parce qu'il est une fonction automédiatisante entre les êtres humains dans la société capitaliste.)

Christian Honer, Qu'est-ce que la valeur ? De l'essence du capitalisme. Une introduction.

Corentin Oiseau, a fait aussi tout un travail de résumé, plus complet que le reste mais aussi peut-être plus difficile, cela s'appelle La Société sans qualités. Il y résume aussi l'apport théorique de Guy Debord à la critique.

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  Rakshasa
05-12-09
à 16:37

Re: Des textes abordables

Je suis bien d'accord que le "boulot" de Krisis est très intéressant, et que c'est du travail qu'il faut se libérer. Krisis, dans le manifeste contre le travail, affirme d'ailleurs que la société technicienne favorise la disparition du travail notamment depuis l'informatique, donc que les discours pour la valeur travail sont un mensonge de plus de l'époque.
Ceci dit, au niveau individuel, que faire pour échapper au travail ? Les conditions premières sont le refus de l'exploitation d'autrui et le refus d'être exploité.
On est donc tenté de se soustraire au salariat, et l'on fait bien, mais comment l'on procède après. On s'organise en collectif, on essaie de produire ses conditions matériels d'existence, mais on peut tomber sur l'écueil du travail marginal et de l'auto-exploitation. Méfiance donc...
On peut rester dans les rouages du salariat pour envisager d'y lutter afin de se réapproprier l'outil (mouvement des entreprises récupérées en Argentine par exemple...), mais on ne sort pas du système capitaliste, et donc en réalité, du travail. Sans compter que ce genre de lutte est quasi verrouillée par les traitresses organisations syndicales.
On peut espérer une insurrection, un soulèvement massif violent, pour des lendemains qui chantent, mais l'histoire, même chez les anars nous a montré que ce sont toujours les forces du travail qui se remettent en position de force, soit pour recréer un capitalisme privé, soit un capitalisme d'Etat. Souvent en l'occurence parce que l'insurrection crée ses propres élites (violentes, charismatiques ou intellectuelles, voire les trois)
On a bien pensé un moment fonder un mouvement des sans-terre européen, mais en réalité ça n'intéresse pas les plus radicaux, bien trop occupés à gloser sur leur activisme d'universitaire, pour qui la perspective de mettre les mains dans cette saleté de terre n'est pas assez "warrior". Et, pire, moi, ex-ouvrier de la terre, dans un sens je les comprends ! Mais il va bien falloir se le partager aussi le travail a un moment donné.
Je ne serais pas opposé à l'automation généralisée, si seulement cela ne s'accompagnait pas de plus d'exploitation, et d'un possible contrôle accru d'une élite sur une masse.
Aucun collectif, aucune organisation ne m'a permis jusqu'à présent de mieux me sortir en partie des rouages du travail que moi-même. C'est à désespérer de l'action collective et encore plus de celle des masses.
Donc, quand je lis de la théorie marxo-marxienne-marxiste, cette logorrhée qui n'a aucun sens, sans action directe de réappropriation par les individus de leur temps; cette logorrhée qui assomme de pseudo-analyses à destination des plus intello depuis des décennies, je dis que je n'y crois plus. Je dis que la méthode même de poser comme nécessaire ce genre d'analyse est peut-être à garder pour gloser lorsque notre temps sera libéré du travail.
Ce refus du travail (et pas juste du salariat, on est d'accord ?) passe nécessairement par le refus individuel de tout rapport hiérarchique. Le simple refus d'être dominé par un autre humain et de dominer un autre humain crée déjà un antagonisme irréconciliable avec le travail et son corollaire historique, l'exploitation de l'humain par l'humain.
Et comme disait, à peu de choses près, Debord sur fond de guitare: "il est fini le temps des experts, il est fini le temps des spécialistes..."


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  ibubolo
14-12-09
à 12:51

Pensée magique

Je ne pense pas que l'on puisse se débarrasser si vite du fétichisme et de la marchandise, même pour des matérialistes.

Pour illustrer le sujet, j'aime bien ce passage :



"Les indigènes mélanésiens étaient ravis par les avions qui passaient dans le ciel. Mais jamais ces objets ne descendaient vers eux. Les Blancs, eux, réussissaient à les capter. Et cela parce qu'ils disposaient au sol, sur certains espaces, d'objets semblables qui attiraient les avions volants. Sur quoi les indigènes se mirent à construire un simulacre d'avion avec des branches et des lianes, délimitèrent un terrain qu'ils éclairaient soigneusement de nuit et se mirent à attendre patiemment que les vrais avions s'y posent.

Sans taxer de primitivisme (et pourquoi pas ?) les chasseurs-collecteurs anthropoïdes errant de nos jours dans la jungle des villes, on pourrait voir là un apologue sur la société de consommation. Le miraculé de la consommation lui aussi met en place tout un dispositif d'objets simulacres, de signes caractéristiques du bonheur, et attend ensuite (désespérément, dirait un moraliste) que le bonheur se pose."

Jean Baudrillard, La société de consommation


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