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LES VOIES IMPÉNÉTRABLES DE LA CIVILISATION
lu sur CQFD : "Calais, 22 septembre : démantèlement de « la jungle » annoncé par Monsieur Immigration-Désintégration. Quand notre correspondante arrive, ce n’est déjà plus qu’un terrain vague où trois bulldozers finissent d’arracher arbres, bâches et autres affaires humaines. «  Pour rendre le terrain à son état naturel », selon Besson…

OMME SI TOUT BOSQUET était à l’origine un parking… « Ils ont détruit la mosquée, l’épicerie », me souffle une militante vue à la télé – image choc de sa séparation d’avec le jeune Afghan qu’elle protégeait. Les journaleux descendus de l’hélico derrière Éric Besson étaient venus pour ça.Et maintenant ? La question est sur toutes les lèvres.Maintenant, la « présence massive » des CRS assure la sécurité des pelleteuses, certains migrants sont entassés dans des bus aux destinations inconnues, d’autres continuent à errer…
À la distribution du dîner par l’association Salam, il y a moindre affluence :une petite centaine de « migrants », surtout afghans, dont certains arrêtés le matin même : « On a dit qu’on avait la gale, ils ont eu peur, ils nous ont envoyés à l’hôpital, d’où on s’est tirés. » Galeux mais libres. On se marre, ils en ont vu d’autres… Fuyant les Talibans et l’OTAN venue les sauver à coup de bombes, d’abord vers n’importe quel pays européen, puis cap sur l’Angleterre. Pourquoi l’Angleterre ? Ahmad : « J’ai un ami qui a été placé en centre d’accueil, on lui a donné de l’argent jusqu’à ce qu’il trouve un travail… » Un autre : « J’ai de la famille qui peut m’accueillir, ils sont arrivés en 2002, quand c’était encore facile de passer… »
Facile… Il faut bien aller quelque part. L’Angleterre reste le paradis où l’on n’est pas contrôlé, où le travail ultraprécaire abonde. Apprenant que leur jungle a disparu, ils restent perplexes. « They destroyed the jungle but they haven’t destroyed the Afghani… » L’obstination des journalistes à filmer jusqu’aux miettes de leur repas leur donne quelque espoir… En attendant, ils n’ont même plus où dormir. Ça doit remplir l’objectif de Besson : « Apporter une aide humanitaire aux migrants les plus fragiles »…

Le lendemain soir, les visages excédés se dérobent aux caméras, la nervosité est palpable. Et pourtant de la vie, des rires… À croire que la barbarie des gouvernements ne viendra jamais à bout de ceux qui font exploser les frontières. Salman, réfugié politique en France,a accompagné son petit frère : « Un oncle lui a payé le passage. » Et lui ? « Je suis pachtoun. J’étais joueur de cricket et je suis venu avec l’équipe en Europe. Je me suis échappé, j’ai vécu en Hollande. » En plus du pachtou, ourdou, dari, hindi, il parle bien le néerlandais. Et la France ? « Les Français sont gentils… » Ah… Et l’Afghanistan ? « Avant, la vie était facile… » Avant quoi ? Les Soviétiques, les talibans, l’OTAN… ? Il reste vague. « Le problème, c’est qu’il y a trop de pétrole, trop de pavot, trop de pierres précieuses… » On n’est pas un pays plein de ressources impunément…

Sur les docks, on trouve un peu du monde entier : des Soudanais, des Tunisiens, des Palestiniens. Vers minuit, deux activistes no-border déboulent. La police est passée à l’acte : arrestations, menaces, des fachos ou des flics en civil ont gazé le squat des Érythréens. Nous voilà sous les ponts : quatre Afghans ramassés d’un côté, trois Irakiens de l’autre, au hasard… Des enfants sortent de l’ombre :10 et 12 ans, les yeux cernés, le visage tendu. Comment sont-ils arrivés là ? Leurs compagnons sont un peu éméchés. « Ils ont fait le voyage en trois jours, les talibans ont coupé la tête de leurs parents », rigole l’un, tandis qu’un autre affirme que leur père les attend à Londres… On leur donne des couvertures, on leur dit de faire attention. « À quoi ? Si la police est déjà passée… » À ne pas tomber dans le canal.

À l’aube, quelques militants traversent la ville avec du thé chaud. Je vais chez les Soudanais, intouchables : ils sont sur un terrain privé, pour l’instant le proprio ne porte pas plainte, une aubaine. Quelques hommes autour du feu réchauffent des frites surgelées. Le campement se dessine dans le petit jour : une tente multicolore peuplée d’absences (ils cavalent la nuit durant derrière leur « passage »), au bord des rails. De l’autre côté, un sentier où passent les enfants du coin pour aller à l’école, sans même avoir peur… Un homme du Darfour raconte : « J’avais presque fini mes études d’ingénieur… J’ai été arrêté et placé dans un camp parce que j’étais communiste. On nous battait.J’ai réussi à m’enfuir. » À évoquer ces souvenirs, la douleur des côtes cassées se réveille. « En Libye, j’ai payé un passage depuis Zouara jusqu’à Marseille, comme tous ici. » Et puis Marseille-Calais. À ma droite, un monsieur silencieux : visage de marbre noir et mains pansées, béquilles : « Il s’est arraché les mains en tombant d’un train. » Tous les moyens sont bons : trains de fret, Eurostar jusqu’au tunnel, camions où il faut grimper au moment d’un virage, dix secondes : le temps de l’angle mort. Dans l’après-midi de ce 24 septembre, Besson revient, escorté de TF1. Il va à la PAF s’émerveiller du bon déroulement de l’opération. Les premiers migrants libérés des CRA sont de retour eux aussi. Et maintenant… ? Des couvertures, des chaussures, l’Angleterre encore et toujours, en attendant les charters vers l’Afghanistan qui décolleront bientôt, les derniers scrupules de l’Europe de Vichy ne sauraient durer. Un Pachtoun est ravi d’apprendre qu’étant fille de musulman je peux l’épouser. Il demande : « Tu veux pas retourner avec moi en Afghanistan ? » Drôle de question, à quelques nuits clandestines de l’Eldorado, à quelques vies de son pays… À croire que l’Europe commence vraiment à le dégoûter.

Article publié dans CQFD N°71, octobre 2009.

Ecrit par libertad, à 10:13 dans la rubrique "Actualité".



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