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Malades du travail chez France Télécom
Lu sur L'Humanité : "Dans l’entreprise, on se dit « tristes mais pas étonnés » par le suicide de 21 salariés ces derniers mois. Chez France Télécom, le « management par la terreur » tue. Témoignages de salariés pressurés.

Pas de noms, des prénoms modifiés donc et bien sûr pas de photos. C’est à cette condition que nos interlocuteurs, à l’exception de Guy Antoine, délégué CGT de l’établissement principal France Télécom du Sud-Est, ont accepté de s’exprimer dans nos colonnes à propos du suicide récent d’un salarié de Marseille, accusant dans une lettre son « travail » pour expliquer son geste. Monique, conseillère clients chez Orange Mobile, justifie ainsi cette autocensure : « Je me suis mise en avant une fois, à la suite de quoi j’ai été placée seule dans un bureau à ne rien faire pendant six mois. J’ai exercé huit fonctions différentes en vingt-cinq ans et j’ai déménagé quatorze fois, je ne supporterais pas une quinzième. »

Qu’ils soient rattachés aux directions territoriales de Lyon, Marseille ou Nice, tous ces agents évoquent, dans le récit qu’ils font de leur vécu quotidien, un « management par la terreur » qui pourrait expliquer, en bonne partie, la vague de suicides, le dernier drame étant intervenu le 11 août dernier. À Besançon (Doubs), un technicien d’intervention a mis fin à ses jours. Il avait vingt-huit ans.

Pour illustrer ce qui est dans bien des têtes, l’un d’entre eux raconte l’anecdote suivante : « Il y a un mois j’ai fait une pause-café avec un collègue sur une terrasse au quatrième étage de la boîte. Il regardait vers la rue. Je lui dis en plaisantant : "tu vas pas sauter quand même"… Il me répond d’abord "jamais de la vie", et puis, quelques secondes plus tard, sérieux : "Et pourquoi pas ?". » Un témoignage parmi d’autres, nombreux, terriblement accusateurs. Le syndicaliste Guy Antoine, employé chez Orange, le constate tous les jours : « Le mal-être est profond à France Télécom parce que le travail y est devenu malade. » Le capital, lui, se porte bien : en 2008, 4 milliards d’euros de bénéfices ont été engrangés et 1,4 euro de dividende par action ont été versés.

Serge, conseiller client au 10 14 (téléphone fixe) et au 39 00 (Internet)

« La dictature de la PVV »

« Je suis stressé dès que j’arrive au boulot car très souvent mon ordinateur ne marche pas, ce qui est quand même un comble à FT. Je dois répondre à 6,3 appels à l’heure en moyenne pour être dans le taux de productivité demandé. C’est-à-dire que j’ai huit minutes pour convaincre le client d’acheter quelque chose, c’est contrôlé par ordinateur. Le salaire de base est merdique, alors tout dépend de la part variable, en jargon interne, la PVV, la prime variable de vente. C’est calculé en fonction de ce que tu as vendu. Un mois je suis en dessous des 6,3 appels, on me retire 20 % de mes ventes, ce qui se répercute ensuite sur ma PVV. Un autre mois, si je me défonce je peux doubler mon salaire. On nous demande sans arrêt d’être plus agressifs alors je sacrifie mes pauses, en principe dix minutes toutes les deux heures. Sur la centaine de « casques » de mon plateau (centre d’appels - NDLR), 70 % ont du mal à tenir la cadence et se croient en situation d’échec. C’est dur à vivre. » Michel, cadre, Orange Mobile

« Jamais tranquille »

« Nous sommes dans l’impossibilité d’amender et même de commenter les ordres reçus qui sont des objectifs de vente souvent inatteignables. Mais ce qui crée beaucoup d’angoisse parmi les cadres, c’est le manque de perspective : nous ne savons pas quoi répondre à nos équipes sur l’avenir de l’entreprise. Il y a aussi une individualisation de plus en plus poussée des carrières par le biais des primes ou de la mobilité. On ne vous laisse jamais tranquille, c’est même lorsque tout va bien qu’il faut se méfier car à tout moment on peut alors vous changer de service, voire de métier. »

Étienne, dépanneur ADSL au 39 00 (Internet) « Sous pression pour faire du fric »

« On me pousse à partir vers une administration pour me remplacer par un jeune qui sera embauché avec un contrat de droit privé. Je fais partie de la dernière espèce des fonctionnaires travaillant dans une société cotée en Bourse. On ne peut pas me licencier économiquement mais on me met la pression pour faire du fric et me pousser à la faute. J’ai dix-sept minutes par client pour comprendre son problème et surtout lui placer des prestations payantes. Mon temps de présence au travail est contrôlé par ordinateur, à la seconde près. Les gens craquent. Dans mon service il y a eu l’an dernier plus de 1 500 jours d’arrêts maladie. J’ai vu des collègues venir au boulot en pleurant. »

Gérard, technicien intervention clients

« La boîte s’est déshumanisée »

« Chacun fait partie d’une équipe de dépanneurs gérée par un manager qui établit chaque semaine un classement entre nous à partir d’un PIC, un plan individuel de comparaison. À la fin d’un trimestre on te convoque pour examiner ton classement. Si tu es le dernier de la classe, tu le prends très mal quand on te conseille de changer de métier ! Tu te sens en situation d’échec et c’est dur. Depuis qu’on est plus service public, l’esprit du dépannage a été tué. Nous, on aime s’acharner sur une panne, la réparer quitte à y passer la journée. Maintenant on a une heure par client, déplacement compris, et il faut suivre à la lettre un script (questionnaire type - NDLR). Après il faut facturer (de 99 euros à 149 euros par intervention) parfois à des gens modestes pour un simple branchement de prise. Quand on est fonctionnaire, ce n’est pas évident. Avant, dans les briefings, on discutait de problèmes techniques. Maintenant c’est : "L’équipe a facturé telle somme, toi t’as fait combien ?" La boîte s’est déshumanisée. »

Monique, conseillère clients, Orange Mobile

« Management par la terreur »

« J’ai six minutes pour traiter une demande et placer de la vente (un téléphone neuf, une option de fidélisation) puis une minute et demi pour remplir la fiche client. Mes objectifs sont fixés chaque mois. Par exemple : vendre sept téléphones par jour et retenir X clients. Même sous la douche chez moi j’y pense. Pour toucher la PVV il faut réaliser 60 % de l’objectif. Comme j’ai gardé l’esprit service public, je prends quarante minutes s’il le faut pour traiter mon appel nickel. Mais tout est conditionné par la PVV et c’est le management par la terreur. Il y a parfois des punitions collectives si les objectifs ne sont pas atteints. On est sans arrêt à cliquer avec la souris : rien que pour donner au client une info sur la météo du réseau (les zones où « ça passe » - NDLR), il faut ouvrir trente pages. Beaucoup d’entre nous souffrent de tendinites à l’épaule. Le pire, c’est d’être en permanence sous tension : nous sommes mis sur écoute, au hasard, par quelqu’un que nous ne voyons pas. Il y a aussi des « appels mystères » de faux clients. Sur mon plateau il y a déjà eu des interventions des pompiers et beaucoup de congés pour dépression. »

Christian, conseiller technique dans une boutique France Télécom

« SMS de victoire »

« Nous sommes parfois à la limite de la vente forcée. On vend aux gens des options dont ils n’ont pas toujours l’utilité. Tous les matins, le manager dit une « messe ». Des objectifs sont fixés : un jour, il faut faire du téléphone, un jour c’est du Borloo [1], un jour c’est du foot… Dès qu’une vente est faite, le manager envoie un SMS de victoire. Il y a aussi souvent des SMS d’engueulade, le harcèlement est permanent. Une fois par semaine, un cadre assiste à l’entretien avec le client et note tout. Beaucoup vivent cela très mal. La fin du mois est souvent angoissante : si je n’ai fait que 10 ventes de tel produit alors que je devais en faire 13, adieu la PVV ? Je réalise des heures supplémentaires que je ne me fais pas payer. J’ai toujours en mémoire l’histoire d’une cadre qui bossait douze heures par jour pour atteindre les objectifs. Un jour en rentrant à la maison elle a manqué un virage par inattention et s’est tuée, elle n’avait pas quarante ans. »

Philippe Jérôme
Notes :

[1] Le vendeur fixe d’autorité un rendez-vous avec un technicien pour l’installation d’une Livebox avec option télévision qui peut bénéficier d’une déduction fiscale
Ecrit par libertad, à 09:43 dans la rubrique "Social".



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