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L'En Dehors


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Qui a quarante ans le mlf ou le MLF ?
Eh oui, une fois encore il sera question ici de quarantième anniversaire ; pas celui de 68, mais presque! On n'en fini pas!
On avait assez peu parlé des luttes spécifiques de femmes comme du mouvement de libération du même nom lors des commémorations du printemps dernier. Tout le monde s'accordait en effet à dire que ces mouvements avaient réellement démarré, c'est-à-dire occupé un espace important et visible dans la vie politique française (1), seulement à partir de 1970. Mais, ajoutions-nous pour notre part, cette émergence n'avait été rendu possible que grâce à l'explosion de mai, aux multiples espaces libérés en termes de parole et de pratique ; et, contrairement à ce que certains et certaines pensaient, les femmes, en 68, étaient plus que présentes dans les lieux les plus importants, mais les moins visibles pour l'Histoire et la postérité : les comités d'actions, les paroles de rue, les espaces décisionnels (hormi ceux liés aux organisations politiques).

D'un mouvement de libération des femmes protéiforme...

Or, en ce début octobre, je lis dans Ouest France
« Le ler octobre 1968, dans un petit appartement de Paris prêté par Marguerite Duras, Antoinette Fouque et deux amies fondaient le MLF, le Mouvement de libération des femmes. Rencontre, quarante ans après, avec une sacrée "personnage" » (Ouest France, 3 oct 2008). Un peu méfiant vis-à-vis du « plus grand quotidien régional », l'information qui remettait au goût du jour une figure bien connue du spectre récupérateur et autoritaire, est restée dans un coin de mon cerveau... jusqu'au lendemain où à la TV je vois Antoinette Fougue raconter la même sornette sur un plateau à propos du... quarantième anniversaire du MLF.
L'escroquerie réalisée il y a trente ans de ça se reproduisait de nouveau! En attendant qu'A. Fougue soit la dernière survivante et que plus personne ne puisse la contredire, il convient donc de revenir succintement, mais précisément sur l'histoire du MLF.
Le mouvement de libération des femmes est un mouvement, comme on dit mouvement ouvrier, mouvement des sans papiers, mouvement lycéen et autres. Il s'exprime publiquement et collectivement en 1970, avons-nous dit: le 26 août une gerbe à la femme du soldat inconnu est déposée à l'arc de triomphe.
Au printemps 70, un meeting public se déroule à la nouvelle université expérimentale de Vincennes et un numéro spécial de l'Idiot international « combat pour la libération des femmes » sort peu après.
A l'automne 70 : sortie d'un n° spécial de Partisan : « Libération des femmes année zéro »
Avril 1971, manifeste des 343 femmes déclarant s'être fait avorter.
Puis, mai 71 le ter numéro du Torchon brûle. Dans le n° 2 on peut lire une définition parfaitement claire et acceptée par toutes dans le mouvement
« "Le mouvement, ce sont toutes ces femmes qui se réunissent sur la base de leur révolte pour en mieux comprendre le pourquoi et le comment et pour pouvoir lutter ensemble. Le mouvement de libération des femmes n'est pas une organisation, il n'y a pas et il n'y a pas à avoir 'd'équipe dirigeante'."
Effectivement, le mouvement des femmes, à l'époque, est protéiforme, multiple, riche de contradictions et de polémiques ce qui peut lui conférer, si on tient à des définitions, un caractère libertaire.

Les tendances y sont nombreuses mais rarement figées. Des ponts existent grâce essentiellement à la pratique sociale et à un activisme forcené et jubilatoire. Ce n'est pas ici l'objet de l'article mais rappelons-en quelques grandes lignes.

Il y a les révolutionnaires avec une tendance plus ou moins marxiste qui regroupe les gauchistes en porte à faux dans les organisations de l'époque dominées par des hommes. Et puis aussi les femmes libertaires de Colère.
Il y a les tendances « féministe radicale » : M. Wittig avec pour objectif pour les femmes de devenir « lesbiennes » (non pas comme préférence sexuelle, mais pour ne pas être « femme » c'est-à-dire un concept dessiné par la domination masculine). Et C. Delphy, tendance que j'appellerai plus influencée par la sociologie, proche en fait de la première tendance, qui préconise une reconquête du pouvoir par les femmes pour briser un patriarcat dont le lieu central d'élaboration de son pouvoir est la famille et le travail domestique.
Il y a les beauvoiriennes dites réformistes (collectifs d'aides) très « servir le peuple» et flirtant avec le maoïsme (mais elles ne sont pas les seules !).
Et puis, la tendance psych et po, avec A. Fouque, partie de l'analyse psychanalytique, mais anti freudienne en ce sens que, selon elle, le concept de libido est essentiellement masculin.
Impossible de décrire ces tendances sans rester un peu dans le flou ni faire d'erreurs, d'autant que beaucoup de ponts existent de l'une à l'autre. C'est cette ensemble évoluant au sein d'un mouvement sans attaches tendancielles de dizaines de milliers de femmes luttant sur tous les terrains qui est le réel mouvement de libération des femmes.
Sauf pour la tendance « psych et po » dont les ambitions hégémoniques sont à la hauteur de ses possibilités financières. C'est la riche héritière Sylvina Boissonas qui finance les éditions des femmes en 73 (comme elle l'avait fait pour l'Idiot international de jean Edern Hallier dont nous parlions plus haut), la Librairie des femmes et le Quotidien des femmes en 74, puis le journal des Femmes en mouvement en 1977.
A noter que transparaît clairement l'idéologie avant-gardiste, voire stalinienne (elle flirte elle aussi avec un certain maoïsme mondain) à travers l'utilisation des mots : éditions, librairie, quotidien... DES femmes. Non pas DE femmes, mais DES femmes. Il ne saurait être question qu'il y en ait d'autres ! Même le PCF ne s'est pas appelé Parti DES communistes (ils n'en pensaient pas moins !), mais parti (d'orientation) communiste. Idem pour la fédération anarchiste, ce n'est pas la fédération DES anarchistes mais une fédération d'orientation anarchiste. C'est comme si un parti d'avant garde s'appelait « Mouvement ouvrier », point.
Il s'agit bien là d'une posture politique qui n'est pas intrinsèquement liée à ses positions sur le féminisme (qui contiennent bien des élément à mes yeux intéressants permettant un peu de recul pour entrer dans les débats actuels sur le genre, trop souvent marqués par une mode venue d'outre atlantique) : en gros, refus du féminisme « égalitaire » voulant faire des femmes des « hommes comme les autres » elle revendique une spécificité féminine.
"Égalité et différence ne sauraient aller l'une sans l'autre ou être sacrifiées l'une à l'autre. Si l'on sacrifie l'égalité à la différence, on revient aux positions réactionnaires des sociétés traditionnelles, et si l'on sacrifie la différence des sexes, avec la richesse de vie dont elle est porteuse, à l'égalité, on stérilise les femmes, on appauvrit l'humanité tout entière". (Fouque, 2004, p. 292)
Rien de repoussant dans tout ça. En revanche l'orientation politicarde et organisationnelle l'est fondamentalement: en 79 Fouque et Boissonas vont au bout de leur rêve de puissance et créent une association MLF, déposent le sigle et récupèrent ainsi légalement le mouvement.

...À un MLF marque déposée

Ajoutez à cela un fonctionnement proche des sectes c'est-à-dire jouant sur le chantage affectif, phagocytant parfois les nouvelles arrivantes et vous avez presque la totalité du tableau d'un groupe hiérarchisé, avec ses gourous, son opacité financière...

"le dépôt par Psychanalyse et politique, un groupe issu originellement du mouvement, du titre et du sigle du mouvement de libération des femmes [...] n'est que la dernière étape d'un long processus de détournement de fond ; d'un long travail où rien n'a été ménagé, surtout pas l'argent, à la poursuite d'un seul objectif: s'emparer du mouvement de libération des femmes, et le mettre au service de l'anti-féminisme". (Delphy, 1980)

S'emparer du mouvement des femmes c'est une certitude. Au service de l'antiféminisme c'est aller un peu vite car même si A. Fouque prétend ne pas l'être on peut, malgré tout, être ce qu'on pense ne pas être. Et elle l'est, à mes yeux, dans l'orientation qu'a aujourd'hui le féminisme dans la société française ,35 ans plus tard, c'est-à-dire une simple revendication égalitaire dans la société telle qu'elle est. Et Fouque est allé ensuite au bout de sa logique d'intégration qui la situe aux antipode d'un mouvement à caractère libertaire (je parle-là de l'aspect culturel et non politique).

Fouque n'est pas anticapitaliste comme Delphy qui, par ailleurs, ne néglige pas non plus les honneurs offerts par notre société patriarcale et capitaliste, supposés faire avancer la cause des femmes (docteur honoris causa de l'université de Lausanne).

Une fois le MLF réduit à une marque déposée, A. Fouque peut réécrire l'histoire, s'attribuer le premier rôle et, cerise sur le gâteau dater l'acte de naissance du mouvement du jour de... son propre anniversaire.
Plus tard, en 1989 Fouque crée l'alliance des femmes pour la démocratie. Elue radicale de gauche au parlement européen de 94 à 99 aux côtés de Bernard Tapie dont on connaît l'attachement à la cause des femmes! Officier des arts et lettres en 2002 et Légion d'honneur en 2006.
Il n'y a qu'un mot à dire: nous ne sommes pas du même monde et la théorie n'y fera rien!

JPD

(1) Il va sans dire que je parle ici de la vraie vie, pas de ces ersatz qui ne sont que gesticulations politiciennes auxquelles se livrent les « spécialistes », les « stipendiés » et les « zélus ».

Courant alternatif  #184  novembre 2008
Ecrit par libertad, à 20:49 dans la rubrique "Pour comprendre".



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