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L'En Dehors


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Agir avant l'irréversible
Le capitalisme semblait être un long fleuve tranquille. Ressources abondantes, faciles d'accès et bon marché, progrès scientifique et technique continu, dessinaient une « mondialisation heureuse ». Exclus du festin, les plus pauvres criaient bien leur indignation, mais leur voix était couverte par le vacarme de l'affairisme. Et puis brutalement, tout paraît s'écrouler. La belle mécanique se grippe. L'euphorie retombe tel un soufflé. À l'optimisme béat succède le scénario catastrophe. Comme des colosses sévèrement blessés, les puissants sont en proie au doute. Certains feignent une . attitude stoïque, multipliant les déclarations rassurantes, mais beaucoup perdent de leur superbe, voire cèdent à la panique. Un coup de blues s'abat sur les Bourses, temples du capitalisme. Deux titres d'ouvrages récents résument lucidement la situation: La fête est finie, Le pire est à venir.
« Désordres annoncés », « chocs en cascade », « phénomènes de contagion », « instabilité », « bouleversements », « frustrations », « peurs »... le vocabulaire puise dans la grisaille, pioche dans la morosité. Et si le mot « crise » revient fréquemment, comme une douleur lancinante, c'est bien parce que la crise est globale, multiforme (financière, immobilière, alimentaire, énergétique, économique, sociale, culturelle). Crise d'un système qui révèle enfin son extrême fragilité et qui s'empêtre définitivement dans ses contradictions. D'un système qui aura constitué la plus grande arme de destruction massive que la Terre ait jamais portée.

Un dynamisme suicidaire

Que s'est-il passé? Le point de vue majoritaire dans l'analyse de la situation évoque une « mondialisation livrée à elle-même », un « marché non maîtrisé », des « forces incontrôlées ». Il suffirait donc d'élaborer une instance régulatrice, de coordonner les politiques économiques, de responsabiliser les banques, de moraliser le capitalisme, et tout rentrerait dans l'ordre. De qui se moque-t-on? Comme si, en volant au secours du capital défaillant à coups de centaines de milliards, les États n'avaient pas montré leur vrai visage, alors qu'une fin de non-recevoir est systématiquement opposée aux revendications salariales, au sauvetage d'emplois, à la protection sociale, aux retraites, aux services publics. Comme si n'était pas connu le vieux principe « privatisation des gains, socialisation des pertes ». Comme si l'on était dupes de la complicité tacite entre tous les acteurs: banques centrales, gouvernements, institutions financières, banques commerciales, firmes transnationales. Jusqu'à quand faudra-t-il répéter que le système capitaliste est inconcevable sans un État qui légalise, légitime et protège le droit « sacré » à la propriété privée?
À partir du moment où l'objectif obsessionnel était la réduction des coûts de production, la conquête dé parts de marché, la forte exigence de rentabilité du capital ; à partir du moment où la seule finalité était la recherche effrénée du profit maximum sur le court terme, tout devenait possible, les limites n'existaient plus; ce qui subsistait de morale disparaissait sous l'opportunisme des stratégies; spéculation et paradis fiscaux prospéraient... avec des risques qui devenaient insensés. Le capitalisme financier ne pouvait que subordonner le capitalisme industriel. La fuite en avant dans le crédit, dans le surendettement, ne pouvait que s'achever dans l'effondrement. Faudrait-il s'étonner que la corde se rompe après l'avoir usée? Faudrait-il s'étonner que le pouvoir d'achat des masses baisse lorsqu'une élite restreinte concentre les capitaux? Faudrait-il s'étonner que la nature agonise quand on l'a surexploitée? Et faudra-t-il bientôt s'étonner quand des millions de pressurés déverseront leur colère dans la rue, n'ayant plus rien à perdre?
Les conséquences, les « dégâts collatéraux » des politiques de restructuration, de délocalisation étaient aisément prévisibles: enrichissement indécent d'une minorité de privilégiés, creusement des inégalités, précarisation des emplois et des conditions de travail, gaspillage des matières premières et déséquilibres écologiques; souffrance économique et sociale.
« Désir illimité d'accumulation », « appétit insatiable » , « spirale sans fin d'accaparement », la dynamique du capitalisme, fondé, faut-il le rappeler, sur la propriété des moyens de production, ne pouvait être que suicidaire. La nature même de la concurrence oblige chaque entreprise à grossir ou à disparaître, comme le niveau de performance attendu contraint l'athlète à un dopage artificiel, jusqu'à la dose fatale. D'où l'explosion des fusions et des acquisitions. André Gorz, un des pionniers de la réflexion écologique, écrivait
« La science et la technologie, loin d'exiger le gigantisme, ont accouché d'outils géants parce que le capitalisme demande ces outils-là et refuse les autres. » Ce que beaucoup ignorent, par contre, c'est que cette dynamique n'a pu s'accélérer aussi brutalement que parce qu'elle a constamment bénéficié de l'aide des États (infrastructures, subventions, recherche et formation, protection des droits de propriété par les brevets, privatisations, externalisation de certains coûts, prise en charge des pertes financières. . .) .

Au-delà des limites de la planète

Mais le plus grave est ailleurs. En effet, sous peine de se désintégrer par le jeu de ses propres contradictions - notamment la multiplication des pauvres -, ce système est condamné à une croissance sans fin, à une fuite en avant perpétuelle. Voici ce qu'écrivait Robert Heilbroner, ancien professeur d'économie à New York et qui se définissait comme libéral: « Un capitalisme stationnaire est donc obligé d'aborder la question explosive de la distribution des revenus d'une façon qui est épargnée à un capitalisme en expansion. » Or le concept récent d'empreinte écologique montre clairement que nous dépassons de 30 % les capacités de régénération de la biosphère. Nous vivons au-dessus de nos moyens, nous hypothéquons l'avenir. Il nous faudrait bientôt l'équivalent de plusieurs planètes pour satisfaire les besoins de l'humanité! La croissance économique n'est donc plus possible: le futur est une impasse, la décroissance est incontournable. Le grand casino mondial nous promettait un jeu gagnant-gagnant; sauf sursaut brusque, ce sera perdant-perdant!
Or, dans le domaine purement écologique, l'explosion de la demande chinoise transforme la planète en bombe à retardement. Les tendances lourdes de l'économie mondiale ne sont tout simplement pas soutenables. La consommation chinoise ne peut que bouleverser l'approvisionnement énergétique mondial. En 2007, la Chine comptait 36 véhicules pour 1000 habitants; en 2020, ce chiffre devrait avoir été multiplié par trois. L'objectif affiché de Pékin: faire en sorte que la population chinoise rattrape le niveau de vie occidental à l'horizon 2025. Et le potentiel de hausse de la consommation d'énergie par habitant existe aussi en Inde, au Brésil, en Turquie, en Europe centrale et orientale. Dans un contexte de compétition, de surenchère, de nationalisme, les tensions, les conflits pour le contrôle des ressources devenues rares vont nécessairement s'exacerber. Si le prix du baril de pétrole a franchi à plusieurs reprises en 2008 le seuil mythique de 100 dollars, ce n'est pas tant par l'explosion de la demande ou la spéculation que par l'épuisement de plus En plus proche des réserves. D'où le discours schizophrène des dirigeants acharnés à relancer la croissance pour sauver le capitalisme et culpabilisant dans le même temps les individus dans leur vie quotidienne parce que la planète n'en peut plus.

L'infâme bouillie idéologique

Si elles reconnaissent piteusement que le capitalisme ne peut décidément pas s'autoréguler, la vraie droite et la fausse gauche n'ont plus qu'une issue: faire croire que l'État, lui, est en mesure d'assurer cette fonction. Examinons d'abord les faits.
Les réformes Sarkozy s'inscrivent dans un vaste mouvement d'ensemble visant à conforter l'ordre mondial. Pour les riches, un bouclier fiscal; l'allégement des droits de succession et des donations, des dividendes taxés forfaitairement à 16 % (et non plus à 30 %), la réduction de l'impôt sur la fortune, la réduction des taxes sur les plus-values, la dépénalisation des délits financiers.
Pour le simple citoyen, le quasi-gel des salaires, et du Smic, l'allongement de la durée des cotisations de retraite, l'instauration d'une franchise médicale, un plan antifraude aux prestations sociales, pas plus de deux refus d'offre d'emploi pour les chômeurs, la suppression des régimes spéciaux, un contrôle social accru (fichiers, vidéo surveillance, criminalisation du mouvement social...). Et pendant que les cadeaux se multiplient envers les stars et les milliardaires, les gouvernements taillent à la hache dans les budgets de la justice, de l'Éducation, de la Santé, font voler en éclats le Code du travail, les conventions collectives, la laïcité, les libertés individuelles. L'union sacrée, avec la bienveillance des hiérarchies syndicales, nouveaux chiens de garde du Medef, qui ne proposent rien d'autre que le partage généralisé de la misère.
Les États se sont eux-mêmes sabordés depuis une vingtaine d'années; ils continuent aujourd'hui avec la casse des services publics, le démantèlement de la protection sociale. C'est le sens de la réforme de l'État, de la décentralisation au profit de l'Europe, de la région, de l'intercommunalité, mais surtout des entreprises multinationales. Et ils voudraient nous faire croire que, en s'affaiblissant, ils seront davantage en mesure d'imposer des règles aux acteurs de la mondialisation-globalisation!
Si cette argumentation ne suffit pas à convaincre, voici les propos d'un fin connaisseur, Bernard Arnault, patron du groupe de luxe LVMH, qui confirme: « Les entreprises, surtout internationales, ont des moyens de plus en plus vastes et elles ont acquis, en Europe, la capacité de jouer la concurrence entre les États [...] L'impact réel. des hommes. politiques sur la vie économique d'un pays est de plus en plus limité. » !
Cet assaut du capital se trouve largement favorisé par l'anesthésie de la conscience politique. Or c'est bien cette gauche-caviar qui, de reniements en trahisons, a achevé de détruire le sens de la lutte. Car si la droite et le patronat sont dans leur rôle en favorisant outrageusement la compétitivité des entreprises, en faisant de l'enrichissement une vertu, en glorifiant le marché, la gauche, elle, a liquidé le vocabulaire du vrai socialisme et la pensée qui l'accompagne. Prenant prétexte de la complexité de la société pour se vautrer dans la langue de bois et les formules creuses, elle a préparé la population à l'austérité, aux sacrifices, la faisant renoncer au combat.
Désormais, il n'y a plus, pour cette « gauche », d'ennemis, mais des partenaires. Plus d'antagonismes de classes ou d'intérêts contradictoires, mais une harmonie à parfaire. Plus de confrontations, de rapports de forces, mais un dialogue social à moderniser. Et, bien entendu, la croissance économique comme remède miracle.
Alors que 9,3 % du PIB a glissé, en vingt ans, du travail vers le capital, la gauche-caviar s'est acharnée, dans un vide idéologique consternant, à réconcilier les Français avec l'entreprise, à construire une « France rassemblée » où on ne distingue plus les exploiteurs des exploités, à rendre l'oppression illisible pour les opprimés eux-mêmes.
On pourrait multiplier à l'infini les citations montrant la capitulation d'une caste qui a orchestré la régression sociale depuis le milieu des années quatre-vingt. Mais deux aveux suffiront, celui d'Henri Emmanuelle (le 23 mars 1983) : « Le jour où nous avons décidé d'ouvrir les frontières et de ne pas sortir du SME, nous avons choisi une économie de marché. » Et une déclaration du PS: « Les socialistes refusent une société duale où certains tireraient leurs revenus de l'emploi et où d'autres seraient enfermés dans l'assistance. » Mais pour ce qui est des revenus du capital, il n'y a aucune objection.
Cette réalité sociale que dissimule la pseudo-gauche, il faut que ce soit un hyper riche qui la dévoile, Warren Buffett, première fortune mondiale: « La guerre des classes existe, c'est un fait, mais c'est la mienne, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la remporter ! » Effectivement, il suffit de considérer le fonctionnement de l'OMC, le contenu de l'AGCS ou de l'ADPIC, qui, à l'initiative des plus puissantes firmes multinationales, non seulement visent à englober progressivement dans la sphère marchande mondiale, dérèglementée, toutes les ressources de la planète, toutes les activités humaines, .y compris l'éducation, la culture, les soins de santé, non seulement s'attachent à restreindre les droits des États à soutenir et à protéger leur agriculture ou leurs petites et moyennes entreprises, mais autorisent les compagnies étrangères à poursuivre les États dont les législations affectent négativement leurs profits et favorisent le contrôle du patrimoine technologique et génétique de l'humanité par des monopoles et oligopoles. Un totalitarisme tranquille dont la charte de l'OMC verrouille toutes les sorties!

La rupture nécessaire

Pour autant, tout le monde n'a pas abdiqué. Des résistances s'organisent sur l'ensemble de la planète face à l'offensive du capitalisme. Mais ces alternatives « dans » le système ne suffiront pas à créer «une » alternative « au » système sans une convergence des luttes. On l'a déjà vu, la sortie du capitalisme est impérative, et aussi du parlementarisme, parce que le refus de prendre en mains leur propre avenir se paiera toujours, pour les populations, par l'exploitation économique, par la domination politique. La soif de pouvoir d'une minorité s'alimente toujours de l'inertie des peuples: c'est la définition même du parasitisme.
Parce que personne ne peut le réguler, ce système tend à aller jusqu'au bout de sa logique, c'est-à-dire la surexploitation à la fois de l'homme et de la nature. Or l'aboutissement ultime d'une baisse du coût du travail, c'est un coût égal à zéro, c'est-à-dire l'esclavage. L'aboutissement d'une croissance économique sans fin, c'est un désastre écologique irréversible. Le stade suprême du capitalisme, c'est la guerre, qui consiste à détruire pour mieux reconstruire. Or, pour réduire de manière significative l'empreinte écologique, la guerre ne suffira plus; le capitalisme devra recourir à tous les moyens pour organiser le génocide de centaines de millions de pauvres.
La crise grave que traverse actuellement la société donne beaucoup plus de crédit aujourd'hui que par le passé aux thèses anarchistes. On ne peut plus se permettre d'attendre les prochaines échéances électorales pour constater que rien n'aura changé! La seule manière d'obtenir une stabilité à long terme, c'est que les populations définissent elles-mêmes leurs propres besoins (conscience politique) et aussi qu'elles les autolimitent (conscience écologique). Et, à partir de ces besoins, organiser collectivement la production, la distribution, en fonction des ressources locales.
Transformer radicalement la société, c'est non seulement rendre impossible le commerce spéculatif, l'accumulation des richesses, l'exploitation de l'homme par l'homme, la division de la société en classes. C'est non seulement la négation et le refus du monde mortifère dans lequel nous vivons. C'est croire que l'homme peut se libérer de la servitude économique et des autorités hiérarchiques qui l'étouffent.
Grève générale expropriatrice, puis gestion directe, collectivités, coopératives, fédéralisme, assemblées générales, mandatement impératif, révocabilité, il n'y a aucun obstacle technique. L'Espagne de 1936 nous l'a prouvé. Ce qui manque, c'est la volonté, la confiance, cette confiance que tout pouvoir commence par détruire en dévalorisant (homme pour le contraindre à la soumission, à la dépendance. Le philosophe Sénèque disait: « Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles qu'on n'ose pas; c'est parce qu'on n'ose pas qu'elles sont difficiles ». Alors, osons!

Jean-Pierre Tertrais

Le Monde libertaire hors série # 36 du 25 décembre 2008 au 4 février 2009
Ecrit par libertad, à 11:52 dans la rubrique "Ecologie".



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