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L'En Dehors


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Les charognards de la misère

Lu sur Non-fides : "Aux cris partagés de « Liberté » sous des murs protégés de barbelés et de gardes- mobiles, s’est à nouveau ajouté depuis plusieurs années une opposition en amont comme en aval des centres de rétention : contre les rafles dans les quartiers ou contre les déportations dans les ports et aéroports. Ce faisant, force a été de constater qu’on est restés encore trop souvent prisonniers de la logique de l’urgence, ce qui conduit parfois à des renoncements pratiques, et qu’on n’est pas parvenus à développer une perspective qui serait autonome aussi bien d’un sujet politique (comme l’immigré victime à défendre) que de la bonne volonté des masses.

Dépasser l’impasse de l’extériorité et du quantitatif pourrait à l’inverse signifier partir de soi pour construire une offensive non seulement contre les centres de rétention, mais aussi contre le monde qui les produit et les contient. Un monde fait d’exploitation (les sans-papiers sont d’abord une main d’oeuvre plus corvéable que les autres) et de domination (les dispositifs de contrôle déployés contre eux servent à inculquer la peur et la résignation à tous). Si on y regarde de plus près, cette manière différente d’aborder la question –comme individus pris dans la guerre sociale avec leurs propres désirs enragés et perspectives– ne la restreint pas au chacun pour soi, mais peut même au contraire ouvrir de nouvelles possibilités.
Un centre de rétention, en tant que rouage spécifique de la machine à expulser, ne se réduit en effet pas qu’à des murs ou des uniformes armés, mais est avant tout social : comme toute prison, c’est aussi l’architecte qui la projette, l’entreprise qui la construit (Eiffage ou Bouygues), la loi qui l’établit (dont la gauche comme la droite sont responsables), le tribunal qui nous y expédie, le flic et les compagnies de transport qui nous y transfèrent, le surveillant qui nous mate, le prêtre ou l’employé associatif qui sucent nos souffrances. C’est tout cela, et autre chose encore. C’est l’entreprise qui fournit la nourriture ou les appareils de contrôle ; c’est le professeur qui la justifie, le réformateur qui la veut plus « humaine », le journaliste qui en tait les finalités, le citoyen qui la regarde rassuré, ou qui détourne son regard.
Partant de là, et sans nécessairement renoncer à d’autres types d’agitation, on pourra peut-être dépasser l’impuissance qui guette lorsque brûle un centre de rétention ou que des sans-papiers s’y rebellent, nous trouvant souvent démunis pour appuyer les incarcérés avec la rage voulue et diffuser cette révolte tendue vers une liberté qui est aussi nôtre.

Prenons un exemple. En plus de leurs gardiens, leurs cellules d’isolement, leurs passages à tabac, leurs abus et tout simplement la privation de liberté, les centres fonctionnent aussi grâce à une myriade de collaborateurs civils qui rendent leur gestion plus souple et les velléités de révolte plus contrôlables. La Croix- Rouge gère par exemple directement certains de ces camps en Italie (comme celui de Turin), en Espagne (comme celui de Melilla) ou en Belgique (les centres pour demandeurs d’asile dits « ouverts »), mais elle sert aussi de caution lors des expulsions musclées ou fait fonction d’auxiliaire de police depuis 2003 pour les mineurs dans la zone d’attente Zapi 3 à Roissy.

En France, à l’intérieur des centres, c’est jusqu’à présent la Cimade qui vit directement de la misère des retenus sous prétexte de les aider. Dans ses « 75 propositions pour une politique d’immigration lucide et réfléchie » parues début 2007, on peut ainsi lire qu’elle ne souhaite pas la fin des déportations mais « la négociation du départ », ou qu’elle ne refuse pas l’enfermement des sans-papiers, proposant même à l’Etat de développer « l’assignation à résidence » (prop. 64). Quant à l’existence des centres de rétention déjà existants, et comme il ne faudrait tout de même pas trop songer à les détruire, la Cimade se prononce froidement pour une durée de torture limitée à 7 jours (prop. 65), pas plus de 80 à la fois (prop. 70) et pas trop loin du domicile (prop. 71). Voilà donc à quoi sert cette association : non seulement à donner un visage juridique aux expulsions avec toute l’ardeur bureaucratique que cela signifie, mais aussi à tenter de perfectionner le dispositif. Certainement pas à le gripper ou à le supprimer, comme l’affirment certains de ses défenseurs à bout d’arguments (le centre de Vincennes a « malheureusement » été incendié en juin 2008 précise-t-elle dans son Rapport d’activité 2007).

La donne a cependant une fois de plus changé le 22 août 2008, lorsque le ministère de l’Immigration et de l’Identité Nationale a publié un décret visant à « réformer l’aide aux étrangers dans les centres de rétention ». Hortefeux puis Besson entendent par là ouvrir cette cogestion de l’horreur à la concurrence, brisant en passant le monopole qu’y détenait la Cimade depuis 1985 (avec le Secours Catholique dans trois centres depuis 2007). Sur ce marché public avec appel d’offre qui existe depuis 2003, mais sur un seul lot national, c’est en effet elle seule qui raflait la mise depuis des années. Et comme on sait depuis longtemps que la charité –même chrétienne– a un prix, elle touchait pour cela 4,5 millions d’euros par an. Ça tournait d’ailleurs bien pour elle, puisque le nombre de places –qui détermine sa rémunération– dans ces prisons spéciales pour étrangers a augmenté de 77 % en cinq ans (786 fin 2003, 2030 fin 2009). On est là bien loin du bénévolat, voire d’une simple collaboration (régie par convention comme avant 2003), mais bien dans la sous-traitance par l’Etat d’un des angles d’une même matraque.

Ce fameux décret, qui prévoit de découper les 30 centres de rétention (dont 6 en construction ou prévus) en 8 lots pour les confier à différentes “personnes morales”, a provisoirement été annulé le 30 octobre 2008 suite à un référé pré contractuel de plusieurs associations. Un juge a en effet estimé que les critères de pondération liés à l’attribution des lots sous-évaluaient le niveau d’exigence juridique requis par les prestataires (15%) ! Le 19 décembre 2008, est donc paru un nouvel appel d’offre qui redéfinit la pondération des critères à remplir pour l’emporter : la compétence juridique comptera désormais pour 40%, la « compréhension des enjeux et engagements de services » (soit intégrer correctement la logique étatique à laquelle on participe) pour 25%, l’expérience humanitaire et la pratique des langues étrangères pour 20%, et enfin le prix de la prestation pour 15%. Ce marché vaut 5 millions d’euros, toujours composé de 2030 places divisées en huit lots qui vont de 175 000 euros pour les 84 places dans les Antilles à 660 000 euros pour les 380 places des trois bâtiments prévus au seul Mesnil-Amelot. Le tout sur une année qui débutera le 2 juin 2009 et sera reconductible deux fois.
Précisons aussi qu’une note du ministère datée du 30 janvier dernier et détaillant les conditions de l’offre est plus qu’explicite à propos de la subordination des associations à la machine à expulser : les souscripteurs emportant des lots seront non seulement collaborateurs de l’Etat pour cette prestation rémunérée « d’information sur l’accès effectif aux droits », mais leurs salariés devront en outre « émarger la feuille de présence tenue par le chef de centre », c’est-à-dire pointer chaque matin au même titre que les autres employés du ministère de l’Intérieur. On voit que les tabasseurs –eux– ne s’embarrassent pas de finesses linguistiques pour préciser qu’un flic reste un flic, même si son uniforme se planque derrière le sourire d’un chrétien de gôche.
Bien que la validité du nouvel appel d’offre soit encore liée aux derniers recours juridiques [
1], la liste des charognards qui s’étaient jetés au 30 octobre 2008 sur ce marché de la misère sera certainement la même que celle de ceux qui ont à nouveau postulé au 10 février 2009 (délais du second appel d’offre) : la Cimade, Forum réfugiés, France Terre d’Asile, l’Association service social familial migrants (Assfam) et l’Ordre de Malte.

Faire comprendre à ces matons humanitaires qu’ils doivent renoncer à accomplir leur sale besogne –notamment parce qu’ils pourraient bien aussi perdre quelques plumes à s’enrichir sur les tabassages, les abus et les déportations d’étrangers sans-papiers– relève d’un dégoût élémentaire.
Mais cela permet également de renouer avec le fil qui court des centres de rétention aux massacres économiques, aux saccages écologiques ou aux désastres de la domination qui poussent les indésirables à tenter de survivre un peu mieux ici, souvent au péril de leur vie : on retrouve sans surprise la Croix-Rouge à la tête de camps de réfugiés à travers la planète, l’Ordre de Malte ou le Secours Catholique (via Caritas) à soigner les corps mutilés de boucheries qu’elles se gardent bien d’empêcher. Sous la coordination d’institutions comme l’OIM [
2] ou de l’ONU, ces armées humanitaires sont à la fois au service de la politique européenne de contrôle des flux migratoires et les partenaires des manœuvres militaires des forces armées des puissances mondiales et régionales.
Sur ces champs de ruines et de désolation, il faut être alors bien réaliste ou cynique pour prétendre qu’en fin de compte « mieux vaut dans ces fonctions une crapule caritative qu’un mercenaire professionnel ». Ce pragmatisme de tous les renoncements reste pour nous définitivement lié au monde de la zone grise, celui de la collaboration permanente : on ne peut rester neutre dans un telle guerre, sinon pour appuyer de fait le plus fort dans le jeu de massacre capitaliste.

Quant à ceux qui refusent de voir leurs vies être réduites à une politique, ceux qui ne veulent pas se contenter d’attendre que quelques centres brûlent de l’intérieur, ceux qui ne résignent pas à la déportation de dizaines de milliers de sans-papiers, il s’agit d’affronter à bras le corps une machine à expulser aux multiples complices, qui met en jeu non seulement l’exploitation mais aussi l’écrasement de tous.

A. Lonzi
Dans
Cette Semaine N°98, avril 2009.

Notes

[1] Le référé-suspension introduit le 6 février 2009 par la Cimade devant le Conseil d’Etat a été rejeté le 27 février. Un autre recours, déposé avec neuf autres associations le 22 octobre 2008, est toujours en instance. La décision semble annoncée pour le 27 avril 2009, mais n’annulerait pas forcément l’ensemble de l’appel d’offre comme la première fois.

[2] Indépendant de l’ONU, le Comité intergouvernemental pour les migrations européennes (CIME), créé en 1951, est devenu en 1989 l’Organisation internationale des migrations, OIM. D’un budget de 735 millions de dollars et basée à Genève, l’OIM compte 125 Etats-membres et plus de 70 ONG comme observateurs permanents. Sous prétexte de « promouvoir le développement économique et social à travers les migrations », ses plus de 5000 employés oeuvrent à travers 1600 projets contre l’émigration clandestine. L’OIM a ainsi conçu de mai à décembre 2007 des tracts, affiches, spots radios puis télé, et réunions d’informations dans les villages et les écoles du Cameroun. Le tout financé par la Suisse. De mars à juin 2009, elle y a récidivé avec la campagne « Gars ne teste pas la clandestinité, restons réglo ». L’Etat belge a cette fois réglé la facture. En février 2009 au Sénégal, elle a mené campagne avec le pseudo Collectif des Femmes pour la lutte contre l’émigration clandestine contre les départs vers les îles Canaries. Lors des grandes vagues de 2006 de départ en pirogues, toujours vers les Canaries espagnoles, l’OIM a aussi logiquement proposé son soutien à l’Etat mauritanien pour ouvrir cinq postes de barrages militaires supplémentaires à ses frontières avec le Mali et le Sénégal.

mercredi 3 juin 2009

Ecrit par clown, à 19:05 dans la rubrique "Actualité".



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