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L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





Crée le 18 mai 2002

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Erotisme urbain
--> Pour changer un peu d'la promo d'la campagne !
Pour prouver que des individualistes (ou des anarchistes ?) qui apprécient la ville "ça existe", ci-après ce texte inondé de poésie d'Erik Petiteau, paru dans la 4ème édition de décembre 2007 du Grognard (revue philosophique et littéraire individualiste et subversive).

Texte reproduit "avec l'accord express de l'éditeur de la revue".

Erotisme urbain

Le centre exact des villes est calculé à l'équidistance des limites des banlieues définies selon le principe de continuité urbaine. La moyenne des hauteurs des bâtiments est également prise en compte.

Chaque premier janvier un nouveau centre géographique parfait, tenant compte de la croissance urbaine, est calculé par le bureau du chiffre central de la municipalité.

Lorsque le point exact est défini, une grande fête est alors organisée et, cérémonieusement, on vient enlever la plaque de l'an passé (elle aurait à ce jour plus de cinq cents ans !), pour l'installer à l'emplacement exact désigné par le calcul.

Le lieu désigné par la mesure est alors scrupuleusement respecté, que ce soit l'intérieur d'une habitation, l'épaisseur d'un mur ou un point dans le vide à plus de dix mètres du sol....on installe toujours la plaque au point parfait, quelles que soient les protestations des habitants qui doivent parfois vivre une année entière avec cette plaque en fonte, d'un mètre sur un mètre pour vingt centimètres d'épaisseur......dans leur baignoire !

A l'issue de la cérémonie, la ville bien ancrée à son point mathématique, et ne risquant plus de bouger pendant au moins une année, chacun rentre chez soi délivré de l'angoisse du mouvement perpétuel.

Il fait bon savoir où l'on est exactement.

En jargon technique, ce point est appelé....

Le nombril de l'urbaniste.

- Erotisme urbain -

Où est né ce passage du corps désiré d'une femme à celui d'une ville ? Où s'enflamme le citadin ?

Même chavirement, même vertige, mêmes infidélités, pénétrations, déceptions et amours par delà le temps volage. La ville se drape des rideaux feutrés et d'intérieurs inaccessibles. Elle envoûte les timides marcheurs de rue, les monte en l'air affolants et les violeurs de seuil.

Adolescent (c'est à dire aujourd'hui), je rêvais d'entrer dans une villa côtière délaissée durant l'hiver. Cette beauté esseulée, que moi seul savais lire derrière ses portes closes, attendait.

Dans les chantiers des démolisseurs, l'éventrure des murs par les grues révélait les papiers peints et les carrelages immaculés de salles de bains, femmes mises à nu avant d'êtres mises à mort.

Je n'aime pas les vieilles maisons, j'aime que l'ancien soit tissu duquel on se drape.

La découverte d'une ville est une initiation par le sexe, in vitro, derrière les vitres.

Homme heureux dans sa demeure, vers quelles femmes t'emmènent les rues.

Enfant, tel un chat, je m'attachais aux murs des maisons entre lesquelles j'avais voyagé, et aux femmes vers lesquelles j'étais envoyé. Le jouir d'être dehors, en attente, voyeur, m'a été conféré à cette époque. Entre deux histoires la rue porte le désir.

Le sexe de la cité est-il au théâtre ou abandonné au quai désert ? Dans la décharge publique ou au cinéma ? Allons à l'essentiel : le sexe citadin gît là où l'on ne peut vivre et là où on est indiciblement attiré.

Dégoût et grâce, égout et vitrine des grands magasins. Si aisé en fait à atteindre que seuls les préparatifs nous laissent vraiment le temps vraiment le temps d'en jouir, nous faisant croire en l'exception, en l'unicité de la rencontre. Longer les bras d'une Seine, fendre la foule sur un ventre urbain, s'attarder aux lèvres des ponts et aux carrefours des hanches....Max Ernst, le Jardin de France....

Ville foulée des passants, vibrante d'un embouteillage, lampadaires fleurs de nuits, enfantement de banlieues....Ville où je me crois le seul imbécile, élu par l'amour que tant d'autres cocus partagent en même temps.

Je n'ai pas le courage de l'homme sans foyer, ni celui de résister aux appels des rideaux entr'ouverts.

Là haut s'élève la tour, haute et belle, accessible aux détenteurs du code. La verticalité est un tamagotchi de l'amour, ascenseur, flash, 27ème étage, ecstasy, pallier, bureau....ascenseur, redescente, étage – 6, voiture, rue, enfin sorti du sexe froid de la belle indifférente. Même les cathédrales ont plus de corps et de chair.

Villes portuaires ? Choix entre une mer possessive et sa fille insolente, une femme pouir chaque porc, une pute pour les hommes aux peurs si douces.

Villes endormies, il est tard et....



  • Les arbres du parc -

Le moment amoureux est figé, le temps est prisonnier du parc ainsi qu'un tableau au musée.

Le parc pétrifie le désir pour le vaincre. Statues de sel des nymphes lascives, faunes emmurés, plantes sauvages importées.... Les belles des parcs sont des anorexiques qui succombent au plaisir sans jamais y goûter.

L'illusion du parc n'est pas le rêve romantique mais bien plutôt la croyance qu'existerait un remède à la folie, une limite à laquelle on pourrait s'accrocher, le rêve d'un monde paisible.

Le parc hait la passion, la déraison, la mort et le plaisir sensuel. La paix du parc est achetée au prix de nos ailes, clouées aux pancartes de l'entrée.

A l'exception de...

...ce parc de Plymouth où voisinent sur un côteau la forêt touffue, le gazon anglais, les vieilles joueuses de cricket, les gamins en V et les tombes enherbées. Il est un instant vivant de la ville où l'on joue, aime et meurt. Etre d'ici et de quelque part c'est y vivre en même temps une histoire d'amour et une histoire de mort.

Heureusement, hors des parcs, il y a aussi des arbres.

Peaux et troncs, troncs et fentes, fentes et pines, pubis en ramures qui agitent sous les regards des promeneurs leurs amours et aspergent ceux-là de leurs émois d'automne.

L'arbre est indécent, pornographe, et sa seule pudeur est notre aveuglement, notre inconscient qui nous susurre d'abattre l'arbre, de le brûler et de lui voler sa dépouille, ses attributs et sa puissance.

N'avez vous jamais caressé un arbre ?

Aimez-le.



  • Etreintes de ruelles -

Lacis de rues, ruelles lascives, quelque chose serpente dans le quartier, s'insinue jusqu'à chez vous, côté cour.

« Ici y'en a beaucoup qui ont perdu leur virginité ! », mon guide : Un clochard du quartier de la ville en bois à Chantenay.

Entre l'étreinte des murs vous entriez vêtue et sortiez nue. Proximité, mixité, soyance des pierres, des restes de crépis et des mélanges de fougères humides. Là, on passe à peine à deux de front, impossible de ne pas se frôler, se regarder, se sentir.

Quelles mains sorties de l'imagination de Jean Cocteau vous agripperont à travers ces murailles pour vous saisir au vertige ?

Le supplice est au tournant, l'innocence ou le cloaque. Là on donne un peu à voir, aux intimes, aux voisines croisées.

Mort du clochard quelques mois après l'interview tué par des skinheads. Post mortem coitum tristes em

Lorsque rôde le voyou on entend aussi aboyer le chien de garde....fermez vos ruelles, protégez vos femmes, tenez vos enfants en laisse, barbelez vos familles.

J'espère pourtant encore une Esméralda des faubourgs, surgie au détour des pavés, accoudée à un balcon italien surplombant un puits fleuri, dans un écrin de lierres velus et frissonnants, tout près et très loin de la circulation.



  • Tags-

Au fond de la grotte, l'homme peint des buffles, des chevaux sauvages. Le chaman lui a dit qu'ainsi il communierait avec les esprits contenus derrière la paroi de pierre.

Pendant plusieurs semaines les signes s'accumulent sous ses doigts sans qu'il ressente d'autre présence que celle de la pierre lisse et froide.

Ce jour là pourtant quelque chose change, la pierre devenue souffle et peau semble frémir à son toucher.

Pris de vertige il pose sa main peinte sur le ventre fertile de la caverne.

Pour G. Bataille les dessins préhistoriques n'étaient ni un rituel de fertilité, ni un tableau de chasse. Il s'agissait de briser l'angoisse de l'existence et de quêter la réponse dans les entrailles de la terre et les fissures du monde.

Adolescent, solitaire et frustré ; il me fallait donner sens à la ville étrangère. Quartiers labyrinthes, murs oppressants, façades aveugles.

J'ai conquis la cité d'habitudes, de trajets quotidiens, de passages explorés, d'indiscrétions, de mains posées à la surface des façades...

Du toit de cet immeuble, j'écris mes mots sur le mur de ta chambre, ils se fixent simultanément sur ta peau. J'accumule ainsi mes caresses savantes sur ton corps barbare. Alphabet du désir qui cherche les endroits les plus inaccessibles des parois de ton immeuble pour pénétrer au plus profond de ta nudité. Inconsciente, tu abandonnes ta liberté à mes fantasmes gravés sur ton ventre, tes seins et tes cuisses.

Formule magique.

Je te veux, je m'écris...



  • Les temps de l'extase -

Là haut, sur la butte Sainte-Anne à Chantenay, je vois la ville. En un regard je l'embrasse entière, je la prends nue m'insinuant jusqu'en ses ruelles, couloirs et recoins les plus secrets.

Quelques temps après, je suis malade, une douleur physique qui mêlée au travail et à la veille me plonge dans une ébriété souffrante. Le symptôme le plus étrange de mon état est une sensation de détachement entre mon corps et mon esprit. L'esprit veut s'échapper. La douleur distend les frontières.

Je nais !

Je cherche une nouvelle peau moins douloureuse, plus habitable. Alors j'essaie des vêtements trop grands.

Une sensation de pierre, de bitume, des chocs, des vibrations, des coups et des caresses mêlés sur ma nouvelle peau de ville. Je suis victime et bourreau, là et partout, je suis la sépulture et le violeur de tombe, j'ai tous les sexes et tous les temps.

Des plaisirs chaotiques, des salves brutales de jouissance me brisent. Je tombe dans l'abîme et je perds dans cette chute mon identité écartelée.

Revenir à moi.

Du Haut de la butte Sainte-Anne à Chantenay, j'entends gémir le fruit de l'accouplement d'un homme et d'une ville :

Un monstre bien sûr...



  • Enfantement en Utopia -

... un monstre ?

ou un enfant ?

Revenu de l'étreinte avec sa cité, l'homme se déchire sans cesse jusqu'à perdre chaque morceau de sa peau aux angles saillants des murs.

Il squame !

L'homme-serpent descend vers la ville basse à la recherche de l'enfant. L'homme-serpent à perdu sa mémoire, sa conscience, son inconscience ; il est aveugle.

Seul subsiste en lui ce souvenir de puissance, d'extase puis de brûlure, de chute sans fin, puis de cri.

Il cherche l'enfant salvateur dans les réunions mondaines, dans les antichambres des palais, dans les bars enfumés, dans les soies des corps emmêlés et dans les terres hautes. Il se mêle au macadam et le cherche dans les caniveaux parmi les boues du matin et les larmes des amoureux éconduits.

Un jour, tout est exploré, visité et reconnu de multiples fois, sans qu'un espoir ne subsiste.

Cet enfant n'existe pas, n'a jamais existé ou alors il est mort il y a des siècles, ou il est condamné par avance. Entends-tu ?

Mais l'homme serpent est sourd.

Alors il crée le labyrinthe de pierre. L'homme-serpent invente une ville pour y chercher l'enfant.

Chaque nuit recommencée, l'homme-serpent étend sa cité infinie pour y taquer l'illusion de l'enfant.

Ainsi naissent les utopies filles des chimères.



  • L'arche de Babel -

Je rêve d'une ville nautique, antique. Un air des années folles flotte au-dessus des réjouissances nocturnes ; la croisière s'amuse...

Ma première nuit à Paris, je la passais dans le XVIème arrondissement. J'avais eu cette adresse par des amis camerounais.

Un immeuble imposant, une vaste porte cochère, un escalier de marbre couvert d'un tapis incarnat.

Au sixième étage le tapis disparut.

Au huitième, les marches étaient en bois, des odeurs de couscous se répandaient dans un couloir étroit et sombre, des cris d'enfants et des voix de femmes en colère jaillissaient des murs ; j'étais arrivé.

Mon « home » était aux proportions exactes de l'homme De Vinci : bras et jambes écartés je touchai les murs et le plafond. Une armoire, un évier et un matelas en composaient le mobilier (rien d'autre ne pouvait y tenir). Un dessin de fille nue était accroché à la tapisserie. J'étais sauvé !

Cette nuit là, je fis mon plus agréable rêve citadin.

C'est Paris, ses immeubles Haussmanniens gris et immenses, face à face le long des rues ne laissent entrevoir qu'un mince bandeau de ciel inaccessible.

Entre ces falaises, je navigue. Je suis sur mon bateau, un petit dériveur et je surfe la vague. La mer a envahi toutes les rues.

Je jouis de voguer, glisser, filer jusqu'à ce que je chute dans l'eau. Je me rattrape in extremis au bordé du navire ; l'eau est chaude et je remonte vite dans le navire.

Je continue de glisser sur les grandes vagues entre les immeubles.

Fin du rêve du rêveur éveillé :

Il paraît que tous les mille ou deux mille ans, l'eau monte !

La ville est engloutie et avec elle tous les drames humains si minuscules dans les bras de dame Nature.

Nantes se mue ainsi en îles, en caps, en récifs. Chaque rue devient fleuve, courant, marée. Les places se font plages ou ports tandis qu'aux carrefours s'affrontent le flux et le reflux, la crue et le vent.

Sur les restes de la ville les hommes amarrent tout ce qui flotte. Un vieux cargo panaméen, une palette dérivée du terminal à bois exotiques, un navire de plaisance en aluminium, le Belém, un vieux trois mats carré patrimonialisé...

Ceux qui n'ont pu s'enfuir à temps vers les hauteurs d'Armorique ont pris place dans cette ville qui surnage. Sur ces sortes de baleines échouées des capitaines Achab se saoulent et rient. On trouve tout et tous dans cette humanité à la dérive. Des corps flétris et des bourgeoises décoratives, des hommes avides et d'autres refermés sur rien.

A ces habitants déracinés, s'ajoutent d'autres hommes auparavant invisibles que le courant monstrueux semble avoir extraits du lit du fleuve et du passé : des femmes et des hommes noirs qui palabrent et commercent avec un vieux viking, lui-même fils d'un marin epagnol et d'une blanchisseuse hollandaise ; des armateurs,, des Dockers, des commerçants, des esclaves, des esclavagistes, des fermiers, des Italiens...

Leurs vagissements couvrent les embruns et le ressac, on parle d'amour, on échange des cargaisons d'hommes et de femmes, de miel et de fluides, de feu et d'instants.

Se procurant, on ne sait où, ni comment, les alcools nécessaires, non boit à la mer, à sa fille et à l'amour. On s'entretue parfois.

Dessous, chez les poissons, pourrissent les maçons et les bâtisseurs de mémoire, qui n'avaient su que rejeter l'ivresse et accoucher de leur obsession de la mort.

Là haut, bercés su les vagues, les hommes sans noms se croisent et crèvent dans l'instant sans épitaphe.

Amis, méfiez-vous des brumes, lorsque tous les mille ou deux mille ans sourdent du sol les amours et les haines de ceux qui sont passés par-là.

Méfiez-vous des nuits de brume et de grande marée...



  • Traces... -

La nostalgie d'une cité tient dans les traces de ses voyageurs.

La marque invisible des pas de ceux qui passent sans s'arrêter, qui à l'occasion d'une halte racontent une histoire à des citadins pressés, qui laisseront derrière eux un regard échangé.

Comment lire la ville traversée ?

Quels indices trahissent le voyageur, sa nationalité, sa richesse, son coeur, ses aventures ?

Qu'est-ce qu'une ville traversée, traversante comme on dirait aimante ?

Il y a là quelque chose qui rappelle cette évidence troublante d'être déjà venu dans cet endroit, quand on sait pertinemment n'y être jamais passé.

Je crois que la ville traversante est propice à cette rencontre imaginaire avec le déjà vu. Il se tisse ainsi à des milliers de kilomètres de distance des liens immatériels.

Entre Nantes et Lisbonne.

Dans ces deux villes, la trace du voyageur s'imprime tel un saphir dans un microsillon. Un air subtil de « souvenir de voyage » s'écrit dans chacun des pas du voyageur qui traverse ces cités. Cela a peu à voir avec l'architecture, l'urbanisme...peut être plus avec le fleuve, une lumière plus pure qu'ailleurs, les chantiers du port en ruine ?

Il y a aussi l'arrivée sur la ville, le temps rythmé du voyage.

La ville traversante est celle qui s'offre à être écrite, celle qui n'est ni trop puissante pour emplir tout l'espace, ni trop inexistante pour n'en donner aucun goût, celle qui te dit que tu pourrais trouver ta place ici. C'est une page à demi vierge. Tu peux y graver ton nom ou celui de ton aimée, dans la pierre du parapet d'un pont, sans commettre une dégradation mal venue.

La ville traversante est celle qui t'invite à écrire sur elle :

« je suis passé ici »



  • La Belle -

Amour, alchimie, transmutation, défilé de mode...

Changer le plomb en robe,

et la souillon en or...

Je vivais avec une ville nostalgie où flottaient des histoires de marins dans un port abandonné, des odeurs de vases pourries le long des quais.

Ma ville était fille d'un docker et d'une bourgeoise, enfant sauvage d'un port exangue et d'une municipalité avide de pouvoir. Je l'ai rencontrée adolescent, parcourant avec elle les quais déserts.

Le matin, je sautais du lit et je partais à vélo en direction des grues abandonnées. Là bas, je la retrouvais et nous montions en haut des fleurs de métal pour regarder jusqu'à la nuit venue appareiller les derniers cargos. J'y dévorais en même temps des pique-niques vertigineux.

D'autres soirées nous contemplions depuis le bord du fleuve le défilé étrange des feux des pêcheurs de civelles.

Je me souviens des grains, ces pluies battantes et courtes, qui apportaient le goût salé et iodé de la mer proche et sous lesquels nous nous précipitions comme des chiens fous.

Dans un terrain vague, il y avait aussi une grotte masquée par les herbes folles.

Chaque mur de ma ville est un lambeau de ma mémoire, de mon enfance et de mes rêves.

Qu'il était facile alors de jouer à La Bête pour ma ville !

Un jour, tels les trois capitaines, un homme politique, un publiciste et un urbaniste croisèrent ma ville sur leur chemin. Ils lui chantèrent leur chanson :

Soit Belle pour attirer les cadres,

attirer les cadres pour attirer les entreprises,

attirer les entreprises pour récolter les taxes...

Changer le bitume en or !

A cette époque j'ai quitté ma ville pour gagner ma vie, je croyais alors que je le la retrouverais fidèle à mes souvenirs. Plus âgée peut être, m'attendant.

Hélas, entre les mains des trois capitaines, ma ville est devenue une Belle du catalogue, vêtue le jour avec goût et provocante la nuit.

Ses rues, autrefois empestées de voitures, s'élargissent aujourd'hui devant un tramway immaculé ; ses boulevards invitent les grands architectes et ses jardins les paysagistes savants, dont on parle à Paris.

Les vieux hangars du port ont été rasés et les plans d'urbanisme prévoient d'y bâtir un prestigieux quartier d'affaire, d'administration et des facultés.

Je vis à côté d'une ville à la Une des magazines et des sondages.

Elle est habillée par Jean Paul Goude les jours de fête, elle est déodorée par Narta à la sortie des bureaux et coiffée par l'Oréal à l'opéra.

Quatre-vingts pour cent de ses habitants en sont satisfaits et elle est plébiscitée au hit-parade des villes idéales.

Et moi, seul, que vais-je devenir ?

Un quasimodo publicitaire ?

Ou alors séduire la Belle à nouveau...

Apprendre...



  • Ville pour soi -

Au carrefour du désespoir vous prenez la rue de la bonne surprise et vous cherchez la maison au 33, mais tous les numéros sont mélangés, en désordre, 101, 8, 69... ?

Au hasard vous prenez une maison, vous y entrez et dînez avec ses habitants. Le soir on vous indique le lit à l'étage et on vous souhaite une bonne nuit.

Lorsque s'éveille le matin, vous vous levez dans une maison vide et ensoleillée.

Vous petit déjeunez d'oeufs au bacon et d'un thé, car il fait beau.

Puis vous ouvrez la boîte aux lettres et vous trouvez une lettre d'amour adressée à un inconnu par une autre inconnue.

Dehors, vous cherchez à atteindre les frontières de cette cité qui, telles le mirage, s'éloignent à mesure que vous vous en approchez.

Las, vous écoutez le murmure de la cité qui résonne en une mélodie intime.

Au retour, au carrefour de l'inconnue, à l'angle de la rue innocente et de l'avenue du crabe, vous rencontrez un ami avec lequel vous buvez une bière.

Comme vous il est perdu ou voyageur.

Chacun semble s'habituer peu à peu à n'être que de passage dans une cité constamment en mouvement.

Jamais vous ne dormez deux fois sous le même toit, jamais vous ne pouvez donner un rendez vous dans un lieu figé, jamais vous ne savez où vous êtes ni d'ailleurs quelle heure il est.

Alors tous s'accommodent de cette existence fugitive et chaque jour est consacré à se rencontrer soi-même, tel un art de vivre l'instant.



  • Marée basse -

J'enclenchai l'envoi automatique du message

« autorisation de naviguer sur les eaux maritimes, attente avis... »

La réponse arriva vite, lorsque les réponses arrivent vite elles sont décevantes :

« autorisation refusée, aujourd'hui 27 décembre 2004, 8h45 mn, la mer est à l'état de squelette, attendez le flash météo de demain... »

Pas de navigation aujourd'hui donc, déçu, je descendais malgré tout jusqu'au bateau. Il était misérablement échoué sur deux côtes et un fémur... les os de l'océan atlantique.

Il faisait encore nuit et je décidai de me remonter le moral en allant chez Jo.

Heureusement le vieux café était déjà ouvert. Le matin naissait, la lumière humide de l'aube se répandait sur la porte en bois, la viscosité était contenue au dehors et avec plaisir j'entrai dans la salle chaude.

Bien résolu à passer la journée chez Jo (de toue façon elle était gâchée), je choisis une chaise rouge bien rembourrée, près d'une fenêtre et avec vue sur la salle. Je commandai de quoi attaquer le matin sans trop de douleur, une tactique de marathonien pour tenir la journée :

« Jo, tu me mettras une nouvelle de Poe, un livre de Pierre Pelot et une enquête de Sherlock Holmes, avec ça je devrais tenir jusqu'à midi »

Jo m'apporta mes lectures et je m'y plongeais. Parfois je relevais la tête en considérant les clients qui venaient s'attabler et j'essayais de deviner les titres qu'ils commandaient.

Je m'assoupis doucement vers 11h00 tout en pensant aux Aborigènes d'Australie qui croient vivre en même temps dans deux mondes, l'un le notre et l'autre qu'ils nomment le monde réel.



  • Le rêve posté -

Cette nuit, j'ai reçu un rêve étranger. Pas d'adresse au dos et oblitéré d'une ville inconnue. Peut-être m'évoque-t-il au plus un visage familier ?

Alors, je l'ai retourné. Avec dessus la mention : « n'habite plus à l'adresse indiquée ».

Ecrit par tetatutelle, à 14:02 dans la rubrique "Culture".



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