Tandis qu’en Grèce, pour la sixième journée consécutive, quinze établissements universitaires et une centaine de lycées grecs étaient toujours occupés, jeudi 11 décembre au matin, le mouvement de protestation contre la mort d’un adolescent tué samedi à Athènes par la police grecque a, de façon inattendue, gagné l’Espagne et l’Italie mercredi soir, où des manifestations ont dégénéré en affrontements avec la police.
À Barcelone, près de 400 jeunes, dont un grand nombre d’origine grecque, ont défilé à partir de 21 heures avec des pancartes afin de protester contre la mort du jeune Grec, certains brûlant du mobilier urbain ou attaquant des agences bancaires. À la suite d'affrontements avec la police, deux manifestants, dont une jeune fille d’origine grecque, ont été arrêtés et deux policiers locaux légèrement blessés.
La tension a été plus vive à Madrid, où quelque 200 jeunes ont attaqué un commissariat du centre-ville, près de la Gran Via, brisant les vitres aux cris de «police assassine», selon le quotidien El Mundo. Plusieurs policiers auraient été blessés. La police anti-émeute est intervenue, arrêtant cinq manifestants, avant de poursuivre les protestataires dans les rues alentours et d’en arrêter quatre autres après que des conteneurs ont été brûlés et une agence bancaire criblée de pierres dans le centre-ville, selon un reponsable de la police.
Des incidents similaires se sont par ailleurs produits en Italie, lors de manifestations à Rome et à Bologne (nord). À Sofia, en Bulgarie, des manifestants se sont aussi rassemblés devant l’ambassade de Grèce en signe de protestation.
Nouvelle manifestation prévue à Athènes
À Athènes, dans le quartier d’Exarchia, où a été tué l’adolescent samedi, les jeunes et les policiers se faisaient toujours face aux abords de l’École polytechnique : tôt jeudi matin, une quarantaine de jeunes ont jeté des pierres contre les forces anti-émeutes, qui ont riposté par des tirs de gaz lacrymogène pour les disperser. Trois personnes ont été interpellées.
À Salonique, des dizaines de jeunes restaient retranchés dans l’enceinte de l’université de la ville, où selon la loi grecque, la police n’a pas le droit d’intervenir. Des déprédations ont eu lieu au sein de l’établissement : plusieurs professeurs ont indiqué aux médias locaux que leurs bureaux avaient été saccagés et leurs archives déchirées.
Les étudiants doivent se réunir de nouveau jeudi pour décider de la poursuite de l’occupation des universités alors qu’une nouvelle manifestation d’étudiants est prévue jeudi soir à Athènes, selon le ministère de l’Intérieur grec.
Le Monde, 11 décembre 2008.
Grèce : deux voitures incendiées devant le consulat à Bordeaux, celui de Grenoble fermé
Les violences urbaines en Grèce sont-elles en train de gagner l’Europe ? En France, deux véhicules ont été incendiés dans la nuit de mercredi à jeudi devant le consulat à Bordeaux.
La porte du consulat, vide au moment de l’incendie, à 3h15, a été endommagée et huit personnes résidant dans l’immeuble ont été évacuées mais ne sont pas blessées.
«Insurrection à venir»
Des inscriptions «soutien aux incendies en Grèce» et «insurrection à venir» ont aussi été retrouvées sur une porte de garage voisine de même que celle «insurrection partout» en face du consulat, a constaté un photographe de l’AFP. Une enquête a été confiée à la police judiciaire de Bordeaux.
Le consulat de Grèce à Grenoble, lui, est fermé depuis mercredi et jusqu’à lundi à la suite de consignes données par l’ambassade de Grèce à Paris en raison du risque de rassemblements devant l’établissement.
«Pas le fait de la communauté hellenique»
Une quinzaine de personnes se sont rassemblées mercredi matin devant le consulat où ont également été inscrits des tags en français fustigeant «la répression des polices grecques et françaises», a indiqué le consul Michel Hadjimanolis à l’AFP.
«Ces actes ne sont pas le fait de la communauté hellénique, mais nous avons eu pour consigne de ne pas venir au consulat jusqu’à lundi», a-t-il précisé.
Deux députés PS mettent en garde
Deux responsables socialistes, Laurent Fabius, proche de la première secrétaire du PS Martine Aubry, et Julien Dray, soutien de Ségolène Royal, ont mis en garde ce jeudi contre le risque de contagion en France et en Europe.
«Quand vous avez une telle dépression économique, une telle désespérance sociale, il suffit qu’il y ait une allumette qui se mette là-dedans et tout part, surtout qu’on a quand même un gouvernement qui vis-à-vis de la jeunesse ne montre pas de compréhension», a déclaré Laurent Fabius sur Europe 1.
Le député de l’Essonne Julien Dray a pour sa part estimé sur i-Télé que «le syndrôme grec menace l’ensemble des pays aujourd’hui, parce qu’on est dans une crise très grave avec une explosion des inégalités sociales».
20 minutes, 11 décembre 2008.
Nouveaux affrontements devant une fac et une prison athéniennes
Des affrontements entre jeunes et policiers ont éclaté ce jeudi devant la faculté d’agronomie d’Athènes, occupée par les étudiants, tandis que des groupes de jeunes vandalisaient magasins et équipements publics dans d’autres quartiers de la capitale.
Incidents également devant la prison athénienne de Korydallos, la principale du pays, où quelques centaines de manifestants se sont massés et ont commencé à lancer sur les forces de police présentes divers projectiles. Après avoir été repoussés par des gaz lacrymogènes, ils ont entamé une protestation assise devant l’établissement.
Située dans une banlieue populaire de l’ouest d’Athènes, la prison de Korydallos a été le théâtre le mois dernier d’une grève de la faim massivement suivie par les détenus, dans le cadre d’une mobilisation de toutes les prisons grecques contre la surpopulation et les mauvaises conditions de détention.
Un calme précaire
La tension semblaient pourtant sensiblement s’atténuer en début de matinée. Seules de petites escarmouches se poursuivaient entre des jeunes et la police aux abords de l’École polytechnique, dans le centre d’Athènes, après une journée de mercredi essentiellement marquée par des accrochages à Athènes et Salonique, et par la grève générale prévue de longue date.
Les forces de l’ordre restent donc mobilisées dans l’attente de rassemblements en fin d’après-midi, alors qu’un calme précaire est revenu sur Athènes. «Il y a une baisse de tension par rapport à lundi et mardi, mais nous devons faire face à des éléments hétéroclites et il est difficile de prévoir l’évolution de la situation dans l’immédiat», a déclaré le porte-parole de la police.
Les manifestants retranchés dans les universités
Dans le quartier d’Exarchia, au centre d’Athènes, où se trouve l’École polytechnique, une quarantaine de jeunes ont jeté des pierres contre les forces anti-émeutes, qui ont recouru à des tirs des gaz lacrymogènes pour les disperser. Trois personnes ont été interpellées.
À Salonique, quelques dizaines de jeunes continuaient d’être retranchés dans l’Université de la ville. Des déprédations ont eu lieu dans cet établissement, devant lequel des affrontements ont eu lieu, depuis le début de la semaine, entre des jeunes et la police.
Le policier formellement inculpé
Plusieurs professeurs de l’établissement ont indiqué aux médias locaux que leurs bureaux ont été saccagés et leurs archives déchirées. Selon la loi en Grèce, la police ne peut pas intervenir dans les universités.
Mercredi soir, la justice grecque a formellement inculpé d’«homicide volontaire» et d’«usage illégal de son arme de service» le policier qui a tué samedi l’adolescent Alexis Grigoropoulos à Athènes, drame qui avait mis le feu aux poudres. Il a été maintenu en détention provisoire par le juge d’instruction en compagnie de son collègue, inculpé de «complicité».
Des incidents en France et dans le reste de l’Europe
Le relatif retour au calme en Grèce tranche avec les incidents qui ont émaillé la soirée à l’étranger. À Bordeaux, deux véhicules ont été incendiés dans la nuit de mercredi à jeudi devant le consulat de Grèce, dont la porte a été endommagée. Le consulat de Grèce à Grenoble est, lui, fermé jusqu’à lundi à la suite de consignes données par l’ambassade de Grèce à Paris pour minimiser les risques.
À Moscou, un engin incendiaire a été lancé par un inconnu contre le consulat général de Grèce, tandis que des manifestations ont dégénéré à Madrid et Barcelone, la presse espagnole faisant état de 11 arrestations et de policiers blessés. Des incidents similaires se sont également produits en Italie, lors de manifestations à Rome et à Bologne.
20 minutes, 11 décembre 2008.
Les accrochages se poursuivent pour le sixième jour en Grèce
Des bandes de jeunes ont lancé jeudi des pierres et des engins incendiaires sur des commissariats de police de la banlieue d’Athènes pour la sixième journée consécutive de violences urbaines.
Le centre de la capitale était moins agité que les jours précédents, la population ayant repris le chemin du travail au lendemain d’une grève générale de 24 heures à l’appel des syndicats pour protester contre la politique d’austérité du gouvernement.
À Athènes, des incidents ont toutefois éclaté avant l’aube lorsque des étudiants ont affronté la police dans une université occupée. En milieu de matinée, ces troubles s’étendaient à une quinzaine de commissariats de police, allant des quartiers chics de la banlieue nord à ceux, populaires, du sud.
Bon nombre d’étudiants arboraient des banderoles portant l’inscription «Pourquoi ?» en référence à la mort du jeune Alexandros Grigoripoulos, 15 ans, abattu samedi par la police.
À Salonique, la deuxième ville du pays, un demi-millier de personnes ont fait le siège du commissariat central. Des manifestants se sont également rassemblés à Patras, la ville portuaire de l’ouest du Péloponnèse, ainsi qu’à Ioannina, ville du nord menant à l’Albanie.
L’extrême gauche devait se rassembler dans le courant de la journée de jeudi dans le centre d’Athènes tandis que d’autres manifestations sont prévues pour vendredi et lundi.
Dans un climat de fortes tensions socio-économiques, de plus en plus de Grecs s’interrogent sur le sort du gouvernement conservateur après les émeutes qui durent depuis le week-end.
Beaucoup se demandent désormais ce que réserve la suite de ces événements sans précédent depuis la fin de la dictature des colonels en 1974.
«Le gouvernement a montré qu’il était incapable de gérer la situation. Si la police se met à imposer la loi, tout le monde dira que la junte militaire est de retour», déclare Yannis Kalaitzakis, un électricien de 49 ans. «Le gouvernement est placé entre le marteau et l’enclume.»
Élections dans les trois mois ?
Beaucoup déplorent que le policier accusé d’avoir tué l’adolescent n’ait pas exprimé de remords en présence des enquêteurs mercredi. Il a dit avoir procédé à des tirs de sommation et qu’un projectile a atteint Grigoropoulos après avoir ricoché. Pour le journal Ethnos, cela revient à «jeter de l’huile sur le feu».
Ce policier, Epaminondas Korkoneas, et un de ses collègues inculpé de complicité de meurtre, ont été emprisonnés dans l’attente de leur procès. Il faut souvent des mois pour que les dossiers soient traités en Grèce.
Le Premier ministre, Costas Caramanlis, qui a annoncé des mesures financières en faveur de centaines de commerces et d’entreprises endommagés durant les émeutes, devait se rendre jeudi à Bruxelles pour un Conseil européen. Son gouvernement s’efforce de poursuivre ses tâches comme en temps normal.
Costas Caramanlis et le chef de l’opposition Georges Papandréou ont lancé des appels à l’arrêt des violences, qui se sont étendues à une dizaine de villes grecques en causant des dégâts évalués à plusieurs centaines de millions d’euros.
Des Grecs ont aussi manifesté à Paris, Berlin, Londres, La Haye, Moscou, New York, en Italie et à Chypre.
Si le gouvernement, qui a une seule voix de majorité au parlement, semble avoir survécu à l’impact immédiat de la tempête, son absence d’intervention a encore affaibli sa cote de popularité, estiment des analystes. L’opposition socialiste, en tête des sondages, réclame des élections anticipées.
«Selon le scénario le plus probable, Caramanlis organisera des élections dans deux ou trois mois», estime Georges Prevelakis, professeur de géopolitique à l’université de la Sorbonne (Paris).
L’Express, 11 décembre 2008.
Grèce : «Quatre ou cinq immeubles ont déjà entièrement brûlé dans Athènes»
«Les rues sont dévastées, tout a été saccagé!» Lucas Vidalis habite à deux pas du quartier Exarchia à Athènes, où a été tué Alexis Grigoropoulos. Quand il tente une sortie, il peut constater les dégâts : «il n’y a plus une boutique intacte ou presque entre le quartier contestataire et le Parlement».
Barricades et cocktails Molotov
Depuis le début des événements, cet avocat à la Cour ne se rend à son cabinet que le matin, quand tout est calme. «Mais tous mes rendez-vous ou presque sont annulés, explique-t-il. Le centre-ville tourne au ralenti, surtout avec la grève générale.» Alors, le reste du temps, il se barricade chez lui et regarde les manifestations de sa fenêtre.
«J’ai vue sur les deux facs occupées de la ville», précise Lucas. Si la journée, quelques badauds jouent les curieux sur les trottoirs, à partir de 18 heures, «place aux barricades et aux cocktails Molotov». Lucas habite le quartier, réputé agité, depuis plus de 35 ans, mais il avoue qu’il n’a «jamais rien vu qui ressemble à ce qu’il se passe en ce moment».
Les boutiques attaquées «à coups de marteaux ou de troncs d’arbres»
Pas même en 1973, au moment des émeutes contre la dictature des colonels. On dit que «quatre ou cinq immeubles ont déjà entièrement brûlé dans Athènes», s’inquiète Lucas. Il raconte avoir vu «des gens s’attaquer à des boutiques à coups de marteaux ou de troncs d’arbres».
Ce qui frappe Lucas, c’est la diversité des visages qui crient leur colère dans les rues. Des anarchistes, dont on entend beaucoup parler, des étudiants, «mais aussi de très jeunes gens de 14 ans, qui participent volontiers».
Les forces de l’ordre «détestées»
Essentiellement des Grecs, contrairement à ce que Lucas a entendu dire au début des événements. «On voit bien quelques étrangers, mais ils ne sont pas à l’origine des dégradations», souligne-t-il. Il en a seulement vu passer derrière les pillards, ramasser ce qui restait dans les boutiques fracturées.
Pour Lucas, «le meurtre de ce jeune a mis le feu aux poudres, mais le pays n’était déjà pas serein avant». Il évoque la situation économique désastreuse du pays, mais aussi les forces de l’ordre, détestées par de nombreuses catégories de la population : «Des intellectuels désabusés aux prolétaires, en passant par les supporters de foot ou ceux qui se jugent mal considérés.»
État de siège
Mardi, en marge des obsèques d’Alexis, de violents affrontements ont eu lieu «et un policier à moto a sorti son arme pour tirer plusieurs coups de feu en l’air». Mais ce mercredi, les choses semblent se tasser. «Il y a bien des manifestations, mais moins violentes que ces derniers jours», juge Lucas. Il se murmure d’ailleurs que «si la nuit prochaine, de nouvelles violences ont lieu, le gouvernement décréterait l’état de siège».
Pire, Lucas raconte qu’à Salonique et Patras «des commerçants, des citoyens, mais aussi des militants d’extrême droite se joignent aux forces de l’ordre pour s’en prendre aux manifestants». Sans cautionner, l’avocat avoue «comprendre la révolte» de ceux qui ont vu leurs biens détruits par les manifestants. Lui-même l’a ressentie quand la banque au pied de son immeuble a brûlé toute une nuit durant. Sans prendre les armes en représailles, pour le moment.
20 minutes, 10 décembre 2008.
Des cocktails Molotov lancés sur l'avocat des policiers inculpés
Les heurts ont repris ce mercredi en Grèce, alors que les premiers résultats de l’autopsie du jeune Alexis Grigoropoulos révèlent que la balle mortelle l’a frappé par ricochet. Le policier auteur des coups de feu, inculpé d’«homicide volontaire», a été présenté ce mercredi après-midi devant un juge d’instruction, en compagnie d’un de ses collègues, accusé de complicité.
Au même moment, devant le Palais de Justice, deux cocktails Molotov ont été lancés en direction de l’avocat des policiers par un groupe de 15 personnes. Plus tôt dans la journée, dans le centre d’Athènes, la police a tiré des gaz lacrymogènes contre des dizaines de manifestants qui jetaient des projectiles et des cocktails Molotov, au cours d’une manifestation devant le Parlement grec. Des affrontements entre jeunes et policiers ont également éclaté à la mi-journée à Salonique, en marge d’une manifestation d’environ 2000 personnes dont de nombreux élèves et étudiants.
Une grève générale prévue de longue date
Coïncidence de calendrier, une grève générale de 24 heures, prévue de longue date, débute ce mercredi à Athènes alors que la pression est à son comble depuis quatre jours. Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées dans le centre d’Athènes, pour une nouvelle manifestation contre la mort d’Alexis et à l’occasion de cette grève contre l’austérité lancée à l’appel des grandes centrales syndicales. Les dirigeants syndicaux ont tenu à organiser ce rassemblement malgré une demande d’annulation adressée par Costas Caramanlis. Les syndicalistes ont lancé un appel au calme pour que la manifestation se déroule sans incidents. Les syndicalistes communistes (PAME) ont prévu de leur côté de manifester dans le centre d’Athènes avant le rassemblement syndical.
Indemnisation de centaines d’entreprises endommagées par les heurts
La grève, qui doit fortement perturber les transports, accroît la pression sur le gouvernement du Premier ministre grec conservateur Costas Caramanlis, fragilisé par une flambée de violence jamais vue en Grèce, qui a suivi la mort d’Alexis Grigoropoulos, 15 ans, abattu samedi par un policier. Le Premier ministre grec a annoncé ce mercredi des mesures concrètes pour l’indemnisation de centaines d’entreprises endommagées pendant les violents affrontements survenus depuis samedi à Athènes et dans d’autres grandes villes.
Mardi après-midi, des heurts avaient de nouveau éclaté dès la fin des obsèques de l’adolescent, dans la banlieue d’Athènes. Ils se sont poursuivis jusqu’à 2 heures du matin entre les policiers et plus d’une centaine de jeunes qui effectuaient des sorties des écoles polytechnique et de droit occupées depuis dimanche.
à 10:05