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Anarchisme et non-violence : La fin et les moyens
Lu sur A voix autre : "Aucune forme de libération ne pourra jamais provenir de la violence, elle est de par sa nature même opposée à la liberté. Elle détruit ceux qui en sont les victimes mais elle asservit aussi ceux qui en font usage car celui qui a fait usage de la violence pour triompher ne pourra jamais s’en débarrasser, il devra toujours frapper plus fort ceux qu’il veut dominer.

Les différentes légitimations de la violence révolutionnaire

Parmi les révolutionnaires, les deux justifications les plus largement répandues de l’usage de la violence comme moyen d’action sont les suivantes :

— Le première pourrait se résumer par : « La fin justifie les moyens ». Puisque la fin est juste, tous les moyens sont bons pour la faire aboutir, même si ceux-ci paraissent en contradiction avec le but poursuivi. Une guerre civile entre oppresseurs et opprimés est inévitable car les oppresseurs ne cesseront jamais leur domination s’ils n’y sont pas contraints par la force. Pour faire triompher la révolution, il s’agit donc d’écraser les oppresseurs et de remplacer l’ancien système politique par celui décidé par les révolutionnaires, quitte au début à l’imposer par la force.

— La deuxième forme de légitimation de l’usage de la violence est la « légitime défense » envers la répression. Comme la répression contre-révolutionnaire ne manquera, hélas, jamais de se faire sentir, la violence paraît inévitable. Elle ne serait donc plus un choix délibéré de la part de ceux qui mènent les luttes mais un simple moyen de défense contre la réaction, qui porterait alors la responsabilité morale de cette violence puisque c’est elle qui en est l’origine.

Avec l’échec et l’effondrement du communisme, la première justification de la violence révolutionnaire est presque totalement tombée en désuétude, heureusement. Tant de massacre ont été commis au cours de ce siècle au nom d’un monde meilleur sans que ce dernier n’arrive, qu’il ne reste plus grand monde pour soutenir qu’il suffira d’une bonne hécatombe de méchants oppresseurs pour que l’âge d’or descende sur terre. Il est tout de même intéressant de la réfuter car cette idée subsiste encore chez certains et, de plus, ce n’est pas inutile car cela amène à aborder le problème de la fin et des moyens, base même de l’inadéquation de toute légitimation de la violence révolutionnaire.

« Plus il y a de violence, moins il y a de révolution. »

Cette phrase est de Barthélemy de Ligt, un grand pacifiste libertaire hollandais, qui a toujours lutté contre toutes les formes de guerres, horizontales (= entre les nations) ou verticales (= entre les classes). En effet, « pour qu’on puisse la considérer comme ayant réussi, il faut qu’une révolution soit l’accomplissement de quelque chose de nouveau. Mais la violence et les effets de la violence – la violence en retour, le soupçon et le ressentiment de la part des victimes, et la création chez ceux qui l’ont perpétré, d’une tendance à employer encore plus de violence – sont des choses, hélas, trop familières, trop désespérément non révolutionnaires. Une révolution violente ne peut rien accomplir, si ce n’est les résultats inévitables de la violence, lesquels sont vieux comme le monde. » (Aldous Huxley, La fin et les moyens, p. 28)

Toute révolution n’est que le produit des moyens employés pour la faire aboutir. Les révolutions recourant à la violence engendreront donc toujours d’autres violences, de la même manière que l’usage de l’État autoritaire pour aboutir à la libération de l’homme n’a jamais abouti qu’à perpétuer sa domination [1]. De manière générale, on peut dire que « l’emploi des moyens de guerre (…) rend injuste la cause la plus juste, puisque ceux qui s’y laissent entraîner ne peuvent faire autrement que de descendre au même niveau de violence brutale que ceux qu’ils combattent [2]. Même s’ils gagnaient, en fait, ils seraient condamnés fatalement à garantir les fruits de leur victoire par un système de défense violente toujours plus perfectionné, donc plus inhumain, et de s’embourber au point de n’en pouvoir sortir, dans le chemin de la destruction [3]. » (Barthélemy de Ligt, Pour vaincre sans violence, p. 76)

Aucune forme de libération ne pourra jamais provenir de la violence, elle est de par sa nature même opposée à la liberté. Elle détruit ceux qui en sont les victimes mais elle asservit aussi ceux qui en font usage car celui qui a fait usage de la violence pour triompher ne pourra jamais s’en débarrasser, il devra toujours frapper plus fort ceux qu’il veut dominer.

La fin ne pourra jamais justifier les moyens [4] car, au contraire, ce sont les moyens qui indiquent et révèlent toujours la fin. Dès lors, comment une révolution qui se voudrait libertaire pourrait-elle user d’un moyen tel que la violence, qui est par essence même domination ?

La prétendue légitime défense

On peut tenter d’examiner l’autre argument utilisé dans la pratique révolutionnaire pour justifier le recours à la violence : la légitime défense. Ce n’est pas du droit de chacun de se défendre lors d’une agression directe de sa personne dont il est question ici (la quasi-totalité des non-violents reconnaissent d’ailleurs la légitimité de ce droit en cas d’extrême nécessité), mais de l’utilisation politique de ce droit pour légitimer l’utilisation de la violence en prétextant une simple résistance à l’oppression de l’État [5].

La légitimation de la violence par l’appareil d’État constitue un des fondements de celui-ci. Le sociologue Max Weber définit même l’État comme « une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé – la notion de territoire étant une de ses caractéristiques – revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime » [6] (Le savant et le politique, p. 112). On pourrait d’ailleurs ajouter que l’État revendique la légitimité de toutes les formes de violence, dont la violence physique, mais y compris les violence morales telles que la privation de liberté ou les atteintes à la vie privée.

En temps de paix, ce sont uniquement les membres de sa police et de son armée qui sont les bénéficiaires et les tenants de cette légitimation. En temps de guerre, cette légitimation de la violence physique peut s’étendre à l’ensemble des citoyens. L’assassinat devient alors légal : il s’agit de « défendre la patrie ». Pour l’État, il y a donc deux formes de violence : une violence illégitime et illégale, celle des citoyens (en temps de paix), et une violence légitime et légale, la sienne, c’est-à-dire celle de ses représentants. C’est sur cette contradiction ignoble de l’État [7] que se basent la plupart des révolutionnaires violents pour se légitimer. Leur violence ne serait qu’une réaction, un moyen de légitime défense vis-à-vis de celle de l’État. En se fondant sur la violence légale de l’État (considérée comme illégitime cette fois), pour justifier leur propre violence (dès lors devenue légitime à leurs yeux), comment ne se sont-ils pas rendu compte que par-là ils ne faisaient que fonder leur propre contradiction, image inversée de celle de leurs ennemis oppresseurs ?

Les révolutionnaires ne passent-ils pas un peu vite de la « légitime défense » à la « légitime violence » ? Toute violence reste toujours une violation de l’individu. Toute violence est domination, oppression d’un homme par un autre.

Et puis, en supposant que l’on ait recours à la violence uniquement comme moyen de défense à la répression, étant donné que cette dernière se fera immanquablement sentir tôt ou tard, on est donc amené à considérer la violence comme inévitable. Toute révolution devrait donc nécessairement être fondée, même partiellement, sur la violence. La deuxième justification révolutionnaire de l’usage de la violence comme « moyen de défense » revient donc à soutenir une thèse semblable à la première mais sous une forme atténuée, car le recours à la violence n’y est plus un choix délibéré mais une simple riposte à celle de l’oppresseur, qui en porterait donc toute la responsabilité morale. C’est à mon avis se débarrasser un peu trop facilement de toute forme de responsabilité et, de plus, cela élimine de façon fort expéditive la possibilité d’une révolution non violente.

Une dernière chose, il ne faut jamais oublier l’erreur qu’il y a de partir d’un droit individuel pour légitimer un droit collectif, par exemple ce qui nous occupe ici, partir du droit individuel de légitime défense individuelle face à une agression physique directe pour établir le droit collectif des opprimés en l’occurrence, de contre-attaquer la violence des oppresseurs par une violence accrue [8]. L’extrait suivant de la correspondance entre le géographe anarchiste Élisée Reclus (1830-1905), et Han Ryner (1861-1938) traite très clairement (de manière trop imagée peut-être) de ce passage incorrect d’un cas concret de violence défensive, à caractère individuel, à une généralisation collective sur le plan de la société :

Élisée Reclus parle de la légende de Bouddha, il s’agit de Bouddha se laissant manger par un pauvre tigre affamé. Élisée Reclus disait : « Je comprends cet apologue, mais les bouddhistes ne nous racontent pas si, voyant un jour un tigre se précipiter sur un enfant pour le dévorer, il le laissa faire aussi. Pour moi, je crois que Bouddha tua le tigre. » Et Han Ryner d’y joindre sa voix et sa réplique : « Je le crois aussi. Mais je demande à voir le tigre et je ne consens pas à tirer naïvement sur un acteur revêtu d’une peau féroce. Dans la société, le tigre, est-ce tel oppresseur que voient mes yeux, patron, gouvernant général, ou est-ce l’organisation sociale ? Le meurtre d’un patron supprime-t-il le tigre patronal ? Tuer un général est-ce tuer le tigre armé ? Faire disparaître un gouvernant est-ce dissiper le tigre gouvernement ? Décidément la comparaison est un peu trop boiteuse et le tigre social ne se tue pas à coup de fusil ! »

On voit qu’une situation, assez limpide au niveau individuel et local, ne peut être directement transposée au niveau plus global de la société et des groupes qui la composent. Ces deux dimensions sont très différentes car dans le cas des violences structurelles (c’est-à-dire des violences exercées par des structures économiques, sociales, ou politiques, en somme par un système), il n’est pas facile de déterminer les « responsables » qu’il s’agirait, selon certains, d’éliminer afin de supprimer l’oppression. Normal puisque, par définition même, les violences structurelles constituent une violence froide où les responsabilités sont diluées dans l’ensemble des structures qui la produisent. De par sa nature, il m’apparaît comme peu probable d’éliminer la violence structurelle au moyen de la suppression de quelques-uns des membres de la structure oppressive, d’autant plus que d’une certaine manière, la société dans son ensemble fait partie de cette structure, c’est d’ailleurs là que se trouve la grande force de cette forme d’oppression.

[Xavier Bekaert]
Deuxième partie d’un article paru dans le n° 212 d’Alternative libertaire belge (décembre 1998)
En ligne sur : http://anarchismenonviolence2.org/









Notes

[1] Il est clair que ce n’est pas tellement parce que ses buts étaient complètement mauvais que la révolution russe de 1917 a engendré le totalitarisme, mais parce que ses acteurs étaient dépourvus d’éthique politique, considérant qu’une fin bonne justifiait les moyens les plus violents et répressifs. Ce qui a amené le Tchèque Jacques Rupnik a écrire que « la fin du communisme, c’est aussi la fin du mythe (…) de l’accouchement dans la violence d’une société nouvelle, de l’idée que pour progresser il faut détruire son adversaire ».

[2] Durruti, la figure de proue du mouvement anarchiste espagnol, qui en 1936 fut à la tête de la colonne qui portait son nom, et qui était tout sauf non-violent, se rendait lui-même compte du mal que peut causer la guerre aux hommes puisque le mode de vie qu’elle impose dégrade : « Si cette situation [la guerre civile] se prolonge c’en sera fait de la révolution, car l’homme qui sortira de là tiendra plus de l’animal que de l’humain … »

[3] « La guerre révolutionnaire est le tombeau de la révolution », selon Simone Weil. Par le mécanisme fatal de la lutte violente moderne, elle doit ou succomber sous les coups de la contre-révolution, ou se transformer elle-même en contre-révolution car la guerre moderne exige, vu l’énormité des moyens destructeurs mis en œuvre, une telle étatisation et militarisation de la révolution défendue qu’elle en serait atteinte elle-même dans son cœur. Comme exemple, pendant la guerre d’Espagne, si la CNT a effectivement soutenu, avec le POUM, le choix de continuer la révolution sociale et était contre la militarisation des milices ; malgré tout, dès le mois de septembre 1936, sous prétexte « d’unité antifasciste », la CNT avait décidé de participer au « Conseil de la Généralité » qui n’était autre chose que le gouvernement catalan reconstitué. Ensuite, la CNT alla plus loin et participa au gouvernement central de Madrid : quatre anarcho-syndicalistes se retrouvèrent au conseil des ministres ! Des représentants de la CNT ont alors dû accepter des postes de chefs de corps d’armée, de chefs de la police, de directeurs de prison, …

[4] Selon Barthélemy de Ligt, « la maxime que le but sanctifie les moyens ne peut être approuvée que dans ce seul sens : un but sacré exige des moyens sacrés. Le socialisme coïncidant complètement avec l’humanité (le sens de l’humain dans l’homme), ses moyens ne peuvent jamais entrer en contradiction avec elle, ni blesser cette humanité. C’est pourquoi la révolution doit apporter au genre humain la morale la plus supérieure, celle de la solidarité. Un véritable révolutionnaire ne peut jamais être ennemi envers ses ennemis ni criminel envers des criminels, et d’autant moins parce que les criminels sont en premier lieu des victimes de la société. La révolution exige non seulement le renoncement de toute violence vis-à-vis des peuples et des classes, mais aussi vis-à-vis des individus. » (Pour vaincre sans violence, p. 127)

[5] Pour bien faire comprendre ce dont je parle et ce à quoi je m’oppose ici, voici un extrait de l’anarchiste italien Malatesta qui résume assez bien l’utilisation qui est faite par certains révolutionnaires de la « légitime défense » : « Cela ne signifie pas non plus que le droit de se défendre soit seulement, pour nous, le droit de résister à l’agression matérielle et imminente. Pour nous, l’opprimé est toujours en état de légitime défense et il a toujours pleinement le droit de se révolter sans attendre qu’on lui tire effectivement dessus ; et nous savons très bien que, souvent la meilleure façon de se défendre, c’est d’attaquer. » (Fede !, 28 octobre 1923)

[6] Cette définition donnée par Weber est précédée du passage suivant, très intéressant : « Tout État est fondé sur la force », disait un jour Trotsky (…). En effet, cela est vrai. S’il n’existait que des structures sociales d’où toute violence serait absente, le concept d’État aurait alors disparu et il ne subsisterait que ce qu’on appelle, au sens propre du terme, l’« anarchie ». La violence n’est évidemment pas l’unique moyen normal de l’État, – cela ne fait aucun doute – mais elle est son moyen spécifique. »

[7] « L’État fonde la légitimité de sa propre violence sur la nécessité de s’opposer à la violence des individus et des groupes sociaux qui troublent l’ordre public et d’assurer ainsi la sécurité des citoyens. (…) Dès lors que la société civile a concédé à l’État le droit de recourir à la violence pour maintenir l’ordre public, il sera facile à l’État d’invoquer ce droit pour défendre sa propre « sûreté » contre les citoyens. Ce seuil franchi – et l’histoire nous montre que ce n’est pas un cas d’école – , l’État ne constitue plus une garantie pour la sécurité des citoyens mais une menace pour elle. L’État est continuellement tenté de criminaliser la dissidence et de la réprimer comme une délinquance. L’ordre étatique tend à normaliser aussi les opinions. (…) C’est l’idéologie de la violence légitime qui engendre et nourrit les doctrines de l’État totalitaire. » (Jean-Marie Muller, Lexique de la non-violence, p. 30) On peut donc conclure en disant que « l’étatisme « démocratique » glisse à l’État totalitaire comme le fleuve à la mer. » (Emmanuel Mounier, Manifeste au service du personnalisme)

[8] D’ailleurs pour légitimer la guerre, l’État se base également sur le principe de la légitime défense individuelle qu’il transpose lui au niveau de la nation, de la patrie. Mais ici les choses sont encore plus claires, quel rapport existe-t-il entre l’individu, la cellule primordiale, et la nation, qui n’est même pas la somme des individualités reposant sur un territoire donné mais une entité abstraite accompagnant la notion d’État, qui doit plutôt se concevoir comme quelque chose d’extérieur à la société que comme sa représentation ?

Ecrit par libertad, à 23:31 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires :

  TOLKIEN
22-11-08
à 23:47


article excellent apportant un peu plus d'eau au moulin à  la discussion en cours sur la bourgeoisie et le prolétariat constituant les rouages privilégiés ou non des structures de domination et d'asservissement..
Répondre à ce commentaire

  satya
23-11-08
à 00:35

Re:

oui, je l'ai trouvé aussi très intéressant, je l'avais trouvé ici en plus long aussi :)
Répondre à ce commentaire



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