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INTERVIEW DE JOHN HOLLOWAY : LE MONDE SANS LE POUVOIR
--> Propos recueillis et traduits par Julien Bordier et Juliette Goudeket
Lu sur CQFD : "Changer le monde sans prendre le pouvoir [1] a suscité de violentes réactions à la gauche de la gauche. La thèse défendue contrarie : penser la révolution en terme de parti et de prise de pouvoir mène à un échec inévitable. Discussion avec John Holloway, philosophe irlandais installé au Mexique depuis 1991…

Hello John, tu es proche des zapatistes, à ton avis que peut apporter la théorie politique à un mouvement comme le leur ?
John Holloway : Antonio García de León [2] a fait remarquer dès les premiers jours de l’insurrection zapatiste que cette révolte venait de l’intérieur de nous-même. En disant qu’ils veulent construire un monde nouveau sans prendre le pouvoir, ils nous ont lancé un défi pratique et théorique. Les tentatives pour changer le monde en prenant le pouvoir ont échoué. Alors comment s’y prendre ? Il n’y a pas de modèle préexistant.

Ici, en pleine commémoration de 68, la gauche semble incapable de penser les émeutes des cités, mais aussi le refus du travail salarié.
La gauche traditionnelle conçoit la lutte de classes comme une lutte entre le travail et le capital. Elle oublie que Marx insistait sur le caractère ambivalent du travail comme une clef pour comprendre le capitalisme. Il faisait la distinction entre le travail aliéné ou abstrait et l’activité vivante consciente ou travail utile – ce que je préfère appeler le « faire ». 1968 était avant tout une révolte contre le travail aliéné, la révolte du « faire » contre le travail. En 1968, il devient clair que la lutte contre le capital est avant tout une lutte contre le travail. Au lieu de penser la lutte de classes en termes de « travail » contre « capital », il faut la penser en termes de « faire » contre « le travail et donc le capital ». Voilà le défi : comment développer ici et maintenant une vie où nous pourrions faire ce que nous considérons comme nécessaire ou désirable, au lieu d’abandonner nos jours à un travail qui produit le capital ? C’est pourquoi l’idée de « chômeurs heureux » est si importante. En Argentine, les piqueteros [3] les plus radicaux ne se battent pas pour l’emploi, mais pour une vie consacrée à « faire » ce qu’ils considèrent important. Si nous refusons de travailler c’est parce que nous voulons faire quelque chose de mieux de nos vies : rester au lit, sortir faire un tour avec le chien, jouer de la musique, organiser une révolution, qu’importe… Notre refus ouvre la porte à un « faire-autrement », et ce « faire-autrement » est l’avant-garde de notre lutte contre le capital. Cette lutte n’est pas seulement de la négation, mais de la négation-et-création,la création de quelque chose qui ne colle pas avec le capitalisme.Tant que nous ne parlons que de refus, nous autorisons le capital à fixer le planning.

Mais comment affirmer nos résistances, de l’émeutier de cité au chômeur qui se lève tard, face aux vieilles catégories de pensées ?
Nous avons tous nos hauts et nos bas, et parfois on se sent perdu, en particulier parce que nos luttes sont fragmentées. Je vois ça en termes de création de failles, d’espaces ou de moments dans lesquels nous disons : « Ici, dans cet espace ou ce moment, nous ne ferons pas ce que le capital veut que nous fassions. » Des failles plus que de simples espaces autonomes. Les failles s’agrandissent, courent, se creusent. Ces failles sont les espaces du « faire contre le travail ». Si, comme la gauche traditionnelle, nous sommes aveugles à cet antagonisme, tout le reste suit : l’État, le pouvoir, le progrès, etc.

Pour toi, la prise de pouvoir est donc forcément un échec pour un mouvement qui souhaite changer le monde…
Je distingue deux types de pouvoir, le « pouvoir- sur » (le pouvoir du capital, le pouvoir de l’État…) et le « pouvoir-faire » : notre pouvoir de créer, de faire des choses, qui est forcément un pouvoir social puisque notre « faire » dépend toujours du « faire » des autres.Rejeter l’idée de prendre le pouvoir ne nous met pas dans un vide. Au contraire, cela signifie que nous ne devons pas prendre le « pouvoir-sur » mais construire notre « pouvoir-faire. »

Dans ton livre, il est beaucoup question d’identités. Que t’inspire le repli identitaire ?
Le capitalisme nous pousse à nous identifier aux rôles qu’il nous fait jouer. Le mouvement contre le capital est nécessairement anti-identitaire. Un mouvement qui dit : « Non, nous sommes plus que ça ! » Si on dit seulement « nous sommes noirs, nous sommes femmes, nous sommes gays, nous sommes indigènes », alors on est piégé dans une logique qui nous réintègre dans la domination. Nous avons besoin de dépasser nos identités, d’affirmer et de nier dans un même souffle : nous sommes noirs et plus que cela, nous sommes femmes et plus que cela. Dès leur soulèvement, les zapatistes ont dit qu’ils se battaient pour les droits des indigènes mais aussi pour la création d’un monde nouveau basé sur la reconnaissance de la dignité.

Qu’est-ce qui peut donc nous rassembler ? Où se trouve notre force ?
Notre force, c’est que nous sommes des personnes ordinaires. C’est la chose la plus profonde que les zapatistes disent : « Nous sommes des hommes et des femmes, des vieux et des enfants ordinaires, donc nous sommes rebelles. » Si l’antagonisme central est entre le « faire » et le travail, la contradiction centrale du capitalisme est donc la frustration. La frustration engendrée est probablement l’expérience la plus profonde que nous partageons tous et toutes. Elle se transforme en explosions et nous apprend le langage de la révolte.

Articla publié dans CQFD n°57, juin 2008.


[1] Changer le monde sans prendre le pouvoir, Syllepse, 2008.

[2] Historien, auteur de Resistencia y utopia, Era, 1998.

[3] Piqueteros : mouvements de masse rassemblant les chômeurs d’un quartier ou d’une banlieue


Ecrit par libertad, à 17:01 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

  Diggers
25-07-08
à 11:20

Sortir du travail-marchandise

Dans cet interview de John Holloway à CQFD en juin 2008, il comprend très bien que la LCR, LO, le PCF, le PT et l'ensemble des forces syndicales de gauche comme d'extrême-gauche, y compris une large partie des anarcho-syndicalistes (et quand même certaines petites orgas anarchistes), ont tous et sans ambiguités des positions involontairement pro-capitalistes en pensant la lutte des classes et plus parcitucilièrement les petites luttes quotdiennes (contre les licenciemments, pour l'augemntation des salaires, pour la défense des services publics de redistribution de la valorisation, leur thèse prendre aux riches pour donner au pauvres qui est la pierre angulaire de leur " égalité économique et sociale, etc.) comme une opposition entre les travailleurs et les patrons, c'est-à-dire entre le " travail " et le capital.

Tant qu'on reste à défendre le " travail "(qui n'est que le travail à vendre, le travail-marchandise, la vente de son activité ou des capacités de son cerveau), la gauche n'est que sur la position d'un " anticapitalisme acceptant le capitalisme ". On ne peut critiquer le profit, c'est-à-dire le surtravail, en défendant le travail économique, ce sont deux formes, mais successives, du même procès de création de la valeur. Opposer deux formes successives qui naissent l'une dans l'autre et réciproquement, deux formes immanentes au processus de création d'une survaleur, et prétendre que c'est là la lutte des classes, l'émancipation des ouvriers, alors il faut accepter que " l'anticapitalisme " présupposent comme sa condition de possibilité, le processus même de création de la survaleur, donc le capitalisme. L'anti-capitalisme est pro-capitalisme (on la bien vu au XXe siècle, dans le capitalisme d'Etat en URSS, etc, où la survaleur ne partait plus dans les poches des capitalistes mais dans les poches de l'Etat). On ne cherche qu'à répartir en faveur des travailleurs, le plus de valeur économique possible, issue du processus de survaleur. Ce ne sont pas les patrons à qui il faut s'en prendre à mon sens, c'est d'abord à notre servitude volontaire à la dépendance de l'économie et à notre incapacité à nous auto-organiser collectivement et de manière autonome (c'est-à-dire auto-instituante) pour se passer de tout en se fondant sur notre propre liberté.

Les militants de la LCR (et le futur NPA) prônent le capitalisme !
Le texte d'Holloway est assez génial, y compris pour penser et pratiquer la " sortie de l'économie ".

Dans ce texte on pourra quand même regretté que quand il parle de ce " faire " de " rester au lit, sortir faire un tour avec le chien, jouer de la musique, organiser une révolution, qu’importe… " : là John Holloway retombe dans le travers de la critique de Paul Lafargue opposant la paresse au travail-marchandise et du situationnisme opposant le travail-marchandise à la dérive (puis au conseillisme). La sortie du travail ne peut se faire qu'en s'organisant pour sortir de l'économie, c'est-à-dire relier son besoin directement à son activité (un travail pour soi et son groupe de vie, d'amis, etc.), sans le détour de la production et de la consommation séparées et reliées par l'échange marchand et sa technologie de l'abondance. Ainsi ce " faire contre le travail-marchandise ", ne veut pas dire qu'il faut se tourner les pouces, au contraire, il faut faire une activité directement liée à soi, qui prenne son origine, son déploiement et connaisse son terme, dans ce besoin singulier à chacun dans ses relations de vie concrètes, au quotidien. Sans le détour de l'économie. Je sais pas si Holloway a poursuivi sa réflexion sur ce " faire " dans des textes récents, il est dommage là, qu'il le pose trop implicitement, dans la possibilité de l'autoconsommation, l'autoconstruction, l'auto-fabrication, le perruquage (dans un cadre de travail-marchandise), la prosommation, etc (voir texte de Deun sur le site de l'En-dehors ou sur le forum de decroissance.info, " Sortir de l'économie : pratiques et perspectives possibles ". + voir aussi ce petit livre que l'on trouve en ligne sur internet, P.M, Bolo'Bolo, éditions l'Eclat)
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  libertad
25-07-08
à 14:54

Re: Sortir du travail-marchandise

"un travail pour soi et son groupe de vie, d'amis, etc.), sans le détour de la production et de la consommation séparées et reliées par l'échange marchand"
Il me semble que sur cette question il faudrait revisiter la très reiche expérience du mouvement anarchiste avec les milieux libres et les communautés. Ce travail pour soi et pour la communauté fut au centre de bien des discussions et discordes entre ceux qui travaillaient et ceux que les communautaires nommaient les "parasites" et qui vivaient du travail des autres. On a pu constater aussi le lien entre travail et pouvoir : ceux qui travaillaient le plus avaient aussi le plus de pouvoir ou de légitimité dans la communauté. La question de la distinction du travail et de la marchandise, du travail non marchand, repose bien d'autres questions, on peut quitter l'économie pour le pur rapport de pouvoir. Le don n'est jamais vraiment gratuit, il suppose d'autres reconnaissances symboliques
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  Diggers
26-07-08
à 09:50

Re: Sortir du travail-marchandise

Je suis d'accord avec toi (j'ai lu le printemps dernier le très bon livre de C. Beaudet, Les milieux libres), sortir de l'économie, n'enlève rien à la question des rapports de pouvoir. Peut-être aussi que dire que " l'on peut quitter l'économie pour le pur rapport de pouvoir ", est à mon sens à relativiser. Pourquoi serait-il plus " pur " ce rapport ? L'économie est " pacificatrice" mais dans un sens horrible. Dans ce sens où la relation sociale médiatisée par l'échange marchand - achat/vente - est une relation où les échangistes sont quitte de toute dette entre eux à partir du moment où le service a été payé sur le champs. En m'acquittant sur le champs de ce que je dois, ce que j'achète également, c'est le temps impliqué par l'obligation traditionnelle d'attendre pour rendre, et donc, par la même occasion, le droit de ne pas avoir d'histoire avec ceux qui m'ont rendu service. Jean-Claude Michéa rappelle justement que " payer ", " pacere ", veut dire appaiser. Mais avec ou sans l'économie, le rapport de pouvoir n'est il pas déjà là ? Et même encore plus violent (subordination juridique du patron, rapports de pouvoir dans la distribution inégalitaire de l'argent, etc.) ?

Si on suit Clastres, c'est même l'aliénation politique (le pouvoir donc) qui est antérieure à l'invention de l'économie. C'est la domination qui crée l'économie, le surtravail (le fait de travailler plus que ses propres besoins) étant d'abord un rapport de domination (esclavage, puis salariat). Travailler plus que ses propres besoins, et en plus travailler pour un autre, c'est pas très naturel... On pourrait dans cette foulée penser alors que la construction du phénomène étatique dans l'histoire, justement au travers de ses prélèvements, ont contribué énormément à vendre les surplus et pas que les surplus, et donc à faire rentrer dans l'économie par la monétarisation (le roi va pas se mettre à réclamer 10 poules et 3 canards par foyer, comme aurait pu le faire le seigneur local), ce qui était " extra-économique ". Charbonneau et Ellul ont aussi une thèse intéressante à ce propos (lien entre le pouvoir et l'économie) : plus la société économique va s'inventer et se complexifier, plus les contradictions et problèmes qu'elle va rencontrer, ne vont pouvoir être solutionner que par les moyens instrumentaux de l'Etat. Plus l'économie croît dans nos vies (la généralisation de l'échange marchand, du travail à vendre et de la consommation séparée), plus l'Etat croît.

Mais ceci n'enlève rien à ta question centrale, en quoi la communauté, le milieu libre, institue-t-il pour chacun la liberté ? 

Pour ma part, c'est encore " Work in progress " ;-) 

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  libertad
26-07-08
à 13:49

Re: Sortir du travail-marchandise

Je ne défend pas bien sur l'économie marchande :-) dont les tares sont tellement visibles.
L'idée que l'échange travail contre monnaie ai pu au départ être pacificatrice n'est peut être pas absurde, bien sur avec sa généralisation, le remède est devenu pire que le mal.
De ce point de vue les milieux libres anarchistes sont un lieu d'expérience fort intéressant, car le travail à l'intérieur de la communauté y est gratuit mais les tensions dans la communauté y ont souvent amené la rupture. Le travail ne fut pas la seule raison, il y avait aussi la question sexuelle. Ce sont deux points essentiels d'achoppement.
On aurait pu penser que le travail libéré de l'économie ( bien sur pas complètement car les milieux libres restent inscrits dans l'économie pour une part de leurs approvisionnements ) aurait pu se faire librement mais ce ne fut pas le cas car le travail est proportionnel à la reconnaissance sociale et au pouvoir qu'il donne. Il n'y a pas de don "pur" et désintéressé.
Je disais pur rapport de pouvoir, sans y avoir bien réfléchi, dans le sens ou dans les communautés ce rapport de pouvoir n'était pas médiatisé par l'argent, il n'avait pas d'intermédiaire.
Comprendre les "économies" non marchandes ( ou non économie :-) ) comme les milieux libres ou les rapports dans la famille ou à la maison ( le travail dit gratuit des femmes par exemple ) me semble important et faire le lien avec le pouvoir qu'il donne.
On se trompe à mon avis dans l'analyse de ces questions en pensant que celui qui travaille le plus est exploité par les autres, cette erreur vient de l'assimilation avec le travail salarié. Or dans les sociétés non marchandes le travail procure du pouvoir et le non travail de la marginalisation sociale.
C'est un thème récurrent dans les mileux libres que celui des "parasites" qui profitent du travail des autres et sont vite marginalisés, exclus ou qui provoquent la dislocation de la communauté.
Alors bien sur sortir de l'économie mais les anarchistes ont déjà souvent tenté l'expérience, il reste à en tirer les enseignements :-)
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