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Mike Davis : adieu à l’Holocène (II/II)
Lu sur ContreInfo : "L’empreinte de l’activité humaine sur l’ensemble de la planète est désormais d’une telle ampleur que les membres de la Société Géologique de Londres en sont venus à considérer que l’humanité avait refermé le chapitre de l’Holocène, la période débutée voici 12 000 ans, pour entrer dans celui de l’Anthropocène. Dans le premier volet de cet article, Mike Davis exposait les raisons qui l’amènent à douter de l’efficacité des mécanismes de marché censés permettre d’amoindrir le volume des émissions de gaz à effets de serre. Dans cette deuxième partie, il explore les scénarios - glaçants - qui pourraient résulter de l’échec des solutions envisagées aujourd’hui. Bienvenue dans l’Anthropocène.

Par Mike Davis, Tom Dispatch, 26 juin 2008

4. Le marché sauvera-t-il les pauvres ?

Ceux qui restent optimistes quant à la possibilité de maîtriser les émissions de CO2 souriront bien sûr à toutes ces sombres prédictions et invoqueront les miracles qui sont attendus des marchés des droits à polluer. Ce qu’ils sous-estiment, c’est l’éventualité qu’un vaste marché des droits d’émission puisse, comme prévu, voir le jour, mais ne produise qu’une amélioration minime dans le bilan mondial des émissions de carbone, tant que n’existera aucun mécanisme contraignant à une véritable réduction de l’utilisation des combustibles fossiles.

Dans les débats au sujet des marchés de droits d’émissions, il est fréquent de confondre l’arbre et la fumée. Par exemple, le riche émirat pétrolier d’Abu Dhabi (qui comme Dubaï, appartient aux Émirats Arabes Unis) se vante d’avoir planté plus de 130 millions d’arbres - dont chacun se fait un devoir d’absorber le dioxyde de carbone de l’atmosphère. Toutefois, cette forêt artificielle plantée dans le désert est irriguée par de grandes quantités d’eau en provenance - ou recyclée - par de coûteuses usines de dessalement. Ces arbres permettent sans doute au cheikh Khalifa bin Zayed de jouir d’une certaine aura lors des réunions internationales, mais la dure réalité c’est qu’ils ne sont qu’une mince parure décorative à haute intensité énergétique, à l’image de la plupart des réalisations de ce que l’on appelle le capitalisme vert.

Tant que nous y sommes, posons nous la question : Que faire si l’achat et la vente de crédits d’émission de carbone et de droits à polluer ne parvient pas à faire baisser le thermostat ? Quels sont les éléments qui pourraient motiver les gouvernements et les industries du monde entier, à se rassembler pour mener croisade contre les émissions à coup de mesures réglementaires et fiscales ?

Les accords du type de celui de Kyoto supposent que tous les grands acteurs, une fois acceptées les conclusions scientifiques des rapports du GIEC, considéreront la maîtrise de l’effet de serre comme relevant d’un intérêt commun supérieur. Mais le réchauffement de la planète n’est pas « la guerre des mondes », où les envahisseurs martiens sont décidés à anéantir l’humanité toute entière sans distinction. Le changement climatique, au lieu de cela, aura des impacts très inégaux selon les régions du monde et les classes sociales. Il ne réduira pas, mais renforcera les inégalités géopolitiques et les conflits.

Comme l’a souligné le Programme de Développement des Nations Unies dans son rapport publié l’an dernier, le réchauffement de la planète est avant tout une menace pour les pauvres et les enfants à naître, qui sont « deux catégories n’ayant que peu ou pas de voix au chapitre politique. » Coordonner une action mondiale en leur nom supposerait soit que leur pouvoir se renforce de manière extraordinaire (un scénario non étudié par le GIEC), soit la transformation de l’égoïsme des pays riches et des classes sociales favorisées en une « solidarité éclairée », sans précédent dans l’histoire. D’un point de vue rationnel, cette dernière option semble la seule réaliste, à condition que soit démontré que les groupes privilégiés ne disposent pas d’une « porte de sortie » qui leur soit réservée, que l’opinion publique se préoccupant de questions internationales conduise l’élaboration des politiques dans les pays prépondérants, et que la diminution des gaz à effet de serre puisse être obtenue sans grands sacrifices dans le niveau de vie de l’hémisphère Nord. Mais aucune de ces éventualités ne semble très probable.

Et que se passera-t-il si la déstabilisation de l’environnement et les troubles sociaux, au lieu de dynamiser l’élan de l’innovation et de la coopération internationale, poussent seulement les élites vers des tentatives frénétiques pour se mettre à l’abri du reste de l’humanité ? Dans ce scénario, non étudié mais pour autant pas improbable, les efforts mondiaux pour réduire les émissions seraient tacitement abandonnés (comme, dans une certaine mesure, c’est déjà le cas) en faveur de l’accélération des investissements d’adaptation sélective destinés aux passagers de première classe de la Terre. Il s’agirait alors de créer un oasis vert de prospérité permanente isolé à l’écart d’une planète malade.

Bien sûr, il y aura encore des traités, des taxes carbone, des programmes de lutte contre la famine, des miracles humanitaire, et peut-être même une reconversion sur une grande échelle aux énergies de remplacement de certaines villes européennes et de petits pays. Mais la conversion à des styles de vie zéro carbone ou à faible teneur en carbone serait inimaginablement coûteuse. (En Grande-Bretagne, la construction d’une maison écologique zéro émission de « niveau 6 » coûte aujourd’hui 200 000 dollars de plus qu’une construction classique.) Et la situation va certainement devenir encore plus insaisissable, sans doute à l’horizon 2030, lorsque les effets de la convergence du changement climatique, du pic de pétrole, du pic de l’eau, et d’une population augmentée de 1,5 milliard d’individus sur la planète pourraient commencer à affecter sérieusement la croissance.

5. la dette écologique du nord

La véritable question est la suivante : Est-ce que les pays riches mobiliseront un jour la volonté politique et les ressources économiques pour atteindre effectivement les objectifs du GIEC ou pour aider les pays les plus pauvres à s’adapter au réchauffement inévitable, déjà « provoqué, » qui est aujourd’hui à l’œuvre et se rapproche lentement de nous à travers la circulation océanique mondiale ?

Pour le dire plus nettement : Est-ce que les électeurs des pays riches abandonneront leurs préjugés actuels et ouvriront leurs frontières protégées pour accueillir les réfugiés en provenance des zones qui, selon les prévisions, seront frappées par la sécheresse et la désertification comme le Maghreb, le Mexique, l’Éthiopie et le Pakistan ? Est-ce que les Américains, qui sont les plus avares à l’aune de la mesure par habitant de l’aide accordée à l’étranger, seront prêts à lever un impôt pour aider à réinstaller les millions d’habitants susceptibles d’être inondés dans les régions de grands estuaires densément peuplées, comme au Bangladesh ?

Les optimistes, adeptes des solutions de marché, défendrons une fois de plus des systèmes de compensation des émissions de carbone comme le Clean Development Mechanism [1] qui, disent-ils, permettra aux flux d’investissements dans les technologies vertes d’affluer vers le tiers monde. La plupart des pays du tiers monde préfèreraient sans doute que le « premier monde » reconnaisse les dégâts environnementaux qu’il a créé et assume la responsabilité de leur réparation. Ils s’insurgent à juste titre contre l’idée que le plus grand fardeau de l’adaptation à l’époque Anthropocène devrait incomber à ceux qui ont le moins contribué aux émissions de carbone et retiré le moins d’avantages de ces 200 années d’industrialisation.

Dans une étude récemment publiée dans les Actes de l’Académie Nationale des Sciences américaine [2] , une équipe de chercheurs a tenté de calculer les coûts environnementaux de la mondialisation économique depuis 1961 en termes de déforestation, de changement climatique, de surpêche, d’affaiblissement de la couche d’ozone, de disparition des mangroves et d’expansion de l’agriculture. Après avoir procédé à des ajustements sur le poids relatif de ces coûts, ils ont constaté que les pays les plus riches, par leurs activités, ont généré 42% de la dégradation de l’environnement à travers le monde, tout en assumant seulement 3% des coûts qui en résultent.

Les penseurs radicaux du Sud souligneront à juste titre l’existence d’une autre dette. Depuis 30 ans, les villes dans le monde en développement ont augmenté à un rythme effréné sans que soient effectués à un rythme équivalent les investissements publics dans les services d’infrastructure, le logement ou la santé publique. Cette situation est en grande partie due à la dette extérieure contractée par des dictateurs, aux remboursements exigés par le Fonds Monétaire international, et au naufrage du secteur public résultant des « ajustements structurels » requis par les accords avec la Banque Mondiale.

Ce déficit à l’échelle planétaire quant aux opportunités offertes à chacun et à la justice sociale est résumé dans le fait que plus d’un milliard de personnes, selon ONU-Habitat, vivent actuellement dans des taudis et que leur nombre devrait doubler d’ici 2030. Un nombre égal, voire plus élevé, survivra dans ce que l’on nomme le secteur informel (un euphémisme en usage dans le premier monde pour désigner le chômage de masse). L’élan de la courbe démographique, dans le même temps, va augmenter la population urbaine du monde de 3 milliards de personnes durant les 40 prochaines années (dont 90% vivront dans des cités déshéritées), et personne - absolument personne - n’a la moindre idée sur comment cette planète de bidonvilles, de plus en plus exposée aux crises alimentaires et énergétiques, pourra assurer sa survie biologique, sans même parler des inévitables aspirations à un début de bonheur et de dignité.

Si cela peut sembler trop apocalyptique, il faut considérer que la plupart des modèles climatiques prévoient des transformations qui vont renforcer la géographie de l’inégalité. William R. Cline, l’un des pionniers dans l’analyse de l’économie du réchauffement de la planète, membre du Petersen Institute, a récemment publié une étude pays par pays des effets probables du changement climatique sur l’agriculture durant les dernières décennies de ce siècle [3] . Même dans les simulations les plus optimistes, les systèmes agricoles du Pakistan (avec une diminution de 20% de la production agricole actuelle prévue) et le nord-ouest de l’Inde (une diminution de 30%) sont susceptibles d’être dévastés, ainsi qu’une grande partie du Moyen-Orient, du Maghreb, la ceinture du Sahel, l’Afrique australe, les Caraïbes et le Mexique. Vingt-neuf pays en développement vont perdre 20% ou plus de leur production agricole en raison du réchauffement de la planète, tandis que l’agriculture dans un nord déjà favorisé serait susceptible de recevoir en moyenne un coup de pouce de 8% de croissance.

À la lumière de ces études, la concurrence impitoyable entre les marchés de l’énergie et de l’alimentation, amplifiée par la spéculation internationale sur les matières premières et les terres agricoles, n’est qu’un modeste augure du chaos qui pourrait bientôt connaître une croissance exponentielle avec la concomitance de l’épuisement des ressources, des inégalités ingérables et du changement climatique.

Le véritable danger serait alors que la solidarité humaine elle-même, à l’image de la banquise de l’Ouest Antarctique, se rompe tout à coup et se brise en mille fragments.

Lire la 1ère partie : Adieu à l’Holocène (I/II)

Illustration : Mike Davis


Publication originale Tom Dispatch, traduction Contre Info

[1] Mécanisme de développement propre : mécanisme économique de la finance du carbone qui fut élaboré dans le cadre du Protocole de Kyoto. Son but premier est de réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. wikipedia

[2] lire : Environmental economics : To the rich man the spoils Nature

[3] William R. Cline, Peterson Institute Global Warming and Agriculture : Impact Estimates by Country

Ecrit par libertad, à 16:57 dans la rubrique "Pour comprendre".



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