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Printemps 2006 : le réveil d’un peuple, une révolution manquée
--> Retour sur la lutte dite « anti-CPE » à Caen

Article 27, 28, 29 de la Constitution française de juillet 1893 : « il y a oppression contre le corps social lorsqu’un seul de ses membres est opprimé. Lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »

SOMMAIRE

 

INTRODUCTION

 

1-Un mouvement étudiant ?

 

2- Exprimer les angoisses et refuser la vulnérabilité comme condition humaine contemporaine

 

3- Le refus d’être considéré comme un déchet

 

4- Un moment d’effervescence et une organisation autogestionnaire

 

5- La question de la démocratie

 

6- Une critique de l’imaginaire capitaliste moderne, un potentiel révolutionnaire

 

CONCLUSION

 

ANNEXE : un texte écrit lors de cette lutte et diffusé dans les bâtiments occupés.

INTRODUCTION

Le mouvement politique et social du printemps 2006 fût l’un des plus importants depuis 1968, et pourrait marquer une rupture. De nombreux signes l’annonçaient : en 1995, J.Chirac s’était déjà fait élire sur le thème de la « fracture sociale », mais c’est peut-être 2002 qui marque un tournant en France, tandis que le 11 septembre 2001 a changé la face du monde (légitimation d’un monde sécuritaire et islamophobe). Le 21 avril 2002 a vu l’extrême-droite passer au second tour de la présidentielle : il s’agit là aussi d’une expression du mécontentement. Les jeunes manifestent alors spontanément pour crier leur honte. La coupure générationnelle lentement construite depuis la fin des années 1990 se politise…

Mais le signe le plus marquant se trouve dans les émeutes urbaines de novembre 2005, largement prévisibles et qui rappellent à la société française que la voie qu’elle suit suscitera des résistances et de la violence[1]. Il s’agit d’une « manifestation de rage », de l’expression d’un sentiment diffus d’injustice. Cette violence irrationnelle, cette explosion, renvoie aux angoisses et à une violence symbolique et bien réelle subie par une population exclue de plus en plus large qui supporte tous les maux. Il s’agit des « sacrifiés », de ceux qu’on ne veut pas voir et qui se rappellent à nous de la plus forte des façons. Mais ces émeutes ont surtout exprimé l’échec du capitalisme, et non l’échec d’un système social. Plutôt que de voir l’échec du système social français dans la crise contemporaine et le maintien d’un chômage de masse, il serait plus juste de parler de l’échec du capitalisme comme système viable.

Cependant, ces émeutes spontanées ne sont pas conscientisées à travers une critique radicale du système ou une analyse politique. C’est pourquoi on parle de mouvement pré-politique. Néanmoins, on a vu émerger une proto-conscience de classe dans ces quartiers de relégation unifiés contre un système et sa République.

Le mouvement de mars/avril 2006 s’est construit contre une mesure de la « loi sur l’égalité des chances » -observons ici le cynisme de nos dirigeants-, en l’occurrence le Contrat Première Embauche, réservé aux jeunes de moins de 26 ans et qui prévoit l’acquisition de droits pour le travailleur au fur et à mesure de son engagement avec l’entreprise. Ce contrat était notamment présenté comme une réponse à l’insurrection de novembre 2005. Le salarié entre en Contrat à Durée Indéterminée au bout de deux ans, période pendant laquelle il était prévu qu’aucun motif de licenciement ne soit fourni par les employeurs. Le mouvement s’est construit lentement, depuis la rentrée scolaire universitaire 2005/2006, des premières émulations se développant contre le Contrat Nouvelle Embauche[2], « grand frère » du CPE, et sur des spécificités de l’Université. Le projet de loi a été annoncé début janvier 2006, alors que le mouvement a réellement commencé en mars, après quelques fébriles manifestations et le blocage de l’université rennaise. Cependant, si le CPE a cristallisé les angoisses, on peut dire que ce mouvement est révélateur de bien autre chose.

 

1-Un mouvement étudiant ?

Le mouvement a été lancé par les étudiants, probablement du fait que ce contrat était réservé au moins de 26 ans, mais aussi parce que les étudiants ont des facilités matérielles à se mettre en grève, et peut-être aussi parce que l’Université est un lieu de culture et d’activités publiques propice à faire tomber les mythes et à organiser une lutte. C’est un lieu d’exception, à la fois protégé du Marché et enfermant ses membres dans une tour d’ivoire. Mais il est vrai que c’est là qu’il persiste un groupe qui conscientise sa rage et ses mécontentements, les politise, où il existe une sorte de « conscience de classe ».

Les étudiants se sont ainsi engagés dans la bataille après l’échec successif de l’ensemble des travailleurs et des lycéens les années précédentes. Ce mouvement a d’ailleurs rapidement été renforcé par l’arrivée massive des lycéens. Des militants, des chômeurs, des précaires sont venus se greffer à l’occupation des universités, enrichissant le mouvement par cette diversité.

On peut toutefois considérer que cette lutte appartient à la jeunesse. La « lutte des classes », concept qui a ses limites, exprime pourtant bien le fait que la société est aussi un champ conflictuel. Il y a bien sûr des conflits catégoriels (classes sociales), géographiques (centres et périphéries, au niveau global et local), et même sexués, mais aussi culturels (modes de vie), « ethniques-identitaires » (origine géographique), et générationnels. Tous ces conflits étant en réalité liés et s’entremêlent bien entendu. La « lutte des classes » se recompose, mais ne disparaît pas. Et c’est peut-être cette question générationnelle qui est la plus insurrectionnelle et la plus explosive : que ce soit dans les quartiers ou dans les universités et lycées, nous voyons bien une génération (en gros nés après 1980) reprendre ce lieu vide du politique, exprimer sa colère, et affronter les forces de l’ordre de plus en plus souvent… Que le pouvoir se méfie : à force de faire descendre régulièrement ces jeunes dans la rue, et de les réprimer, il est en train de créer une génération de révoltés qui n’ont plus peur de la répression.

 

« Après avoir vécu cela, jamais nous ne pourrons reprendre le cours « normal » de nos vies, ayant compris que l’existence était à notre portée, que l’hydre pouvait être ébranlé ; nous ne serons plus des gens convenables. »

 

Peut-on parler de mouvement de masse ? Il y avait, en grossissant les traits, deux groupes de grévistes qui ont réussi à rester unis jusqu’au retrait/remplacement du CPE : les plus activistes (quelques centaines de personnes à Caen), qui organisaient et maintenaient le blocage des bâtiments, tenaient la lutte à bout de bras, et bien sûr plus radicaux (anticapitalistes) ; et beaucoup d’étudiants et de lycéens en partie spectateurs, qui rejoignaient les cortèges massifs, les Assemblées Générales, les deux manif-actions hebdomadaires. Les premiers étaient pour certains des militants syndicalistes (FSE, SUD, CNT…) ou politiques (extrême-gauche, anarchistes), mais il y avait surtout des électrons libres ayant peu d’expérience des luttes sociales. Les seconds étaient en partie représentés par les syndicats de la gauche plurielle (UNEF, Confédération Etudiante) et les discours médiatiques (fixés uniquement sur le CPE), du moins au début. On a donc vu une véritable délégation de la lutte à un petit groupe minoritaire. Ce qui mit la question de la « survie » du mouvement dans cette forme au centre des préoccupations (surtout que les campus de Caen sont constitués de multiples bâtiments qui ont des dizaines d’accès à l’extérieur), les bloqueurs étant peu nombreux alors que le blocage était voté massivement en AG.

La mouvance radicale va peu à peu gagner à elle un grand nombre de ces actifs du mardi et du jeudi –bien aidés par les lycéens et de plus en plus d’individus venus en découdre avec les forces de l’ordre-, les entraîner dans des actions radicales, commencer à élaborer un critique radicale des médias et des syndicats négociateurs, pour finalement perdre le mouvement en s’étant enfermé dans une organisation quelque peu bureaucratique cherchant la légitimité avant-tout. Pas facile de passer de la défense des conditions de travail à la question de l’abolition du salariat… Cela dit, le mouvement pas seulement estudiantin garda son unité jusqu’au 10 avril et fût d’une grande ampleur (des manifestations de 30000 personnes à Caen !).

Ce mouvement a eu néanmoins du mal à se généraliser. Et on peut se demander pourquoi aujourd’hui les ouvriers ne se mettent guère en grève et votent de plus en plus pour la droite « décomplexée » et l’extrême-droite. Mais il est vrai que le capitalisme moderne, sans interdire la grève, l’a rendu improbable, notamment par l’individualisation des salaires. Et c’est ainsi que « les stratégies individuelles prennent le pas sur les stratégies collectives et le stress remplace progressivement la jubilation à débrayer » (Monchatre).

Toutefois, les manifestations de masse dans lesquels le peuple s’est réuni, si elles n’ont pas permis de faire céder le gouvernement, ont participé à la légitimation de cette lutte.

Un mouvement permet de rassembler, d’unir et d’avoir une emprise collective sur le monde. C’est un moment d’exception dans une société individualiste où des individus atomisés se terrent, comme la bestiole de Kafka, dans leur micro-société. Les masses informes redonnent sens et reforment en quelque sorte un peuple. Mais là encore, le rassemblement est éphémère. On peut noter que des intérêts privés viennent de plus en plus s’agglomérer à un mouvement social qui de manière inhérente ne peut poursuivre que des enjeux collectifs. De la même façon, il y a un certain corporatisme que l’on peut voir dans les luttes syndicales. Mais c’est aussi peut-être une analyse pertinente pour comprendre que le mouvement ne s’est pas plus largement généralisé.

[lire la suite sur Subversite Forum ]



[1] Ces émeutes, plus spontanées qu’organisées par des groupes de « délinquants professionnels », comme on a pu l’entendre, ont débuté suite à des rumeurs sur la mort de deux jeunes (Z.Benna et B.traoré), soi-disant poursuivis par la police –ce qui ne fait guère de doute d’ailleurs. Les propos du Ministre de l’Intérieur N.Sarkozy, et même toute sa politique depuis 2002, ont largement favorisé la mise en place de cette situation conflictuelle.

[2] Ce contrat va être invalidé au niveau juridique plus d’un an après sa promulgation, ne correspondant pas au droit international.

Ecrit par , à 19:35 dans la rubrique "Pour comprendre".



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