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Le droit d’être abolitionnistes
Bonnes gens, comment prétendre que les âges médiévaux sont dépassés ? Le monde persiste dans une préhistoire sauvage et continue cette bassesse d’ériger encore et encore de nouvelles geôles. Et puis voilà que l’enferment décidé par une cour pénale devient soudain insuffisant pour protéger ce vieux monde. La CIA légalise le supplice de la baignoire et l’état invente la rétention de sureté, la prison après la prison. La loi se fait cependant moins sévère pour les possédants en dépénalisant certains délits financiers.
N’en doutez pas : il y a lieu d’avoir honte. Honte d’avoir ainsi raté le tournant de l’abolition. Certes, il y eut des âmes courageuses pour dire combien la surpopulation pénale aggravait encore ce dégradant état de la prison. Il y eut des médecins vaillants qui ont rendu compte de l’ignominie sanitaire de ces lieux clos. Il y eut des chevaliers valeureux pour clamer l’indignité de jugements à l’emporte pièce, de ces procès qui ont brisé des innocents dans ces cachots. Il y eut des voix radiophoniques, des philosophes, des mères de famille pour dénoncer l’aberration des conditions carcérales et l’invraisemblance des longues peines. Oui, des braves, il y en eut.

Mais le premier scandale de la prison, c‘est d’abord son existence. Pour quelques psychopathes, combien d’emprisonnés sont issus de luttes désespérées, de batailles pour la survie, d’insoumissions à des règles obsolètes, de combats sociaux et bien entendu de désobéissances civiles et de résistances politiques. Presque tous les « clochards » ont connu la prison. Pour quelques assassins, combien de réfractaires à la misère du vieux monde ? Prison, rétention, quelque mot que ce soit, la même abjection s’y déroule. Le délinquant est toujours traité en ennemi1.
Loin de constituer une vérité immuable, la loi est par essence changeante, incertaine et évolue avec les hommes. Il n’y a pas de bonne loi. La loi n’est pas seulement douteuse, mal appliquée, elle constitue toujours une violence du vieux monde pour soumettre les humains. L’état possède le monopole de la violence comme le rappellent les activités policières et Max Weber2. La prison, comme vengeance sociale, comme punition impersonnelle, s’est peu à peu substituée aux autres tortures car oublier ses ennemis s’est avéré moins dispendieux et moins visiblement cruel. Et puis, on avait brûlé tant de sorcières. Mais la méthode s’est imposée en négatif. Nulle part, le code pénal n’a figuré ce remplacement, il a juste compilé, avec les siècles, l’abolition des autres tortures au profit de cette mise à mort en différé.
L’hésitation des règles organisant le châtiment provient simplement de ce que les hommes n’ont pas le même esprit avec le temps et que la répression des sociétés s’avère toujours trop sévère, trop visiblement vengeresse3. C’est le lieu de pensée des tyrannies populistes. Aussi, le plus souvent, il faut réduire l’application, composer avec les représailles et appeler des circonstances pour atténuer la peine. En préconisant un arrangement pénal, en sollicitant un avocat, la loi avoue que le détenu est bien aussi une victime de son histoire de vie. En outre, l’indigence des conditions de détention crée une économie souterraine pour échapper aux matons et favorise de troubles associations. En revendiquant son acte, le détenu peut s’imposer dans ce monde fermé, et aucune place ne peut plus être faite au discernement ou au remords. Même lorsque le crime paraît répréhensible, la prison traite sans vergogne la victime et le coupable en se substituant à leur possible réconciliation.
Car la réconciliation reste bien nécessaire, le détenu doit bien s’amender et sortir, à moins de proposer l’horreur d’une réclusion à perpétuité, l’abjection de la chirurgie ou de réintroduire l’assassinat légal. Corriger les agissements qui ont parfois conduit à la sauvagerie barbare (mais le plus souvent il ne s’agit que de répliques à la misère) n’est possible que si le délinquant peut reconnaître sa propre brutalité, que si ce qui la justifie n’est ni l’injustice, ni le malheur. Lorsqu’il y a vraiment une victime, la réconciliation est un pacte entre le délinquant et sa victime, une transaction de la raison. Cette réconciliation a nécessairement lieu. Actuellement, elle est le produit de l’oubli, qui atténue le ressenti de la victime. Nos prisons sont vraiment des oubliettes.
Mais on peut imaginer une réconciliation initiale, un travail de la raison entre êtres humains en réintroduisant le respect et sans nier la culpabilité. Selon le modèle qui a présidé à la réconciliation4 après les années d’horreur de l’apartheid, de la dictature d’Argentine, du Chili et dans plus de 20 pays, on peut imaginer une réconciliation5 véritable. Une commission de la vérité rétablissant la raison dans le trouble, parfois ignoble, de l’agissement coupable. La commission d’Afrique du sud a longuement interrogé l’atrocité du racisme, écouté comment la haine de la ségrégation a pu s’inscrire durant des années comme malédiction entre les humains et sans rien exiger d’autres des coupables que la simple vérité, la pure vérité sur leurs actes. Et parler, parler encore. Supprimer l’idéologie sécuritaire de la punition et de la surveillance, c’est inventer un morceau de monde nouveau. De toutes les façons, bien des financiers voleurs, bien des tortionnaires, bien des dictateurs ont échappé à toute sanction, ont même parfois été aidés dans cette évasion légale.
Je n’ai guère que ma sensibilité humaine à opposer, mon savoir reste faible. Mais je l’affirme, oui, il est possible d’abolir ce déshonneur de l’intention carcérale, il est même simplement nécessaire de le faire pour sortir ce vieux monde de cette impasse vengeresse médiévale où il se complait encore. Oui, le progrès n'est que l'accomplissement des utopies, comme le disait Oscar Wilde.
Voilà, pourtant et alors que le Portugal, l’Espagne, la Norvège et Chypre ont aboli la perpétuité, c’est bien cette réconciliation nécessaire que la loi de sureté vient d’anéantir. En cela, on est en train d’éteindre le siècle des lumières…Bonnes gens, l’idéologie punitive, c’est une forme de peste qui s’insinue au fond de nos neurones...
Thierry Lodé
Professeur d’écologie évolutive

1.Catherine Backer 2004 Pourquoi faudrait-il punir. Eds Tahin Party
2.Max Weber 1959 Le savant et le politique. Eds Plon,
3.Michel Foucault 1983 Surveiller et punir, Eds Gallimard,
4.P J Salazar (Dir.) 2004 Amnistier l’Apartheid. Travaux de la Commission Vérité et Réconciliation Le Seuil, coll. "L’Ordre Philosophique", 2004, 352 p
5.Christian-Nils Robert, 2002 "Au cœur de la prison, le châtiment" sur France Culture.

Et le site :
http://abolition.prisons.free.fr
Ecrit par libertad, à 21:47 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

  OgRuR
25-02-08
à 18:53

Oscar Wilde disait encore à propos d'un directeur d'établissement pénitentier "cet homme est dangereux il manque d'imagination"
Répondre à ce commentaire

  ThierryLode
27-02-08
à 17:01

Re: Réponse de Thierry Lodé

Oui, Oscar Wilde était décidemment bien inspiré !
Répondre à ce commentaire

  ThierryLode
22-04-08
à 00:00

Re: Réponse de Thierry Lodé

Cet article est aussi paru quelques jours plus tard dans le numéro 567 de l'hebdo Marianne, p34-35. On peut espèrer que cela donnera aussi des échos à nos idées....
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