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Démocratique ou libertaire ?
--> Entretien Hugues Lenoir et Francisco Codello- Septembre 2007 Sao Paulo
Lors d'un récent séjour au Brésil, j'ai participé avec Francisco Codello de la revue italienne Libertaria à la Conférence internationale de l'Éducation démocratique à Mogi das Cruzes près de Sào Paulo (septembre 2007). C'est dans ce cadre que j'ai demandé à Francisco de répondre à quelques questions sur le mouvement des écoles démocratiques.

Hugues Lenoir: une première question Francesco, quelle est l'origine de ce courant des écoles démocratiques, il naît où, quand et à l'initiative de qui?
Francisco Codello: Son origine historique, on peut dire que la première école démocratique qui a été fondée, est celle de Summerhill en 1921 par Alexander Neill en Angleterre.
HL: L'origine c'est Summerhill?
FC: Oui et après Summerhill toujours en Angleterre, il y a eu une autre importante expérience, une école qui s'appelle Dartington Hall School. Je pense, que sans se reconnaître dans cette tradition anarchiste en matière d'éducation, il y a en Angleterre dans ces expériences une affinité avec une école un peu libertaire, un peu démocratique qui se développe à partir de 1900.
HL: Ce courant des écoles démocratiques anglaises va gagner un petit peu dans le monde, c'est-à-dire que d'autres pays vont s'associer à cette démarche pédagogique?
FC: Oui, je pense que c'est comme ça, bien sûr chaque pays a des caractéristiques, des traditions particulières. On peut dire que ces écoles se sont développées selon les caractéristiques de la culture des pays d'origine.
HL: Et quels sont les pays les plus représentatifs, les plus engagés dans ce mouvement des écoles démocratiques aujourd'hui?
FC: En ce moment, je pense que c'est Israël où le mouvement est le plus important. En Israël il y a 28 écoles maintenant mais aussi en Angleterre, aux États-Unis. Mais il y en a aussi en Corée-du-Sud, en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Inde, au Népal, au Canada et' Europe bien sûr, en Espagne et dans tout l'Europe de l'Est, à Budapest, en Pologne, en Ukraine, à Moscou...
HL: En France et en Italie?
FC: Alors en Italie il n'y en a pas, il n'y a aucune expérience d'école démocratique. En France, je pense que récemment, l'expérience la plus significative a été celle de Bonaventure mais Bonaventure est une école libertaire.
Pour l'Italie et pour une part en France, ce qui explique la rareté de telles expériences, c'est la place qu'occupe l'éducation laïque d'État. En effet, elle a joué un grand rôle dans la lutte contre l'Église et la religion et de ce fait de nombreux progressistes s'y sont ralliés.
HL: Les pratiques des écoles Freinet sont sans doute assez proches aussi?
FC: Oui, je pense mais pas complètement parce que les écoles Freinet n'ont pas développé la démocratisation et la participation directe des élèves à la vie de l'école. Le plus souvent la coopération s'arrête aux frontières de la classe.
HL: Cela représente à peu près combien d'élèves dans le monde?
FC: Dans le monde je ne sais pas mais je peux dire que les dimensions de chaque école ne sont pas trop grandes et je pense que c'est bien parce que ça permet un rapport direct et de qualité entre les personnes, ce qui n'est pas possible si tu en as un grand nombre.
HL: Donc il y a un lien entre « démocratie directe » à l'école et l'importance de la population scolaire?
FC : Oui, oui. Il y a sûrement un rapport très important parce que la participation directe c'est possible seulement dans une dimension restreinte
HL: Quels sont les principes pédagogiques de ces écoles démocratiques?
FC: Je pense qu'elles n'ont pas une théorie pédagogique de référence, elles ont quelques inspirations, celle de Janusz Korczack, aussi de l'anarchiste Francisco Ferrer. En USA, on a un mouvement de l'école Ferrer maintenant encore vivant. On peut dire que les modalités caractéristiques de ces écoles sont celles que je vais résumer brièvement: toutes les décisions sont prises avec la participation de tous ceux qui vivent dans l'école.
HL: Tous ceux qui vivent, c'est-à-dire les administratifs, les profs, les élèves et les parents ?
FC : Oui, tous ceux qui y travaillent ou y étudient, les parents pas toujours, parfois.
Dans ce premier principe, on a des différences entre les écoles, nous avons des écoles qui décident tout à la majorité, nous avons des écoles qui décident à la majorité qualifiée et on a des écoles où l'on décide à l'unanimité. Alors, une école où on décide à l'unanimité par exemple, c'est l'école Carl Rogers de Budapest. Une école où on décide à la majorité c'est celle Summerhill.
Mais ce que je pense que beaucoup vont développer c'est le concept d'unanimité qui peut être appliqué partout s'il se trouve une minorité qui n'est pas d'accord avec la décision, ils ne retiennent pas la décision qu'on va prendre, si c'est fondamental alors ils laissent passer.
Cette façon de procéder est sûrement libertaire parce que elle renvoie dans un contexte plus ample et plus riche une question qui ne peut pas se limiter à des décisions purement formelles. Il s'agit essentiellement de prendre des décision mais aussi de respecter les motivations d'une minorité. Cela doit être une action volontaire et libre qui ne peut jamais être imposée.
HL: Une minorité qui s'abstient amicalement
FC : Amicalement, ils vont continuer à discuter, à reprendre la discussion voilà. C'est le premier principe. Le deuxième c'est que la présence aux cours n'est pas obligatoire.
HL: L'enseignement n'est pas obligatoire?
FC: Non, il n'est pas obligatoire. Mais là aussi il y a des différences selon les lieux. J'ai visité le lycée autogéré d'Oslo qui a été fondé dans les années 1960 par un groupe d'étudiants indépendants. Là-bas, par exemple, une partie des cours, du programme est pour tous et obligatoire mais la plus grande part est facultative et libre. Chaque élève se construit un programme personnel d'études.
Il y a un modèle des écoles démocratiques très radical qui s'inspire du modèle de Sudbury Valley aux États-Unis, il y en a aussi en Allemagne et dans beaucoup de pays où les écoles démocratiques n'ont aucune présence obligatoire, aucune leçon programmée, tout se développe suite à des décisions prises chaque matin selon les besoins qui naissent de la discussion collective, ça c'est le modèle radical.
HL: Je crois que le congrès à Berlin en 2005 a voté la motion suivante: « les élèves apprennent quand ils veulent, où ils veulent, avec qui ils veulent ».
FC : C'est le principe qui résume un peu l'esprit des écoles démocratiques. Les élèves ont le droit de choisir en complète liberté avec qui, quoi, quand et comment il vont avoir cours.
HL: Dans la construction du curriculum, du programme, on a toujours un conseil de professeur ou d'animateur pour dire aux élèves ce par quoi il vaut mieux commencer par ceci ou par cela?
FC: Là encore, il y a beaucoup d'approches, tu dois savoir que la majorité de ces écoles ne sont pas étatiques, elles sont privées donc fonctionnent selon leurs propres règles. Mais ceux qui veulent à la fin avoir une reconnaissance ou un diplôme doivent soutenir un examen, non pas à l'école, mais avec l'administration de l'État pour attester du niveau atteint.
HL: Généralement les résultats des enfants des écoles démocratiques sont-ils aussi bons, sont-ils meilleurs?
FC : Je pense qu'ils sont comme dans les autres écoles de ce point de vue. Il y a des résultats excellents, d'autres moins bons mais ce n'est pas là la différence. La différence à la fin c'est que les personnes qui ont vécu cette expérience sont sûrement plus joyeuses, plus ouvertes, plus habituées à se confronter, à participer aux décisions.
HL: Ce qui veut dire que les écoles démocratiques ce n'est pas seulement de la démocratie pédagogique c'est aussi une école de la démocratie sociale.
FC : Oui, cela c'est un des problèmes. Je pense comme ça, je pense que cette pratique est importante pour développer cette sensibilité mais il faut la consolider aussi avec d'autres principes, d'autres valeurs qui sont très importantes parce que comme nous le savons la démocratie ce n'est pas tout.
HL: Les objectifs clairement affirmés de ces écoles c'est, je crois, tu l'as dit dans un autre lieu, qu'elles font la différence entre « être » et « devoir être ».
FC: C'est mon interprétation, c'est ma lecture de ces expériences en Europe mais ce n'est pas toujours explicite.
HL: C'est-à-dire?
FC: Je pense qu'il serait mieux de se construire une théorie basée sur l'expérience directe de ces écoles et la théorie que je propose c'est que l'éducation libre, l'éducation comme je l'entends, mais moi je suis un anarchiste, c'est que l'éducation doit être une éducation « à être » et non pas à « devoir être ». Dans le sens où toutes les philosophies de l'éducation, ont le même principe de base, l'idée préconditionnée, de conformer l'homme et la femme. L'homme et la femme doivent être comme le veut l'État, comme le veut l'Église, comme le veut le communisme, comme le veut le fondamentalisme, le capitalisme.
HL: Ils veulent un « homme nouveau » prépensé et non pas un individu libre et autonome?
L'école dans ces systèmes-là conforme l'individu à un projet construit autoritairement.
FC: Oui, à un projet de société autoritaire. Je pense que l'importance de l'expérience de ces écoles démocratiques c'est de développer les potentialités de chaque élève, de chaque personne. Mais aussi des enseignants, des parents qui vont vivre et se confronter, apprendre à communiquer. Chacun peut décider ce qu'il veut devenir et surtout développer ce qu'il a comme sensibilité, comme aptitudes, comme projet de vie. Parce que je pense aussi que tous et aussi les enfants petits ont un projet de vie.
HL: Quelle différence avec les écoles libertaires? Les écoles libertaires c'est bien aussi l'idée de permettre à chaque individu de se fabriquer, de se construire pour devenir « un homme fier et libre »
FC: Oui, oui, mais la différence c'est que les écoles libertaires ont aussi comme un projet plus large qui comprend aussi l'égalité économique, sociale, culturelle etc. et les écoles démocratiques n'ont pas explicité cela. Alors, on peut dire que dans ces écoles cette sensibilité sociale se cultive ou s'acquiert seulement avec l'expérience directe mais pas dans le cadre d'une réflexion sociétaleplus ample. C'est là, la différence fondamentale.
HL: Est-ce que ça ne veut pas dire aussi que les écoles libertaires doivent faire très attention de permettre aux enfants d'« être » et non pas de reproduire les modèles de normalisation, en d'autres termes de «contraindre »les enfants à devenir libertaires. Si on veut que les jeunes se réalisent selon leurs potentialités, on ne peut pas préjuger de leur devenir idéologique.
FC : Exactement.
HL: C'est un pari très fort pour nous, ça
FC: Oui, c'est très fort
HL: On fait donc le pari de la liberté produit de la liberté?
FC: Oui. On peut le dire, c'est ce que je pense. Travailler avec ce courant des écoles démocratiques est très important pour les anarchistes qui ont une sensibilité éducative, qui s'intéressent à ces problèmes parce qu'on peut avoir un rôle important. On peut faire en sorte que ces expériences se transforment et évoluent d'une assimilation de techniques pédagogiques démocratiques vers des techniques et des réflexions qui deviennent productrices et multiplicatrices des valeurs sociales de liberté, d'égalité et de fraternité, et d'entraide...
HL: Quand on travaille avec le réseau des écoles démocratiques, on a aussi sans doute un rôle d'apport d'information idéologique et théorique à transmettre à ce courant démocratique qui est, de fait, assez peu idéologisé.
FC: Oui, oui, c'est cela. Voire aussi de critique. De mettre toujours des points d'interrogation, du doute pour que ces acteurs n'acceptent jamais de vivre dans milieu fini, fermé, un milieu qui n'est pas ouvert au monde.
HL: Le danger de ces écoles démocratiques, c'est que si le capitalisme s'aperçoit de leur efficacité, il en appliquera les principes pédagogiques pour former des cadres, des politiciens, des généraux...
FC: Bien sûr, bien sûr. C'est un instrument, un moyen qu'on doit maintenir toujours avec les caractéristiques les plus libertaires possibles pour ne pas permettre que l'État et les patrons s'en emparent. C'est le véritable enjeu de ces écoles démocratiques.
HL: D'autres grandes différences entre écoles libertaires et écoles démocratiques?
FC: Je pense que l'école démocratique c'est une approximation en progrès, en évolution vers un modèle libertaire. C'est comme l'anarcho-syndicalisme qui s'emploie par l'action directe à former des personnes qui prétendent devenir et être libres. C'est un moyen pour les anarchistes d'être dans l'histoire comme je dis mais aussi contre l'histoire qui n'est qu'une construction sociale de la pensée bourgeoise.
HL: C'est un moment de transition?
FC : Oui, pour ne pas s'enfermer dans notre idéologie et se confronter toujours avec les autres dans le monde en veillant toutefois à ne pas devenir prisonnier des logiques du monde autoritaire.
HL: Ce qui est aussi intéressant dans les écoles démocratiques d'après ce que j'ai pu comprendre c'est qu'à la fois il y a des principes généraux mais on ne dit pas que l'école démocratique doit fonctionner comme ci ou comme çà, chaque école démocratique a son mode fonctionnement, d'une certaine manière sans le savoir le mouvement des écoles démocratiques accepte le principe du fédéralisme.
À la fois elles ont des principes généraux, des valeurs qui s'appliquent dans chaque endroit et dans chaque lieu différemment.
FC : Oui, oui
HL: Comment sont organisées les rencontres entre ces écoles?
FC : Quand les écoles se réunissent, il n'y a pas de programme constitué, le programme est déterminé avec les participants, les , décisions sont prises à l'unanimité et voilà. C'est un mouvement très libertaire dans la pratique qui n'~a pas je pense complètement la conscience d'être libertaire
HL: Les participants font de l'anarchisme sans le savoir?
FC: Oui, en quelque sorte je pense que c'est cela!

Hugues Lenoir
groupe Pierre Besnard de la FA

Le Monde libertaire #1490 du 18 octobre 2007
Ecrit par libertad, à 09:11 dans la rubrique "Pour comprendre".



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