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« Les victimes du travail sont privéesd’une juste réparation du préjudice subi »
Lu sur l'Humanité : "Entretien avec Arnaud de Broca, secrétaire général de la FNATH (Association des accidentés de la vie), et François Desriaux, président de l’ANDEVA (Association nationale de défense des victimes.
Quelles sont les insuffisances du système actuel d’indemnisation des victimes du travail ?
Arnaud de Broca. Les victimes du travail sont indemnisées de manière forfaitaire. En 1898, une loi a reconnu qu’un accident survenu sur le lieu de travail était lié au travail. En contrepartie, elle a instauré une réparation forfaitaire pour la victime. Concrètement, cela signifie que toutes les conséquences d’un accident sur la vie personnelle ne seront pas indemnisées.

François Desriaux. Au lieu de couvrir tous les préjudices (perte de la qualité de vie, préjudice esthétique, souffrances physiques ou morales), l’indemnisation ne va réparer que la perte de capacité de gains de la victime. Prenons l’exemple de quelqu’un qui souffre d’un trouble musculo-squelettique à l’épaule : il sera lourdement handicapé, pour travailler, mais aussi dans sa vie courante. Cela ne sera pas indemnisé du tout. Autre exemple, celui de quelqu’un qui est en fauteuil roulant à la suite d’un accident du travail et qui doit engager des frais pour aménager son logement : dans le cadre de la réparation forfaitaire, ces frais ne seront pas pris en charge. Au nom de quoi devrait-il supporter le coût de ce préjudice ?

Arnaud de Broca. Les victimes du travail sont aujourd’hui les seules dans cette situation. Les victimes d’accidents de la route ont droit à une réparation intégrale de leur préjudice, tout comme les victimes de l’amiante, celles des transfusions sanguines contaminées ou encore les victimes d’accidents médicaux, prises en charge par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux. Prenons deux victimes de l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001 : celle qui passait dans la rue au moment de l’accident sera indemnisée intégralement pour les conséquences dans sa vie de tous les jours. Mais le salarié d’AZF blessé sur son lieu de travail ne sera indemnisé que de façon forfaitaire.

Quelle est la situation particulière des victimes de l’amiante en termes d’indemnisation ?

François Desriaux. Les victimes de l’amiante bénéficient, via le FIVA (Fond d’indemnisation des victimes de l’amiante), d’une réparation intégrale de tous leurs préjudices. Nous avons obtenu cela au prix d’une très forte mobilisation, de milliers de procédures judiciaires mettant en avant des fautes graves commises par les employeurs à l’origine de cette contamination. Nous avons bien conscience que c’est une injustice vis-à-vis des autres victimes des maladies professionnelles : si vous avez un cancer du poumon provoqué par l’amiante, vous serez indemnisé de tous vos préjudices. Mais vous ne serez indemnisé que de manière forfaitaire pour un cancer du poumon provoqué par une exposition aux hydrocarbures polycycliques aromatiques. Dans notre esprit, ces avancées obtenues par la mobilisation pour les victimes de l’amiante devaient conduire à une généralisation de la réparation intégrale à l’ensemble des risques professionnels. Or elle ne vient pas.

Comment s’explique cette réticence à accorder la réparation intégrale ?

Arnaud de Broca. Elle s’explique notamment par des raisons financières. Ce sont les employeurs qui paient ces réparations, via les cotisations qu’ils versent à la branche AT-MP (accidents du travail-maladies professionnelles) de la Sécurité sociale. Réparer mieux, cela coûte plus cher. Pourtant, une réparation intégrale, doublée d’une tarification incitative, aurait un impact en matière de prévention, en faisant mieux apparaître aux entreprises le lien entre les cotisations versées et le nombre d’accidents.

François Desriaux. Dans les négociations qui ont eu lieu cette année entre les partenaires sociaux sur la branche AT-MP, comme dans la conférence nationale sur les conditions de travail qui vient de s’achever, les entreprises ont réussi à imposer que l’on raisonne à coût constant. Alors que les maladies professionnelles augmentent, avec notamment la multiplication des troubles musculo-squelettiques et la souffrance au travail. Si l’on veut tenir compte de cette réalité et indemniser mieux les victimes, il faudra payer plus cher. Or le credo en France veut que l’on n’alourdisse pas les coûts pour les entreprises.

Que reprochez-vous à l’accord signé au printemps par les partenaires sociaux, sauf la CGT et la CGC, sur la prévention, la tarification et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ?

Arnaud de Broca. C’est un accord qui enterre notre revendication première, la réparation intégrale. Elle n’y est même pas évoquée comme un but à atteindre à moyen terme. Ce texte n’évoque qu’une réparation forfaitaire améliorée, mais il la conditionne à l’équilibre de la branche et à des études de faisabilité. Nous ne nous faisons donc pas beaucoup d’illusions sur ces améliorations. Nous y voyons également des risques de retour en arrière sur la faute inexcusable de l’employeur, qui permet aux victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles d’aller devant les tribunaux pour obtenir une réparation améliorée. Une jurisprudence en 2002 élargit la possibilité d’exercer ce recours. Nous lisons dans cet accord une remise en cause de cette jurisprudence. Le MEDEF assure dans une lettre d’interprétation de l’accord que la faute inexcusable n’a pas été supprimée. Or la question n’est pas là : nous craignons une remise en question des motifs qui permettent d’aller devant les tribunaux et de la faire reconnaître. Comme parallèlement il n’y a pas d’amélioration de la réparation, une telle remise en question serait difficilement acceptable.

Quelle est la portée de cet arrêt pour les victimes ?

François Desriaux. La loi de 1898 prévoit une réparation quasi automatique, mais forfaitaire, de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle, qui ne couvre que la perte de capacité de gains. Les autres préjudices ne sont pas indemnisés, sauf si le salarié arrive à démontrer devant le tribunal de la Sécurité sociale que l’employeur a commis une faute dite « inexcusable ». Mais la définition de ce qu’est une faute inexcusable n’est pas inscrite dans le Code de la Sécurité sociale. Elle est donnée par le juge, qui la définissait jusqu’à présent comme une faute d’une particulière gravité.

En 2002, la Cour de cassation a complètement modifié la jurisprudence : on est passé d’une faute d’une particulière gravité, à une obligation de sécurité de résultat qui s’impose à l’employeur. Si l’employeur ne satisfait pas à cette obligation, le salarié a droit à une indemnisation complémentaire. C’est une évolution très favorable aux victimes : il est beaucoup plus aisé de démontrer que l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de sécurité de résultat, que de prouver qu’il a commis une faute dparticulière gravité.

Il y a deux grandes obligations de sécurité en droit civil. D’abord l’obligation de moyens : c’est le médecin qui est obligé de mettre en oeuvre tous les moyens que la science a mis à sa disposition pour vous soigner, mais qui n’est pas obligé de vous guérir. L’obligation de résultat, ensuite : en achetant un billet de train, vous passez un contrat avec la SNCF, qui s’engage à vous transporter à votre point d’arrivée dans l’état où vous étiez au point de départ. C’est cette obligation qui s’impose à l’employeur en matière de risques professionnels. C’est une obligation très forte, puisqu’on ne regarde pas les moyens mis en oeuvre pour la remplir.

Arnaud de Broca. Si la faute inexcusable est reconnue par le tribunal, la victime obtient une réparation quasiment intégrale. Cela permet aussi de faire reconnaître la responsabilité de l’employeur. C’est important, dans des affaires qui concernent l’amiante ou des cancérogènes, que soit reconnue la faute de l’employeur qui a continué à exposer ses salariés en sachant qu’ils étaient en danger.

Le combat des victimes de l’amiante a permis d’importants progrès dans l’indemnisation des maladies liées à cette fibre. Quelle est aujourd’hui l’attitude du patronat et de l’État sur l’indemnisation des victimes de l’amiante ?

Arnaud de Broca. Il existe des menaces de recul sur l’amiante, qui pèse financièrement sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Ces menaces concernent en particulier l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA), qui est un dispositif de retraite anticipée. Quelques entreprises s’en sont servies pour faire des plans sociaux, alimentant les critiques sur son coût. Mais s’il y a des améliorations à apporter à ce dispositif, nous craignons que l’on réduise fortement le nombre de ses bénéficiaires. On refuserait alors aux personnes exposées ce droit à réparation qui prend la forme d’une retraite anticipée.

François Desriaux. L’avance obtenue par les victimes de l’amiante nous fragilise : on commence à entendre des voix, au MEDEF ou chez les pouvoirs publics, qui affirment que les victimes de l’amiante coûtent trop cher. Nous avons deux craintes. D’abord au MEDEF et chez les pouvoirs publics, une petite musique s’élève pour dire que les plaques pleurales, qui sont l’affection la plus fréquente chez les victimes de l’amiante, ne sont pas une vraie maladie. Certes, les scanners permettent aujourd’hui de repérer des plaques de très petite taille, dont certains pneumologues disent qu’elles n’ont aucune répercussion fonctionnelle. Mais dire que l’on n’est pas capable d’évaluer ces répercussions est une chose, dire qu’il n’existe pas de répercussions en est une autre. Par ailleurs, cette contestation ignore la souffrance morale des porteurs de plaques pleurales, qui vivent avec l’épée de Damoclès de la possibilité de développer une pathologie beaucoup plus grave.

L’autre crainte concerne l’ACAATA. Nous l’avons obtenue en démontrant que les personnes exposées lourdement à l’amiante avaient une espérance de vie plus courte. Mais elle coûte cher, et les pouvoirs publics voudraient la remettre en question. Or si nous pensons qu’il faut la réformer, c’est pour l’ouvrir à l’ensemble des gens qui ont été exposés.

Comment fonctionne aujourd’hui ce dispositif ?

François Desriaux. Aujourd’hui, elle est ouverte, d’une part, aux malades et, d’autre part, aux personnes qui ont été exposées fortement dans des établissements figurant sur des listes et appartenant à quatre branches professionnelles : la transformation d’amiante, la réparation et la construction navale, le flocage et le calorifugeage, et les dockers. Or il y a des branches entières où des salariés ont été fortement exposés, comme le bâtiment. Ce sont des branches où il serait cohérent de raisonner par métiers, de façon plus individualisée. Nous attendons la constitution par les pouvoirs publics d’un groupe de travail sur ce sujet. L’enjeu est énorme. Nous obtenons régulièrement des tribunaux administratifs l’inscription d’établissements sur les listes ouvrant droit à l’ACAATA pour les salariés exposés, ce qui inquiète les pouvoirs publics. Si l’on raisonne au-delà des victimes de l’amiante, une réforme juste des retraites permettrait à des personnes qui ont été exposées à des facteurs de risque altérant leur espérance de vie de partir plus tôt. Mais si le premier ministre a donné quinze jours aux partenaires sociaux pour négocier sur les régimes spéciaux, on attend toujours la conclusion des négociations sur la pénibilité imposées par la loi Fillon de 2003 sur les retraites. Il y a là deux poids et deux mesures.

Pourquoi contestez-vous l’instauration des franchises sur les dépenses de santé ?

Arnaud de Broca. Nous y sommes opposés de manière générale parce qu’elles remettent en cause la solidarité sans responsabiliser les patients, qui ne sont pas responsables des soins qui leur sont prescrits. Lors de la manifestation, nous allons mettre en avant leur impact sur la réparation des victimes du travail. Un des rares droits de ces victimes est celui à la gratuité des soins liés à leur accident. Avec les franchises, comme avec la participation forfaitaire en 2004, les victimes vont devoir payer pour une partie de leur réparation. Entre les dépassements d’honoraires, la participation forfaitaire d’un euro par consultation, les franchises instaurées par le projet de loi de fianncement de la Sécurité sociale 2008, le principe de la gratuité des soins n’est déjà plus effectif. Cela revient à imposer à ces victimes de payer eux-mêmes la réparation de leur préjudice.

François Desriaux. N’oublions pas que pour les victimes du travail il existe un tiers responsable de la dégradation de leur santé. Logiquement, c’est à lui de supporter la charge des frais médicaux. Pour les victimes de l’amiante le reste des examens médicaux ou du traitement est financé par le FIVA. Mais une victime d’une maladie provoquée par un autre polluant devra payer les franchises de sa poche.

Entretien réalisé par Lucy Bateman
Ecrit par libertad, à 22:29 dans la rubrique "Actualité".



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