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Ethanol de maïs : spéculation et famine !
Lu sur les Amis de la Terre : Lettre au journal Sud-Ouest
Dans son édition du vendredi 7 septembre, Sud-Ouest interviewait Mr Graciet, président de la Chambre d’agriculture des Landes, sur les augmentations du prix des céréales dont le maïs.

Par contre, aucune question n’était posée sur le pourquoi de cette augmentation. Les Amis de la Terre aimeraient apporter quelques éléments de réponse.

La principale raison des augmentations des prix alimentaires sur les 5 continents est dû à la confiscation par la filière éthanol, de millions de tonnes de maïs. Sous prétexte de remplacer le pétrole par des carburants d’origine agricole, des millions d’hectares ne sont plus utilisés pour produire de la nourriture, mais pour alimenter des usines d’éthanol.

En tant que premier réseau écologiste dans le monde, les Amis de la Terre, voient déjà les conséquences partout :
- en un an, le prix du blé en Angleterre, est passé de 150 euros la tonne à 300 euros provoquant une hausse du prix du pain (et en France ?) ;
- pour le seul mois de juillet, les prix du bœuf, du lait et des œufs ont augmenté de 7,5 % aux Etats-Unis ;
- l’Afrique du Sud a vu ses prix alimentaires augmenter de 17% ;
- la Chine a dû stopper toutes les nouvelles plantations de maïs pour faire de l’éthanol, après que le prix du porc ait subi une augmentation record de 42%, l’an dernier ;
- en Inde, les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 11% en un an ;
- au Mexique, le prix du maïs qui est l’aliment de base des plus pauvres, a quadruplé en février entraînant des émeutes de la faim ;
- pire encore, le Programme Alimentaire Mondial de l’ONU qui fournit une aide alimentaire à 80 millions d’humains, ne sait plus comment faire face à de telles augmentations des céréales. Des millions d’humains vont mourir de faim.

Et ce n’est pas fini, l’OCDE, le club des 30 pays les plus riches de la planète prévoit pour les 10 années à venir, une augmentation des prix alimentaires allant de 20 à 50% … Gare aux pauvres !

Mais est-ce que l’éthanol de maïs sert à autre chose qu’à faire grimper les prix ?

Les ministres d’une douzaine de pays de l’OCDE, dont les Etats-Unis, se réunissent aujourd’hui mardi, à Paris, pour discuter, lors de la Table Ronde sur le Développement durable, d’un rapport sur les agrocarburants. On peut y lire que « Le développement actuel des agrocarburants provoque des tensions insupportables qui vont désorganiser les marchés, sans apporter de bénéfices significatifs pour l’environnement ». Dans le meilleur des cas, peut-on lire, les agrocarburants pourraient permettre de diminuer les gaz à effet de serre de 3% mais à un coût exhorbitant. Les seuls agrocarburants intéressants sont la canne à sucre, les huiles usagées et les résidus de papeterie. Dans ce rapport, il est estimé que les Etats-Unis, à eux seuls, dépensent 5 milliards d’euros par an pour aider la filière éthanol, que chaque tonne de CO2 évitée coûte 350 euros et qu’en Europe, ce coût peut être jusqu’à 10 fois plus élevé ! Les auteurs du rapport demandent si l’Union Européenne, plutôt que de prévoir d’utiliser 10% de carburants végétaux d’ici 2020, ne ferait pas mieux d’investir l’argent des contribuables ailleurs.

D’autre part, la seule étude relativement favorable à l’éthanol de maïs – celle de l’ADEME – doit être bientôt revue complètement, tellement elle manque de rigueur scientifique dans ses calculs. Par contre, plusieurs études internationales, indépendantes démontrent très clairement que la quantité d’énergie fournie par un litre d’éthanol est inférieure à la quantité d’énergie nécessaire pour …fabriquer ce litre d’éthanol ! En terme d’indépendance énergétique ou de lutte contre les changements climatiques, l’éthanol de maïs ne sert à rien, voire aggrave ces problèmes.

Quel est alors l’intérêt véritable des agrocarburants et plus spécialement de l’éthanol de maïs ? En créant une nouvelle filière pour le maïs, on a artificiellement gonflé la demande et provoqué volontairement une augmentation des cours. Derrière cette manipulation spéculative, on retrouve tous les acteurs du second Forum Mondial des Agrocarburants qui a eu lieu à Bruxelles ce printemps : d’abord les acteurs de l’agriculture industrielle, tous les géants de la chimie des semences et des OGM (ce sont les mêmes), et leurs alliés du pétrole, de l’automobile, Abengoa et de grandes banques, notamment françaises. Toutes ces industries investissent dans la filière éthanol et ont intérêt à la voir se développer.

Pendant que ces groupes industriels poussent ces filières, les citoyens payent en tant que contribuables ( défiscalisation de 550 euros/ha pour l’éthanol sous forme d’E5 ou d’ETBE, et de 1600 euros/ha pour le E85 !) et subissent en tant que consommateur une augmentation des prix alimentaires. Pour le directeur de Nestlé le plus grand groupe agro-alimentaire mondial, aussi loin qu’on puisse prévoir, les prix resteront élevés. On n’a pas fini de payer !

Alors que ces céréales sont confisquées par la spéculation, le Panel International sur les Changements Climatiques prévoit qu’une des conséquences des changements climatiques pourrait être une diminution de la production agricole dépendante des pluies, allant jusqu’à 50%, d’ici 2020 ! La Banque Mondiale de son côté, constate que 15% de la nourriture mondiale actuelle - dont dépendent 160 millions d’humains - pousse grâce à de l’eau tirée de sources souterraines qui s’épuisent rapidement ou de rivières qui s’assèchent. Et pendant ce temps, l’eau, ici, est scandaleusement gaspillée. En effet, il faut plus de 900 litres d’eau pour faire pousser le maïs nécessaire à produire un litre d’éthanol ! Ce sont des millions de précieux m3 d’eau qui sont gaspillés pour partir en fumée.

Pendant que les céréaliers se réjouissent, dans de nombreux pays, les filières de l’élevage déjà en difficulté, supportent mal ces augmentations. Mais les éleveurs français seront heureux d’apprendre que le Brésil met ses abattoirs aux normes européennes… La délocalisation qui a d’ailleurs déjà commencé peut continuer et nous aurons bientôt des poulets brésiliens sur nos tables, pour la plus grande joie des producteurs landais...

Depuis 30 ans, l’agriculture sert à engraisser les actionnaires des grands groupes industriels et financiers (chimies, semences et maintenant OGM). Il serait temps qu’elle revienne à sa vraie vocation : nourrir la planète.

La quantité de céréales utilisées pour faire le plein d’un 4X4 suffit à couvrir la ration ANNUELLE d’un humain. Les Amis de la Terre posent clairement la question : va-t-on laisser encore longtemps une minorité spéculer sur l’alimentation mondiale et affamer les pauvres ? Non, et nous sommes tous concernés.

Pour continuer, un peu de lecture :


- La situation mondiale vu par la Fédération Internationale des Amis de la Terre et notamment par les groupes du Sud : "Agrocarburants une catastrophe écologique et sociale programmée", voir http://www.amisdelaterre.org/-Les-carburants-.html
- un exemple français, l’usine d’éthanol à Lacq (64) : "OGM, biocarburants et Euralis", voir http://www.amisdelaterre.org/OGM-biocarburants-et-euralis.html
- une partie des informations de cet article est tirée d’un article du Guardian, voir la traduction intitulée : " Ethanol de maïs : l’énergie du... désespoir ou comment affamer des millions de pauvres !", http://www.amisdelaterre.org/Ethanol-l-energie-du-desespoir-ou.html


Par Christian Berdot



Ecrit par satya, à 16:49 dans la rubrique "Ecologie".



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