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Comment l’argent fait le bonheur (4/4)
--> L’argent fait-il le bonheur ?

Lu sur l'Humanité : "Le savetier plutôt que le financier
La vulgate du sens commun affirme que l’argent ne fait pas le bonheur, mais… qu’il peut y contribuer. Faisant de nécessité vertu, on préfère croire que la richesse n’apporte pas la félicité mais plutôt des contraintes. Un certain dépouillement serait plus favorable à une existence libre et heureuse. Le financier de la fable de La Fontaine, « tout cousu d’or, chantait peu, dormait moins encore », alors que son voisin le savetier « chantait du matin jusqu’au soir ».

Ce lieu commun est repris dans une certaine presse écrite et audiovisuelle, autour des thèmes de l’enfer des riches, notamment avec les jeunes des beaux quartiers, tous accros à la cocaïne ou aux soirées folles et capricieuses. Les malheurs sentimentaux qui affligent les familles régnantes, les vedettes du show-business ou les étoiles du football alimentent les gazettes, qui illustrent aussi leurs articles des photographies de villas tropéziennes, de yachts interminables et de Ferrari rutilantes. Mais c’est pour mieux souligner combien les divorces, les maladies, les accidents viennent remettre à leur place cette opulence qui, de toute évidence, ne suffit pas au bonheur. La fortune n’est pas tout et elle peut s’accompagner d’une grande détresse. Décidément, pour reprendre une autre fable, « les raisins sont trop verts ». En sollicitant sa pitié et sa compassion, cette littérature détourne l’attention du lecteur populaire des inégalités qui se cumulent dans tous les aspects de vie sociale.

Une idée insupportable : le cumul

Nombre de chercheurs en sociologie nous ont paru être plus intéressés par les échecs et les dysfonctionnements des dominants dans les processus de reproduction des rapports sociaux que par cette reproduction elle-même. La transmission se ferait mal, et un lieu commun est parfois présenté comme une loi : la première génération crée la fortune, la seconde la gère et la troisième la dilapide. Le capitalisme familial aurait disparu et l’économie serait maintenant aux mains des managers de fonds de pension et de fonds spéculatifs aux ramifications internationales.

L’idée du cumul des différentes formes de richesse est insupportable à ceux qui doivent souvent tout à leur capital scolaire. Ainsi les préjugés sur une prétendue infirmité culturelle des classes dominantes sont toujours présents. Les patrons de l’industrie, les femmes « du monde », les élèves de Janson-de-Sailly sont supposés, a priori, être des béotiens, des gens de peu de culture. On leur reconnaît difficilement des compétences artistiques, des goûts littéraires qui ne soient pas naïfs ou convenus. Le rapport aux choses de l’esprit serait purement mondain, donc superficiel. Ces représentations reposent sur un axiome : là où il y a beaucoup d’argent, il ne peut y avoir beaucoup de culture. Plus généralement, ce sens commun des classes moyennes intellectuelles leur permet de construire une représentation semi-savante du bourgeois comme être intellectuellement borné. Il est vrai que l’idée du cumul des diverses formes de capitaux au plus haut niveau peut avoir quelque chose d’irritant pour ceux qui ont été constitués dans des systèmes dichotomiques qui opposent la culture aux autres richesses. La richesse matérielle serait ainsi incompatible avec une pensée forte originale, les qualités littéraires et intellectuelles seraient antinomiques avec la beauté physique pour une jeune fille.

Or nombre de grands bourgeois sont d’authentiques esthètes, artistes, hommes de lettres ou savants. Michel David-Weil, associé gérant du groupe Lazard (grande banque privée internationale), est aussi président du Conseil national de la Réunion des musées nationaux, qui gère les achats d’oeuvres par l’État. Parmi les Rothschild, on trouve une danseuse classique et un auteur dramatique qui fut célèbre au début du XXe siècle. Nombre d’écrivains sont nés dans la « bonne » société, dont Jean d’Ormesson. Le prince Gabriel de Broglie fut prix Nobel de physique. La culture et l’argent ne sont pas incompatibles. Une certaine aisance financière de la famille est un facteur favorable à l’acquisition d’une culture multidimensionnelle, ne serait-ce que par la fréquentation des établissements scolaires offrant de très bonnes conditions d’études et un milieu de condisciples stimulant.

L’irrecevabilité est à son comble lorsque nous soulignons que les capitaux accumulés finissent par avoir des effets sur les personnes et que l’incorporation des manières, des savoirs et des savoir-faire symboliques modèlent les personnalités qui doivent une partie de leurs privilèges aux qualités réellement intériorisées, comme l’aisance en public. Il ne s’agit pas de réhabiliter la notion de don, mais de souligner le résultat de toute une éducation socialement efficace.

On est alors toujours surpris d’entendre parler, y compris par des sociologues, de « fin de race » à propos de nobles ou de grands bourgeois. L’expression de leur rejet de ce monde d’héritiers passe par la dépréciation de leurs corps, ce que recouvre l’usage du mot « race ». Il est même étonnant que ce mot soit utilisé alors qu’il est proscrit du langage sociologiquement ou politiquement correct. La « fin de race », c’est à la fois la reconnaissance d’un passé d’excellence sociale et l’affirmation, consolatrice, d’un présent de décadence. Le sarcasme et la plaisanterie sont des armes dérisoires face aux positions occupées dans la société par ceux dont, en fait, on reconnaît le pouvoir en essayant de les tourner en dérision.

Retour à la classe sociale ?

Les classes sociales sont à un état de construction et d’achèvement très variable. La bourgeoisie montre beaucoup d’opiniâtreté dans son effort constant pour gérer ses frontières et pour transmettre les richesses au sein de la même confrérie des grandes familles. Les classes moyennes sont un véritable carrefour social. Quant à la classe ouvrière, ou aux classes populaires dans leur ensemble, le reflux est manifeste : le recul de l’influence des organisations syndicales et politiques qui travaillaient à la mobilisation de la classe se traduit par un éparpillement des prises de position. Dès le premier tour de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy recueillait 72,6 % des voix à Neuilly, Ségolène Royal devant se contenter de 7,5 %, et Marie-George Buffet de 65 voix (soit 0,19 %). Dans le même département des Hauts-de-Seine, de l’autre côté du fleuve, la commune populaire et communiste de Nanterre, avec un nombre de voix exprimées très proche (35 500 contre 33 450 pour Neuilly), présente un grand éclatement des voix. Ségolène Royal a certes devancé Nicolas Sarkozy avec 36 % des suffrages contre 23,9 %. François Bayrou a recueilli 18,9 % et Le Pen 7 %, plus que Marie-George Buffet, qui n’a rassemblé que 4,6 %. La lucidité politique est donc bien plus ancrée à Neuilly qu’à Nanterre, malgré le long passé militant de cette ville. La désindustrialisation y est pour beaucoup car le patrimoine industriel était le patrimoine de la classe ouvrière.

La sociologie des classes dominantes met en évidence les inégalités de tous ordres qui s’enracinent dans la richesse. Être riche facilite la vie et la rend plus agréable. Il est difficile de soutenir que l’aisance matérielle ne donne pas certaines satisfactions. D’autant qu’elle s’accompagne de pouvoirs sur l’espace et le temps et qu’elle facilite l’accès à la culture. Par la mondialisation, le pouvoir des puissants se renforce encore. La classe ouvrière perd ses repères et ses bastions. La conscience claire de l’amplitude démesurée des inégalités vaut pourtant mieux que leur sous-estimation.

Le tableau de la richesse, dans sa diversité, est dans un premier temps décourageant. Mais sans la conscience des inégalités profondes et des injustices qui la fondent, on en arrive trop vite à en prendre son parti et à baisser les bras.

Par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, directeurs de recherche au CNRS.

Comment l’argent fait le bonheur (3/4)

Ecrit par libertad, à 08:57 dans la rubrique "Pour comprendre".



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