Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





Crée le 18 mai 2002

Pour nous contacter : endehors(a)no-log.org



D'où venons-nous ?


Nos références
( archives par thèmes )


Vous pouvez nous soutenir en commandant nos brochures :

Les éditions de L'En Dehors



Index des rubriques

Les collaborateurs et collaboratrices de l'En Dehors

Liens

A noter

Recherche

Archive : tous les articles

Session
Nom d'utilisateur
Mot de passe

Mot de passe oublié ?

Comment l’argent fait le bonheur (3/4)
--> Les inégalités face à la mort
Lu sur l'Humanité : "Le sens commun proclame volontiers l’égalité de tous devant la mort. La fortune est censée ne pas pouvoir s’emporter dans la tombe. Toutefois, la richesse porte en elle les germes d’une forme d’immortalité symbolique qui peut aider à accepter la finitude humaine et à affronter l’inéluctabilité de la disparition de ses proches et de la sienne propre.

L’immortalité symbolique

L’espérance de vie est très inégale selon les groupes sociaux, ce qui tient aux conditions de travail et aux inégalités dans les soins apportés aux corps. Toutefois, même les grands bourgeois finissent par mourir. Mais pas tout à fait : ils bénéficient d« immortalité symbolique ». De quoi s’agit-il ? Pour qu’il y ait transmission et réception de l’héritage dans de bonnes conditions, il faut qu’il existe une lignée, c’est-à-dire une solidarité et une continuité entre les générations. La passation des patrimoines suppose des héritiers, formés pour recevoir cet héritage, soucieux d’assurer la transition et de léguer eux-mêmes à leur tour. La croyance dans l’exceptionnalité du destin de la lignée, une certaine idéalisation et même une sacralisation de la famille sont au principe des transmissions réussies. Celles-ci sont dans la logique profonde du système capitaliste dont la ruée et la reproduction s’appuient sur des structures familiales solides, capables de résister aux vicissitudes économiques et politiques.

Les liens entre les vivants et les morts se tissent dès le plus jeune âge. Nombre de nos interviewés nous ont évoqué leurs ancêtres avec émotion devant leurs portraits, leurs objets personnels, les meubles au milieu desquels ils vécurent. Tel fauteuil était celui que préférait un arrière-grand-père dont on connaît la biographie et qui choisissait ce siège pour sa lecture d’après le déjeuner. Les disparus gardent ainsi une présence vivante, qui leur permet d’accéder au statut d’ancêtre. C’est la condition pour que la richesse accumulée puisse se muer en patrimoine transmis et à transmettre. La mort n’est pas tout à fait la même lorsqu’elle vient prendre place dans la succession de générations qui forment une chaîne appuyée sur un patrimoine qui en est le produit et le soutien. De son vivant l’héritier, qui à son tour va transmettre, sait que son souvenir sera revivifié de multiples façons, par son portrait dans la galerie des tableaux de famille, par la fanfare de vénerie qui sera jouée à la fin des laisser-courre, par la lecture de ses Mémoires, par la transmission de la bibliothèque de livres anciens, passion du bibliophile, ou par celle de la collection de miniatures qu’un des - descendants aura plaisir à reprendre et à - continuer.

Cette immortalité n’est pas réelle, mais, même seulement symbolique, elle vaut mieux qu’un hypothétique au-delà, auquel par ailleurs elle n’interdit pas de croire. Elle n’a pas besoin de sépulture fastueuse, elle ne fonctionne pas dans la logique de la pyramide des pharaons. Le tombeau de James de Rothschild, au Père-Lachaise, fondateur de la branche française de cette illustre famille, est bien modeste en regard de son immense fortune. Mais, de son vivant, le baron James n’ignorait pas qu’il serait l’une des figures de l’histoire du XIXe siècle, et que, continuateur de la lignée commencée dans le ghetto de Francfort, allié aux branches fondées par ses frères aux quatre coins de l’Europe, la famille ne risquait pas de sombrer dans l’oubli. La simplicité du monument incite à penser que la dynastie Rothschild perdure au-delà de l’existence transitoire de ses membres et que c’est sur un mode essentiellement collectif, dans la pérennité d’un patronyme, que peut se construire cette dénégation de l’éphémère que proclament les grandes familles. D’où l’importance des châteaux construits par les Rothschild dans l’Oise ou en Seine-et-Marne, ou mieux encore des vignobles acquis dans le Bordelais. Le château est, par son apparente éternité, et par l’espace qu’il offre, le temple parfait de la mémoire familiale. La vigne, élément vivant du patrimoine, symbolise également la durée de la dynastie.

Demeures historiques, logements éphémères

Les sagas familiales s’appuient donc volontiers sur le château qui en matérialise la réussite et la durée. Monument historique classé par les services de l’État, il certifie la valeur illustre de ceux qui l’habitent. À l’autre extrémité de la société, le destin quelque peu tragique de ces tours ou de ces barres d’HLM, qui disparaissent dans les apocalyptiques volutes de poussière provoquées par leur implosion programmée, est significatif de la valeur patrimoniale de cet habitat : nulle. L’existence populaire est vouée au précaire et à l’éphémère. Il est logique que cet habitat soit provisoire : c’est en harmonie avec la condition de ceux qui ne font que passer sans laisser de traces, tout au moins de traces identifiables. Le travail de chacun se perd dans la masse du travail de tous, dans la multitude des tâches anonymes. Les historiens, qui s’appuient avant tout sur les traces écrites, accordent une place démesurée aux élites. « Rome la grande est pleine d’arcs de triomphe - qui les érigea ? » se demande Bertolt Brecht, avec une fausse naïveté, dans Ce que demande un ouvrier qui lit. Le jeune Alexandre, qui conquit les Indes, n’avait-il même pas un cuisinier à ses côtés, s’interroge-t-il, mettant en évidence l’égocentrisme de classe d’une histoire qui ne prend en compte que les personnages illustres.

L’usure du temps qui affecte les châteaux, les objets d’art et le mobilier n’est pas un affront mais un élément de prestige qui peut s’afficher avec ostentation : le temps permet d’être au-delà du périssable. L’usure ajoute même une bonification économique : alors que dans les autres milieux sociaux les maigres biens accumulés perdent leur valeur au fil des générations pour devenir très vite obsolètes et ne mériter que le sort peu enviable des objets encombrants abandonnés sur les trottoirs, la plupart des biens qui meublent l’espace de la vie quotidienne des grands bourgeois accèdent au statut d’objet d’art. Si bien que les familles finissent par habiter des maisons qui peuvent devenir telles quelles des musées, comme les hôtels particuliers de Nélie Jacquemart-André et de Nissim de Camondo, à proximité du parc Monceau, à Paris.

« La mémoire des pauvres, écrit Albert Camus dans le Premier Homme, déjà est moins nourrie que celle des riches, elle a moins de repères dans l’espace puisqu’ils quittent rarement le lieu où ils vivent, moins de repères aussi dans le temps d’une vie uniforme et grise. Bien sûr, il y a la mémoire du coeur dont on dit quest la plus sûre, mais le coeur s’use à la peine et au travail, il oublie plus vite sous le poids des fatigues. Le temps perdu ne se retrouve que chez les riches. Pour les pauvres, il marque seulement les traces vagues du chemin de la mort. Et puis, pour bien supporter, il ne faut pas trop se souvenir. »

Camus fait toutefois l’impasse sur la mémoire collective fondée sur les luttes sociales et politiques des travailleurs pour faire valoir leurs droits. Les syndicats et les partis qu’ils ont créés portent cette mission de transmettre la mémoire des luttes, qui est encore à l’origine d’une autre immortalité symbolique, celle de la classe.

Par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, directeurs de recherche au CNRS.

Comment l’argent fait le bonheur (2/4)
Ecrit par libertad, à 09:28 dans la rubrique "Pour comprendre".



Modèle de mise en page par Milouse - Version  XML   atom